Vanité et sclérose de la philosophie


Résumé: Ceci est un essai adressé aux philosophes visant à exprimer le bilan de mes observations sur la situation, les méthodes et problématiques actuellement dominantes en philosophie. Par une comparaison entre philosophie et science j'indiquerai en quoi la disproportion entre la stagnation chronique de la philosophie et les progrès spectaculaires des sciences me semble explicable par une fausse route méthodologique (voire éventuellement un manque d'intelligence) qui domine la philosophie, plus que par une difficulté intrinsèque liée à une (prétendue) différence de nature de son domaine d'étude. Des pistes seront esquissées dans l'espoir de susciter une réorientation de la philosophie en une nouvelle science porteuse de davantage de fruits et de progrès qui seraient dignes d'une science parmi les autres sciences. Bien sûr je ne parle que d'une tendance d'ensemble à laquelle il peut toujours y avoir des exceptions.
Par ailleurs j'ai rédigé un essai plus important en anglais (en deuxième moitié de cette page), montrant notamment par diverses citations et références, qu'une telle critique de la philosophie est assez consensuelle parmi les scientifiques.

Introduction

Je rappelle d'abord que je suis mathématicien, avec des connaissances en physique théorique que je tente d'expliquer depuis leur début en incluant leurs aspects "philosophiques" comme partie intégrante de leur compréhension, quasi indissociable du contenu mathématique lui-même.
D'autre part je mets aussi à profit mes facultés de réflexion sur des sujets philosophiques.
En classe de terminale, j'aimais bien la philosophie de Platon, et je trouvais ces idées très attirantes, un super idéal qui vu de loin vaudrait la peine qu'on y consacre sa vie. Mais ça c'est la théorie. La pratique, c'est autre chose. En effet par contre, après cette intro alléchante, le reste du cours et les devoirs de disserts ne me plaisaient pas du tout. Je trouvais ça barbant, et indigne de ce que ça prétendait être.
Ca prétendait en théorie apprendre à l'homme la liberté d'esprit, et ça l'enfermait en pratique dans les conceptions parfois sclérosantes des auteurs passés.
Ca prétendait exhorter l'homme à se libérer de ses a prioris, et lui assénait en pratique comme vérités plus ou moins contestables des conceptions préfabriquées, (qu'en principe on a le droit de discuter mais plutôt pas trop en pratique puisque si c'est telle conception qu'on enseigne c'est pas pour des prunes et puis il faut avoir de bonnes notes !), donc plus ou moins douteuses et déconnectées du réel.
Ca prétend l'amener à exprimer librement son esprit dans des disserts, tout en l'enfermant en pratique dans des sujets plus ou moins absurdes. Je trouve ça honteux de prétendre forcer les jeunes à baratiner une ou deux copies doubles sur des sujets ou extraits de "grands auteurs" parfois dépourvus de sens ou d'intérêt voire bourrés de préjugés insidieux, et de les juger là-dessus en prétendant que c'est pour éveiller leur esprit. Un de ces jours peut-être, j'irai sélectionner quelques-un des sujets qui ont été postés dans mon forum philosophie et les commenterai plus ou moins, mais certainement pas d'une manière à fournir un contenu capable de rapporter des bonnes notes aux élèves qui auraient à rédiger dessus.
Le programme de terminale est-il une manière pertinente de juger de la philosophie ? Certes pas forcément. En effet je ne trouverais pas non plus pertinent de juger les mathématiques d'après leur enseignement actuel en terminale.
Alors pour m'informer plus précisément de la situation, j'ai été faire un tour (début 2006) sur Wikipedia à la recherche des idées philosophiques en vogue. Et là j'ai fait une découverte fantastique: les idées de Nietsche sur la philosophie universitaire. Enfin des choses intéressantes ! Mais pourquoi donc ne met-on pas ces idées magnifiques au programme de philo de terminale ???

Voir aussi:

Sur le présent site: qu'est-ce que la science: critique d'un corrigé de dissertation de philosophie

Sur d'autres sites:
Socrate fonctionnaire (que je n'ai pas lu)
Impostures en philosophie avec page discussion associée, et Critiques de la philosophie (articles Wikipedia)
La méthode scientifique en philosophie (ouvrage de Bertrand Russel).
Une étude des faiblesses de la philosophie sur http://philo-analysis.com/, de tendance marxiste.
Qu'appellent-ils "penser"? de Jacques Bouveresse

Remarques d'ordre général

L'opinion de la philosophie sur elle-même

Une des spécificités de la philosophie est qu'un de ses objets est l'évaluation des activités de l'esprit humain. Elle en a largement abusé pour s'attribuer à elle-même bien souvent la plus haute note, se prenant pour la reine de la pensée. Trop facile: personne, peut-on supposer, ne viendra passer son temps à venir lui répondre.
On pourrait ainsi décrire la différence entre science et philosophie: le métier du scientifique est de penser et développer la connaissance dans un certain domaine, tandis que le métier du philosophe est de s'auto-persuader et de persuader l'humanité que c'est lui le plus grand penseur de tous. Pour cela il dispose d'une panoplie de sophismes propres à bien séduire le public auquel il s'adresse et au niveau duquel il place son discours, tandis que le discours scientifique ne s'adressant pas au public et étant trop compliqué pour lui n'aura pas cette capacité de le séduire. Aussi, on peut reconnaître qu'en principe les sujets d'intérêt du philosophe seraient vraiment des sujets plus intéressants et essentiels que pas mal d'autres. Mais le fait de se poser un bon domaine de questionnement n'est nullement la garantie, ni du fait de trouver à l'intérieur de ce grand domaine de bonnes questions particulières, ni encore moins du fait de trouver à ces questions de bonnes réponses. Et il arrive souvent, comme nous allons le voir, que le philosophe retienne des réponses fausses, que des non-philosophes peuvent réfuter facilement.
Ainsi le philosophie se prend pour le roi de la pensée. Mais petit à petit il apparaît que le roi est nu.

De manière générale, j'ai pu voir passer de nombreuses théories scientifiques, notamment des théories mathématiques et physiques, qui dépassent de loin en intelligence toute théorie philosophique connue à ce jour.

L'attitude par rapport à la vérité

Une différence importante entre le philosophe et le scientifique, différence que rien ne justifie, est leur attitude vis-à-vis de la vérité.
Bien sûr, au départ personne ne détient la vérité avant d'avoir mené des recherches théoriques ou expérimentales.

Chez le scientifique, la recherche de la vérité sur une question donnée peut bien sûr être courte ou longue, et comporter des incertitudes. Mais tant qu'il y a des incertitudes sur une question, que plusieurs théories concurrentes sont présentes, le scientifique continue à chercher et à confronter la question à tout ce qui peut lui être confronté, en développant systématiquement les conséquences des théories dans le sens de ce qui peut faire l'objet d'un contrôle expérimental, dans le but d'arriver à trancher la question, savoir quelle est finalement la vérité. Puis, une fois obtenue par cette confrontation qu'il cherchait une conclusion fiable et sûre, il se décide dorénavant à poursuivre ses recherches uniquement sur la base de cette vérité qu'il a acquise, rejetant les hypothèses erronées précédentes dans les oubliettes de l'histoire. Désormais, son enseignement des sciences portera uniquement sur les thèses vérifiées comme vraies, présentées comme telles; éventuellement sur les hypothèses spéculatives, présentées comme telles, mais pas plus de 2 minutes sur les résumés des thèses qui ont été réfutées, en précisant qu'elles ont été réfutées et comment (si ça peut s'expliquer rapidement). De nouvelles éditions de livres sortent régulièrement sur les théories en vigueur, rendant tour à tour obsolètes les traités passés, rendant toujours quasiment inutile la lecture de tout livre vieux de plus de 50 ans puisque de nouveaux auteurs reprennent régulièrement les sujets traités par le passé, en faisant le tri du contenu pour en éliminer les erreurs, adapter les notations et pratiques à leur usage récent tel qu'il s'est avéré utile depuis, et en développant et complétant les points qui se sont avérés intéressants en fonction des récentes découvertes.

Le philosophe, par contre, ne s'intéresse guère qu'à ses hypothèses et à leurs développements. Ce développement peut être soit cohérent, soit plus ou moins incohérent, sans qu'il prenne grand soin de le vérifier. Il ne prétend pas avoir raison, mais la question semble l'indifférer. Il laisse simplement l'autre libre de penser autrement si ça lui chante (enfin du moment que ce dernier reste en accord avec ses pratiques et ses enseignements bien sûr). Lorsqu'il émet une hypothèse, la possibilité de la vérifier ou de la réfuter peut ou non être relativement à portée de main, il ne s'intéresse pas particulièrement à la dénicher. Et même lorsque par hasard ou par le travail d'un autre philosophe ou d'un scientifique une thèse vient à être réfutée, cela ne vient guère perturber sa tradition d'enseignement telle quelle de cette thèse, par respect de "cohérence" envers l'intégralité de l'oeuvre de son auteur originel, sans même prendre un soin systématique à signaler, lors de la présentation d'un énoncé, s'il a été réfuté depuis, signalement qu'il considèrerait d'ailleurs comme hors sujet ou appréciation subjective. Ainsi des thèses fausses ou contradictoires entre elles continuent de circuler, non toujours parce qu'il eut été trop difficile de les trier pour ne retenir que la vérité, mais bien souvent par pure négligence.

En sciences, quelqu'un qui sur des sujets scientifiques débite des âneries (du point de vue des savants je veux dire, même si du point de vue de M tout le monde dans le langage de la vulgarisation son discours peut sembler plausible et scientifique) n'est pas appelé un scientifique. Par contre, quelqu'un qui de manière analogue débiterait des âneries sur des sujets philosophiques, peut fort bien être appelé un philosophe.

Ainsi m'arrive-t-il, lorsque je parcours différents textes de philosphie qui circulent aujourd'hui, de constater la présence de différentes erreurs plus ou moins graves qu'il est possible de réfuter assez facilement. Or, je trouve une telle situation inacceptable, indigne d'une discipline intellectuelle qui a les prétentions qu'elle a. J'en donnerai divers exemples plus loin.

Entre substance et complexité - de l'être au comment

Une des caractéristiques de la science est qu'elle s'intéresse à la complexité, aux structures. Elle ne s'intéresse pas, ou si peu, à la nature des éléments de base des systèmes étudiés, mais elle s'intéresse essentiellement aux propriétés des systèmes formés par ces objets. Suivant les cas, ce peut être parce que :
Ainsi, on pourrait dire, la science qui s'intéresse le plus aux éléments ultimes est la mathématique, puisque les éléments y sont parfaitement donnés: ce sont de purs éléments ne recelant aucun mystère, et cette science ne parle pas d'autre chose que de ce qui est élémentairement donné. Oui mais justement puisque cette nature est donnée, et qu'elle est ultimement élémentaire c'est-à-dire triviale, il n'y a donc rien à en dire, de sorte que finalement la mathématique ne s'intéresse pas à cette nature triviale. Elle ne parle que des structures pouvant relier les éléments entre eux.
En résumé, l'objet de la science est la question du comment.

A la différence de cela, le philosophe fait une grande fixation sur la nature, (ou comme il préfère le dire, la substance) de chacun des objets auxquels il s'intéresse. Il s'intéresse au monde et à ses différents sujets comme à une collection disparate d'objets indépendants qui se succèdent sans se relier. Il fuit la complexité, sans doute de peur de n'avoir pas la capacité intellectuelle de la comprendre.

Tandis que le scientifique navigue courageusement sur l'océan de la complexité afin d'y pêcher tout concept qu'il pourra y trouver, le philosophe passe son temps tranquillement sur la rive de son domaine, à y décortiquer longuement d'inutiles virgules. Et si jamais il aborde un sujet qui par nature n'existe qu'à travers la complexité, il se satisfait pour cela d'exprimer sa croyance en l'existence d'une grosse boîte noire sensée remplir telle ou telle fonction. Ainsi en va-t-il par exemple de l'idée de contrat social de Rousseau.

Les implications de cette situation peuvent s'exprimer par la remarque suivante basée sur la thèse de l'Intelligence Artificielle (que je ne partage pas, mais là n'est pas la question: puisque la philosophie n'a pas vigoureusement rejeté cette thèse, rien n'empêche de la prendre comme exemple pour sa valeur symbolique):

Suivant la thèse de l'intelligence artificielle, la conscience ne serait pas un élément fondamental de la réalité mais un phénomène global émergent d'un système extrêmement complexe de connections entre neurones, chacun desquels réagissant conformément aux lois de la physique. On pourrait remplacer chaque neurone par une chambre noire ou un ordinateur simulant les opérations que le neurone devrait faire, et relié à de semblables unités suivant la même structure reliant entre eux les neurones, et l'ensemble du mécanisme pourrait fonctionner des milliers de fois plus lentement, qu'on pourrait toujours dire qu'on a là finalement une conscience à l'échelle globale, alors qu'elle ne se trouve en particulier en aucun lieu.
La science ayant pour objet l'étude et la compréhension des diverses structures complexes à toutes les échelles, tandis que la philosophie ne s'intéressant principalement qu'à l'étude de la nature fondamentale de chaque objet particulier, il en résulterait alors que le concept de conscience et sa compréhension, n'appartenant à aucun des éléments particuliers tels qu'ils existent dans la réalité, relèverait du domaine de la science et échapperait à la philosophie, laquelle ne s'intéresserait qu'aux éléments physiques constitutifs de ce système.
On savourera l'ironie suprême d'une telle remarque.

En fin de compte, par sa démarche même de fixation sur les "profondeurs", la philosophie s'enferme dans la superficialité, voire, face aux problèmes qui nécessiteraient l'étude de la complexité qu'elle refuse de pénétrer tout en tentant de fermer les yeux sur son incompétence, dans la pensée magique.
Ca ne veut pas dire qu'en sciences tout soit du même niveau de profondeur, au contraire. Les théories mathématiques et physiques sont remplies de concepts tous plus relativement "transcendantaux" les uns que les autres (voir ici, et ), dans leur manière de décrire toujours plus élégamment les relations entre les objets. Certes il faut être mathématicien ou physicien pour être capable d'y goûter. Et une fois qu'on y a goûté, les pétitions de principes à coup de grands mots et slogans comme "substance", "l'être", "le pourquoi" et autres "natures profondes" dont les philosophes nous rabattent les oreilles et s'arrogent le monopole, sonnent vraiment très creux.

Les faux débats

En sciences physiques, il peut arriver que se présentent à première vue plusieurs théories visant à décrire un même type de phénomènes, mais où il s'avère que les objets fondamentaux de l'une peuvent se voir comme des constructions mathématiques à partir des objets de l'autre et inversement, de sorte que finalement il est démontré que ces théories produiront toujours les mêmes prédictions expérimentales. On dit alors qu'elles sont mathématiquement équivalentes, et on les considère dès lors, non comme des théories concurrentes, mais comme plusieurs présentations d'une même théorie. Le "débat" disparaît alors, comme n'étant plus un débat sur une quelconque réalité, mais un débat sur des questions de pédagogie, questions d'efficacité comparée de différents formalisme, et questions de formes d'imaginations les mieux suggestives pour comprendre le fonctionnement d'une même réalité. En un mot, ce qu'on appelle la question de la pertinence d'un mode de représentation par rapport aux autres.
Cette attitude peut se justifier ainsi: la réalité est faite de diverses choses qui existent réellement, et dedans les structures complexes n'existent pas moins réellement que des éléments qu'on voudrait qualifier de purs. Dès lors, les éléments purs étant tout autant pourvus du titre de réalité que les structures complexes, il n'y a plus rien de naturel à vouloir attribuer a priori un statut ontologique différent aux uns qu'aux autres. Peut-être Dieu les verrait-il d'un regard différent, mais comme de toute manière rien n'est caché pour lui et toutes choses de la plus simple à la plus complexe étant également manifeste à ses yeux, quelle importance fondamentale pourrait-il rester à les distinguer ?

Il en va ainsi par exemple des rapports entre mécanique classique suivant son enseignement traditionnel, mécanique lagrangienne et mécanique hamiltonienne.
Plus généralement, au-delà du cas d'une relation d'équivalence on peut considérer une relation d'ordre entre théories: une théorie physique peut se reformuler dans le cadre d'une autre sans que la réciproque ne soit possible. Alors la première apparaît comme cas particulier et approximation de la deuxième.
Cela est étroitement lié à la possibilité de vérifications expérimentales: lorsqu'il y a un vrai débat, c'est-à-dire un débat entre des théories qui ne sont pas mathématiquement équivalentes, alors en principe il doit y avoir moyen de les départager par l'expérience. Ce moyen peut éventuellement être extrêmement difficile à déployer, de toute manière la recherche théorique et pratique vers ce but fait partie des grandes priorités du travail à accomplir.

Le travail est d'abord théorique: on développe les théories en vue de préciser en quoi elles diffèrent quant à leurs prédictions expérimentales. Si on ne trouve rien, alors on fait la tentative inverse, en cherchant une correspondance entre les deux, une manière d'interpréter l'une comme partie de la réalité de l'autre et inversement (tout comme on cherche si un énoncé est vrai ou faux en cherchant alternativement à le démontrer ou à le réfuter, ce qui quelque part est le même travail). De toute manière, l'idée même de ne pas savoir si deux théories données sont ou non mathématiquement équivalentes, est considérée comme insoutenable.

En philosophie par contre, on attache tellement d'importance a priori à l'idée de substance, que lorsque deux philosophies se présentent comme ne regardant pas la même chose comme réalité ultime, on les regarde a priori comme irréductiblement opposées l'une à l'autre sans chercher à savoir s'il y aurait ou non équivalence ou ordre mathématique entre les deux.

Par exemple, considérons les deux philosphies suivantes
- Celle suivant laquelle le monde consiste en une interaction entre les esprits et l'univers matériel, chacun ayant sa réalité
- Celle suivant laquelle la réalité fondamentale est la perception, où les perceptions sont données par Dieu, qui veille à la cohérence entre les différentes perceptions des uns et des autres.
On peut en dire que la première semble correspondre a priori le mieux à la réalité, et présenter la meilleure pertinence, dans la mesure où il nous apparaît bien un monde matériel obéissant à des lois physiques. Cette observation courante prendrait l'allure d'artifice dans le cadre de la deuxième: on voit mal ce qui oblige Dieu à respecter ces lois, et pourquoi il ne les enfreint pas, ne serait-ce que pour des raisons morales à l'occasion. Dès lors, la deuxième n'est tenable qu'à condition d'inclure une image de la première: une image précise de l'univers matériel dans l'esprit de Dieu, et jouant un rôle contraignant identique à celui qu'il avait dans le premier modèle. Ainsi semble disparaître toute différence entre ces deux modèles. On pourrait reprocher à cette construction d'avoir un aspect artificiel par rapport au premier modèle, sous forme de l'introduction d'une étrange contrainte, à laquelle l'imagination de Dieu serait soumise, de devoir respecter les lois physiques par cet univers matériel imaginaire. Cela soulève le problème de la nature d'une telle contrainte, problème qui n'est pas près d'être résolu. Cependant, il s'avère finalement que cette construction a un avantage décisif par rapport à la première hypothèse qu'elle avait initialement pour but de refléter: il y a entre ces deux philosophies non équivalence mathématique mais ordre strict, puisque la première est toujours modélisable dans la deuxième mais la réciproque est fausse.
En l'occurence, il se trouve que le problème de la mesure en physique quantique, qui est plutôt en conflit avec la première, peut se comprendre naturellement comme étant par contre bien mieux compatible avec une version modifiée de la construction de que nous venons de faire (modifiée suivant précisément l'aspect qui était sujet à l'incompatibilité initiale).

Voir aussi plus bas le problème de la philosophie des mathématiques, sujette à une situation analogue, qui par son caractère mathématique et démontrable (théorème de complétude) permet d'éclairer la situation plus générale de la question du réalisme que nous venons d'évoquer, en lui servant utilement de symbole.

Démarche expérimentale et applications

La démarche expérimentale est un élément incontournable de l'avancement des sciences. Ainsi par exemple mathématique et physique se fécondent mutuellement, et bien des domaines des mathématiques ont trouvé à s'appliquer. Certes aussi beaucoup de domaines des mathématiques ne s'appliquent pas, mais il y a de nombreuses interactions entre les différents domaines, entre ceux qui s'appliquent et les autres.
Ainsi je ne parle pas d'obliger tous les philosophes à chercher des applications, mais au moins quelques équipes d'entre eux, en interaction avec les autres.

La philosophie s'est beaucoup appliquée à conceptualiser les caractéristiques de la démarche scientifique, mais a-t-elle essayé de pratiquer elle-même cette démarche ? Par exemple, le concept d'empirisme semble être un de ses concepts favoris quand elle parle de la raison et de la science, mais je n'ai guère vu au cours de ma rapide visite des idées philosophiques, de pratique effective ou significativement importante d'une démarche empiriste en philosophie.

Parlons maintenant des applications de la philosophie. La philosophie n'est-elle pas en principe une discipline qui touche l'homme de très près dans sa vie, bien plus explicitement que par exemple tant de branches des mathématiques, et qui de plus serait directement compréhensible par bien plus de monde ? Comment se fait-il alors que les mathématiques soient si bien connues pour leur impact et leurs applications certes indirectes mais finalement omniprésentes dans le monde moderne, bien plus que la philosophie ?

Quelles ont été les applications de la philosophie et ses impacts dans le monde ? J'en oublie peut-être (merci de me les signaler), mais je vois principalement:
La-dessus, je voudrais souligner la différence fondamentale entre dire "le marxisme est la cause de l'Union Soviétique" et dire "la physique nucléaire est la cause de la bombe atomique". La physique nucléaire est la connaissance vraie du fait qu'il y a un certain ensemble de possibilités à disposition de l'homme, lequel reste et devient libre de prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Le marxisme, par contre, est erreur et tromperie, et agit fatalement, non par la connaissance, mais par l'aveuglement. Son action n'est pas de l'ordre des effets dont il parle, mais plutôt une action sur les pensées et comportement de celui qui y croit, suivant un mécanisme d'aliénation qui échappe aux concepts de cette doctrine elle-même.
Autrement dit la physique nucléaire, malgré ses dangers, est une victoire de la connaissance, tandis que le marxisme aux conséquences fatales fut la victoire de l'ignorance.

Voir autres idées d'applications: Un café pour Socrate

Analyses de domaines philosophiques particuliers

Philosophie des mathématiques

Document lu: Wikipedia anglophone
Pas grand-chose à dire sur certaines parties qui sont plutôt du bavardage ou des hors-sujets.

Sur les questions centrales: là encore, les philosophes sont bien en retard et récepteurs passifs d'idées plus ou moins farfelues.
La situation pourrait s'expliquer de la manière suivante: lorsqu'un mathématicien se pose des problèmes ou est habité par des idées plus ou moins obcures ou absurdes, ce qu'il en écrira ne pouvant pas être considéré comme des mathématiques, il appellera cela de la philosophie, ce qui attirera à lui un public de philosophes qui publieront cela comme philosophie des mathématiques. Par contre, quand il parvient à des idées claires et à la résolution des problèmes qu'il se posait, il les écrit sous la forme de théorèmes et démonstrations qui intéresseront les mathématiciens. Comme il n'appelle plus cela de la philosophie, et surtout comme ça prend une forme plus compliquée, ça n'intéresse plus les philosophes, qui n'intègreront pas cela à la philosophie des mathématiques et resteront sur les idées absurdes et énoncés de problèmes passés sans tenir compte du fait qu'ils ont été résolus. On pourrait dire caricaturalement que la philosophie des mathématique joue le rôle de poubelle des idées mathématiques avortées.

Par exemple, prenons les idées constructivistes et "intuitionnistes". Eh bien, je ne vois rien de plus absurde et contre-intuitif comme formalisme. Je trouve cela déplorable qu'on ait ainsi monopolisé des mots quasi courants pour irréversiblement désigner des idées ainsi obscures, et surtout, une manière aussi discutable et artificielle de les formaliser, sous forme de l'abandon du tiers exclus. En effet, j'aurais tendance à imaginer qu'il y aurait bien d'autres manières possibles de formaliser les idées (dont par exemple l'exigence d'explicitation d'exemples) qui leur servirent de prétexte à ce passage à une logique bis. Par exemple, on pourrait garder la même logique mais renoncer à l'axiome des parties, voire à l'axiome de l'infini, en théorie des ensembles. Bon, la lecture de l'article sur ce sujet dans le dictionnaire de philosophie et histoire des sciences de Dominique Lecourt indique que Bourbaki avait fait un commentaire proche du mien, mais ensuite contredit par des développements récents, notamment son application à la calculabilité algorithmique. Bon, après tout pourquoi pas, si ça intéresse la calculabilité algorithmique, mais je ne vois pas en quoi ce serait un motif à en faire une philosophie et/ou une logique générale alors qu'en dehors de ce genre de cadre bien précis, cela me semble perdre toute signification.

Et le logicisme, qu'est-ce que c'est, à part une relique de la préhistoire des mathématiques ??? et quelle est la différence entre logicisme et formalisme (au sens généralisé à des logiques possiblement absurdes) ?

Par contre donc, il y a un résultat mathématique fondamental, que tout philosophe voulant parler dans la philosophie des mathématiques devrait absolument connaître: le théorème de complétude en théorie des modèles. Son importance est au moins aussi grande que le fameux théorème d'incomplétude. Complétude et incomplétude sont les deux pierres angulaires des fondements des mathématiques.
Le théorème de complétude a en quelque sorte l'effet d'unifier le réalisme (ou platonisme) avec le formalisme, ou plutôt avec les versions du formalisme qui acceptent les règles de la logique "classique" (des prédicats du premier ordre, incluant donc notamment le principe du tiers exclus). Dès lors, il est inadmissible de présenter réalisme et formalisme comme deux philosophies concurrentes sans rappeler ce théorème.

Le théorème s'énonce en résumé: si une théorie est formellement non-contradictoire, alors elle admet un modèle ou "univers", autrement dit il existe un système d'objets dont les propriétés sont conformes aux axiomes de la théorie.

Les grandes lignes de la démonstration sont les suivantes:

Soit une théorie donnée sous forme d'un axiomatique, qui soit non-contradictoire. Autrement dit, qu'il ne soit pas possible d'établir une contradiction à partir de ses axiomes, suivant les règles de la logique classique que nous connaissons. (Une contradiction est une structure finie avec des propriétés contrôlables par ordinateur).
Alors, considérons un certain ensemble A de toutes les expressions qu'on peut construire suivant certaines règles précises à partir des axiomes. On ne demande pas grand-chose ici, seulement de considérer tous les objets finiment constructibles suivant des règles données, et puis (là ça devient légèrement plus subtil) de considérer leur ensemble (infini).
(Ben oui, quel sens ça aurait pu avoir de dire que la théorie était non contradictoire, si ce n'est de dire que l'ensemble (infini) des démonstrations qu'on peut en tirer ne comporte en particulier aucune structure finie de contradiction (et pas seulement de dire qu'on n'a pas encore trouvé de contradiction à un instant donné)?).

Ensuite, ça se complique légèrement: le "cas général d'univers" est déjà là en potentiel, mais il faut faire une construction spéciale de "choix" permettant en substance d'extraire de ce "cas général" un exemple particulier. Cette construction se fait à l'aide d'une définition par récurrence, de la manière suivante.

Un par un, on énumère tous les énoncés qui s'écrivent comme ayant la forme d'une question sur des éléments particuliers de A (sans utiliser de variable). Ces énoncés formeront donc un ensemble B, semblable à et en rapport avec la construction de A ci-dessus. Sur chaque énoncé, se pose la question: est-il réfutable à partir des axiomes posés jusqu'ici (toujours par une démonstration finie suivant les règles connues) ? S'il n'est pas réfutable, on l'ajoute aux axiomes. Bien sûr, dans le cas d'un énoncé indécidable, on ne peut pas en faire autant à la fois avec cet énoncé et sa négation, sous peine de contradiction. C'est pourquoi on prend bien soin de prendre les énoncés successivement suivant un ordre arbitraire, et non en parallèle, pour tenir compte à chaque fois des décisions prises sur les énoncés précédents.
La seule chose qu'on peut reprocher à cette construction est qu'elle n'est pas réellement (algorithmiquement) opérable dans la mesure où la question de la réfutabilité d'un énoncé n'est généralement pas décidable (il se trouvera toujours des énoncés dont on ne pourra pas savoir s'ils sont réellement irréfutables ou bien si on n'a seulement pas assez attendu la recherche de réfutation pour en trouver une). Mais, dès qu'on accepte de considérer, comme d'ailleurs nous avions justement déjà fait dans l'énoncé du problème, l'existence (abstraite) d'un point de vue infini idéal par rapport auquel la question de l'existence d'un certain type de construction finie serait reconnue comme ayant une réponse définie (en oui ou non), le procédé de construction par récurrence que nous venons d'évoquer est bien défini également.

Alors, l'ensemble A, muni de structures définies à l'aide des réponses à toutes les questions de B (réponses ainsi déterminées mi-logiquement, mi-arbitrairement), constitue un univers satisfaisant à la théorie donnée initialement.

Un problème plus intéressant qui pourrait être considéré cette fois plus véritablement comme philosophie des mathématiques puisque n'étant pas sujet (du moins pas toujours) à être tranché par de quelconques théorèmes, serait la comparaison des significations et mérites relatifs de différentes variantes de théorie axiomatique des ensembles. A savoir, l'intérêt de la reconnaissance d'objets mathématiques autres que des ensembles (par ex. les purs éléments), ainsi que la considération de systèmes plus faibles que ZF (voire plus forts, mais je dis plus faibles parce que je trouve ZF déjà extrêmement fort), par exemple Z, et les questionnements sur les significations de l'axiome des parties et de l'axiome de l'infini (et de ce qu'on pourrait faire sans eux).
Voir mes textes sur les fondements des mathématiques (inachevés mais présentant déjà des notions fondamentales pour la philosophie des mathématiques, et que je n'ai pas vu bien expliquées ailleurs).

Philosophie analytique vs continentale

Le débat fait rage (ou par ignorance réciproque) entre ces deux grands styles de philosophie.
Philosophie continentale: ça dégénère pas mal dans les grandes mystifications et le n'importe quoi
Philosophie analytique: enfin un pas dans la bonne direction.
Lu le dossier critique (partiellement). Contrairement à ce que les titres de ce dossier semblaient indiquer, je n'y vois pas grand-chose à reprocher à la philosophie analytique en tant que grande famille et en tant que style général par opposition à la philosophie continentale: je trouve toujours ça enfin un style à peu près sérieux. Cette conclusion qui est la mienne ne contredit nullement les possibles constatations du fait que des philosophes analytiques en particulier aient pu commettre des erreurs plus ou moins graves, comme mentionné dans ce dossier (et comme j'en mentionne moi-même il me semble: philosophie de la logique ci-dessous).

Philosophie de la logique

Bon, pas grand-chose à en dire (je n'ai pas trop envie d'approfondir la question en fait), à part l'impression d'un investissement globalement excessif dans un sujet "fondamental" aux retombées finalement plutôt accessoires. Un survol du Wikipedia anglophone ne me montre rien de choquant vu de loin.
Par contre, la lecture de l'article de La philosophie de la logique de Michel Seymour (trouvé sur dmoz), m'inspire plusieurs critiques.
Note: depuis que j'ai écrit les remarques ci-dessous, j'ai entendu dire que Seymour n'est pas une bonne référence, et que les erreurs que j'y trouve sont les siennes et ne reflètent pas le véritable état des lieux. Il faudrait faire le tri des références, mais comment ?

D'abord, une critique floue: il est question de 3 grands courants en philosophie de la logique (atomisme, molécularisme, holisme). Lire cela me fait un peu l'effet d'un rapport sur la philosophie de la couleur rendant compte de 3 grands courants: les philosophes rougistes qui voient la vie en rouge, les philosophes verdistes qui la voient en vert, et les philosophes bleuistes qui la voient en bleu.

Ensuite: à propos d'atomisme il parle de la référence à une logique idéale. Dommage qu'il ne fasse pas explicitement mention de la logique des prédicats du premier ordre, dont il est fait mention à la fin à propos du holisme, et à laquelle on peut aussi bien penser dans ce discours sur l'atomisme. Apparemment la cause serait que les auteurs de référence sont antérieurs à l'essor de la logique des prédicats du premier ordre.

Page 6: "Les connecteurs ne dénotent rien"; "les noms n'ont qu'une dénotation mais pas de signification": ceci est contredit 2 pages plus loin. Dès lors pourquoi garder ce propos ici ?
"La logique se situe donc inévitablement elle-même dans une sphère supra-sensible" (sic). "la logique n'appartient pas au monde sensible, car elle le transcende. Si elle ne peut se dire, c'est précisément parce qu'elle relève d'une réalité supra-sensible". Objection: la logique peut se dire. La preuve c'est qu'elle a été formalisée et que les ordinateurs sont capables de la vérifier automatiquement.

(page 8)"La conception conventionnaliste":
"la référence de toutes les expressions du langage est indéterminée": confusion entre l'idée que les objets signifiés possibles sont interchangeables (ce qui est le cas en mathématique standard) et l'idée qu'il n'y a pas de référence du tout (logiques non standard)
"on abandonne l'idée que les mots puissent avoir une signification isolément" (alors qu'ils en avaient une, quoi qu'indéterminée, en logique standard)
"le signifié apparaît lui-même comme une construction": il l'était déjà en logique standard avec l'atomisme, à la différence près que c'était une construction possible cohérente, alors qu'en arrivant aux logiques non-standard on passe à une construction impossible, du moins au premier abord.

(page 10) Le concept décitationniste de la vérité est une connerie: il ne s'applique ni au langage courant, ni au langage mathématique. Dans le langage courant il y a tous les "ici", "moi" et "maintenant" dont dépend la signification d'un discours, et qui ne passent pas la décitation sans perdre totalement son sens. En mathématique, il y a les variables libres (comme les "il" du langage courant) qui dépendent aussi du contexte et ne passent pas la décitation.
On pourrait envisager à la limite 3 interprétations défendables cohérentes en mathématiques, de ce concept de décitation:
* La paraphrase propositionnelle : (A<=>vrai) paraphrase de l'énoncé (A). Mais ce n'est pas une décitation, puisqu'il n'y avait pas de guillemets.
* Le schéma de définitions: (on dit que "trucmuche" est vrai si trucmuche, on dit que "bidule" est vrai si bidule, etc). Ce ne sont là nullement des cas particuliers d'une définition commune. (Ceci a pourtant bien été déjà exposé noir sur blanc dans un certain article du wikipedia anglophone)
* La reconstitution d'un point de vue virtuel: supposant que la théorie des ensembles est consistante, elle a un modèle, alors supposons fixé un modèle M. On dira qu'un énoncé est vrai s'il est vrai dans M. C'est cohérent mais rien n'assure l'accord avec le schéma précédent (à moins bien sûr d'ajouter ce schéma au titre de schéma d'axiomes sur le choix de M, dont la compatibilité n'est nullement démontrable).

Paradoxe de Lewis Carroll: je ne sais pas où en était la situation quand ça a été formulé, mais ce n'est là qu'un pinaillage ridicule lié à la séparation tout-à-fait artificielle entre les conventions de connecteur d'implication et de modus ponens. En réalité il n'y a pas de problème. Plus précisément, l'interprétation développée dans la suite sur la distinction entre ces deux notions est complètement ridicule: "les conséquences logiques sont en nombre infini et transcendent la pensée" (sic) "c'est un peu comme si on devait prendre une décision à chaque application d'une règle d'inférence" (sic): et comment font alors les ordinateurs pour faire ou vérifier automatiquement les démonstrations sans erreur possible, exactement suivant les règles d'inférences dans toutes leurs applications possibles, sans nécessiter à chaque fois "une ratification par les membres de la communauté" (sic) ?

Bon, j'arrête là. La suite (holisme) se perd dans le flou...

Philosophie de l'éducation

Lu: article Wikipedia.

L'impression que me fait la lecture de ce résumé de la philosophie de l'éducation, me fait un peu en quelque sorte l'effet qu'aurait le compte-rendu des divers avis émis par un comité de philosophes et de physiciens théoriciens, chargés de réfléchir à la question de savoir quel est le meilleur modèle de voitures qu'il faut construire pour la population, et par quels moyens techniques. Ceci, sans avoir eu l'occasion d'expérimenter ni de se renseigner, ni sur les problèmes et accidents rencontrés par les utilisateurs, ni par ceux rencontrés par les ouvriers.
Il serait certes mal venu d'insinuer qu'ils auraient mal réfléchi au problème.
(certes je reconnais qu'il se trouve dans l'article une petite partie des commentaires qui se rapporte au problème d'une telle situation, mais je trouve ça largement insuffisant côté proportion et considération effective du revirement de l'étude qui s'impose)

Autrement dit:
Ca ne sert à rien d'énoncer tous les beaux principes abstraits qu'on voudra, dans la mesure où ces principes ne sont pas suffisamment imbriqués dans les réalités de terrain;
Là encore comme d'habitude, il faudrait que le philosophe apprenne à avouer qu'il n'a rien à dire d'intéressant à part des trivialités que tout le monde sait ou peut retrouver tout seul, et que le vrai problème est ailleurs. Voir par exemple le Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes: eux au moins font du travail sérieux sur la question, et pour cela ils ne trouvent pas le besoin de se targuer d'être des philosophes, ni même d'avoir de grandes collaborations avec des philosophes.
A cela j'ajouterais, suivant mes conceptions personnelles, les dimensions suivantes du problème que j'estime de plus en plus préoccupantes: pour sortir de la décadence il serait urgent d'intégrer les concepts d'expérimentation, de diversité et de liberté d'organisation:
- Mise en cause du principe du Système Unique et Universel aux mains d'un tout-puissant Ministère de l'Education sur la vie de tous
- La diversité des styles d'individus à éduquer et à former nécessite une diversité des solutions éducatives
- Les progrès des recherches en matière de solutions éducatives nécessiteraient une nouvelle liberté d'entreprendre et d'expérimenter en ce domaine

Le problème est donc avant tout politique. A quoi bon discuter de ce qu'il faudrait faire si c'est pour rester dans le cadre d'un système totalitaire qui ne laisse aucun espoir d'essayer, ou si jamais il s'y mettait, il le ferait à sa manière éventuellement catastrophique pour tout le monde de par sa tendance à être seulement capable d'envisager, comme opération de réforme, une réforme qui s'appliquerait à des millions de personnes à la fois (exemple: réforme des maths modernes, réforme de la lecture globale), sans trop s'occuper par ailleurs des conditions de transition et de réalisation pertinente dans les détails effectifs.

Or, ces questions etant en fait primordiales, il semble que la philosophie de l'education telle qu'elle s'exprime actuellement, les rate completement pour se concentrer sur des questions abstraites et qui pour apparemment "essentielles", accrochees catastrophiquement a l'obsession des substances, ne peuvent etre rien de plus en pratique que des pretextes pour justifier des politiques qui auront fatalement l'effet contraire de ceux annonces.

Car, voici comment je definirais la philosophie de l'education telle qu'elle est actuellement, dans ses realisations pratiques:
La philosophie de l'education est un art qui vise a justifier, au nom de la liberte de pensee, le totalitarisme intellectuel opere par l'Etat sur l'ensemble de la jeunesse, qui vise a les abrutir, les scleroser, leur enterrer l'esprit sous des montagnes de merdes intellectuelles appelees "culture" et autes exercices, et leur interdire en pratique de developper toute pensee personnelle, surtout (plus longtemps encore) ceux qui par leur intelligence plus grande sont destines (condamnes par la pression sociale) a de "longues etudes" encore plus abrutissantes, tout en pretendant que c'est indispensable pour leur apprendre ainsi a penser par eux-memes.
En passant, on cultive l'idolatrie de l'imponderable: le fait que savoir reflechir ne se mesure pas facilement, est totalement genial pour permettre aux philosophes de l'education de raconter n'importe quoi a ce sujet sans risquer de se faire contredire par l'experience. Ainsi, de pretendre que le developpement de la pensee doit etre un objectif diametralement oppose a celui de la formation professionnelle, accusant les mechants employeurs de vouloir a tout prix recruter les gens serviles les plus abrutis pour augmenter leurs profits en les payant a remplacer ainsi le travail des robots. Et puisque donc forcement (par hypothese) savoir reflechir ne sert a rien dans le travail, mais que c'est indispensable pour developper la dimension spirituelle de l'homme, il n'y a qu'un pas d'ici a faire passer l'idee qu'un exercice intellectuel est forcement d'autant plus indispensable qu'il ne sert a rien professionnellement. Mais, comme il suffit qu'un enseignement soit une merde de non-sens pour etre inutile, et comme il suffit qu'il soit inutile pour etre de la culture et donc spirituellement indispensable, ceci justifie donc de maintenir l'obligation pour toute la population de se faire formater l'esprit a penser comme des philosophes, c'est-a-dire comme des andouilles serviles et standardisees bourrees d'idees recues.

Voir autres commentaires sur l'éducation, et ébauche d'un nouveau système politique sur la base duquel un tel changement (liberté d'entreprendre et diversité des expériences) serait possible.

Philosophie des sciences

Parcourant les infos à ce sujet, notamment sur Wikipedia, il apparaît qu'une des plus grandes figures de la philosophie des sciences est Karl Popper. Regardant un peu plus précisément les comptes-rendus de son oeuvre, je résumerais ainsi la situation en l'analysant à ma manière:

Auparavant, les scientifiques parlaient de vérifications expérimentales des théories. Entre scientifiques il n'y a pas de problème, chaque autre scientifique doué d'un minimum de bon sens scientifique comprenant implicitement ce que rigoureusement cette expression est sensée signifier.
Hélas, quelques pipoteurs fous de l'époque, dont on sait aujourd'hui qu'il en apparaît naturellement tous les jours mais auxquels on n'était pas encore habitués, et nommés en l'occurence Karl Marx et Sigmund Freud, sortirent chacun leur théorie du tout révolutionnaire qui prétendaient tout expliquer scientifiquement dans le monde et dans la vie, à coup de nouvelles mythologies et de pseudo-concepts dont tout esprit véritablement rationnel qui se serait appliqué à ces sujets aurait dû rapidement se rendre compte que cela n'avait guère de sens. Or, le problème est que leur auto-proclamation de scientificité pouvait être aussi ridicule qu'on veut du point de vue d'un esprit véritablement scientifique qui se soit appliqué au domaine concerné, cela ne pouvait guère affecter leur réputation dans la mesure où ils cherchaient leur réputation, non auprès de leurs pairs scientifiques et spécialistes des domaines considérés, mais auprès d'un public crédule et intellectuellement désarmé, qui n'y vit que du feu.
En effet, le public avait déjà perdu l'habitude des mythes anciens qui avaient quasiment disparu sous la double attaque de l'esprit des Lumières et des Inquisistions et autres chasses aux sorcières menées par l'Eglise, au point d'avoir oublié ce que c'est réellement qu'un mythe et le fait de s'y laisser prendre, à savoir que les adeptes de mythologies ne racontaient pas leurs histoires seulement pour plaisanter; d'autre part, se trouvant baigné dans un nouveau monde scientifique qui était réel autour d'eux mais qu'ils n'avaient que l'illusion d'avoir intégré, ils croyaient à tort savoir ce que c'était, et que tout ce qui était nouveau devait automatiquement être scientifique. Ainsi était-il très facile à de nouveaux mythes de passer en fraude pour de la science.
Parmi les nombreux non-sens et prétextes à l'auto-proclamation de scientificité de ces nouveaux mythes, se trouvait leur usage détourné du mot "vérification" qu'auprès du public ils avaient vidé de sa signification rigoureuse originelle, le réduisant ainsi à un vain mot, théatre de leur jeu d'illusions. Or, ce point particulier se trouve jouer un rôle-clé particulièrement décisif dans leur jeu d'illusion et d'accréditation comme "scientifique" auprès du public, en regard de sa relative simplicité, par rapport à tous les autres aspects de leurs doctrines.

Là-dessus, Karl Popper arriva, et constata que le sens du concept de vérification tel que pratiqué par les véritables scientifiques, différait de celui pratiqué par les pipoteurs sus-mentionnés. Que fit-il alors ? Il sortit une nouvelle philosophie des sciences, consistant à abandonner l'usage légitime originel du mot "vérification" aux nouveaux pipoteurs qui venaient si puissamment de le monopoliser à leur sauce, pour inventer à la place de ce mot de nouvelles expressions littéraires à lui, sensées bien mieux décrire la procédure de vérification que les véritables scientifiques doivent pratiquer, expressions comme celle de "tentative de réfutation". Il en développa des explications détaillées de son cru, précisant des aspects de ce concept que les scientifiques ne s'étaient pas appliqués à vulgariser jusque-là sous le vocable de "vérification", négligence qui s'était avérée ainsi funeste à la culture du public. Ceci passait outre le fait que la différence entre une tentative de vérification et une tentative de réfutation n'est ou plutôt ne devrait être qu'une différence d'appellation d'ordre purement poétique, puisque recouvrant rigoureusement les mêmes procédures, conditions et critères de décision; et que la description d'une démarche scientifique ne devrait être nullement concernée par de quelconques qualificatifs de l'ordre du désir d'obtenir un résultat plutôt que l'autre. Mais, la suggestion poétique associée à l'idée de tentative de réfutation étant plus efficace que son contraire pour faire finalement à peu près passer auprès de non-scientifiques leur signification rigoureuse commune de manière à plus facilement disqualifier la signification fallacieuse dont le mot "vérification" était alors accablée, il estima avoir fait là une découverte fondamentale et profonde en épistémologie des sciences.

Rappelons que ces pipos du marxisme et freudisme dont déjà plus rien ne pouvait plus arrêter la popularité malgré qu'ils aient été enfin officiellement rejetés de la catégorie de la science dont ils se réclamaient, et devant bien de ce fait se publier malgré tout sous quelque autre enseigne, restèrent chaudement accueillis sous le toit de la philosophie pendant encore longtemps après cette aventure.
Voir liens de critique de la psychanalyse.

Par la suite, en dehors de son certes long et nécessaire travail d'analyse du marxisme et du freudisme pour montrer en quoi ces derniers ne satisfaisaient pas le critère qu'il venait de mettre à jour, il consacra le reste de sa philosophie, à développer à partir de cette petite découverte, sa propre extrapolation sur le sens et la destinée de l'aventure des sciences, suivant ce que le miraculeux pouvoir de la suggestion poétique de sa nouvelle formule, désormais nouveau centre de l'univers, pouvait lui inspirer. Extrapolation purement négative comme il se doit, celle d'une démission systématique face à toute question de prédiction de l'avenir, à l'image de sa vision de la science comme tentative permanente de réfutation d'elle-même.

Il faut comprendre, après tout, la misère fondamentale de la philosophie: incapable de discerner une différence fondamentale entre ce qui est science (ou connaissance) et ce qui n'est qu'illusion, mais seulement capable d'en juger sous un angle très superficiel, elle ne peut rien trouver dans la science à laquelle elle puisse se risquer de donner une valeur positive de connaissance, de peur de se voir ensuite ridiculiser pour avoir donné à tort une telle valeur à ce qui n'en avait pas. Sachant seulement d'abord prendre acte des réfutations lorsqu'elles ont lieu, elle prend ensuite acte du critère, certes juste, de mise à l'épreuve d'une théorie par l'expérience, mais réduisant ainsi son angle de vue à celui d'inspecteur des travaux finis. Un peu comme de définir l'ingénierie de la construction des ponts, comme consistant dans le fait de, ayant fabriqué un truc entre deux rives, prendre surtout soin de marcher dessus à partir d'une des deux rives pour voir si on peut ainsi parvenir à l'autre rive sans encombre; dans le cas contraire, recommencer à zéro jusqu'à ce que ça marche.

Ensuite, face au problème il est vrai démentiel, de l'avenir de l'humanité, force est de reconnaître que l'horizon est encore loin d'être clair; et que, comme il est beaucoup plus facile de s'en faire des idées fausses que des idées justes, on risque relativement beaucoup moins à dire que l'avenir n'obéit à aucune loi, autrement dit est indéterminé. Je dirais tout de même, dans cette question il faudrait néanmoins distinguer entre les différents degrés de précision auxquels on pourrait envisager de considérer des pronostics sur l'avenir. Il est évident qu'on ne peut pas prédire tout en détails, et qu'il est facile de se tromper. Finalement, quelles sont précisément les constatations faites par Popper dans sa Misère de l'historicisme ? Il a pris des exemples de philosophies historicistes, c'est-à-dire qui chacune présente sa propre vision de l'avenir, pour constater que l'histoire ne s'y conformait pas. Ceci ne saurait être pourtant une preuve qu'aucun concept de fond n'est à l'oeuvre dans l'histoire. Cela montre seulement que c'est un problème très difficile, face auquel nous sommes encore largement ignorants.
Pourtant, cela n'empêche pas de constater qu'il y a réellement des tendances de fond dans l'histoire, notamment, pour rappeler les évidences, une tendance au progrès scientifique et technologique, que cela a été véritablement une révolution dans l'humanité aux conséquences gigantesques, qu'il n'y avait rien eu de semblable auparavant, et qu'un retour à la situation passée en ce domaine est quasiment exclu.

Mais Popper n'a pas pris cela en considération. Comme tout bon philosophe qui se respecte, c'est-à-dire qui regarde la philosophie en général, voire la sienne en particulier, comme le nombril de l'esprit humain, il a préféré transformer la constatation de sa propre ignorance et celle de ses confrères, en une déclaration universelle et indépassable de l'inconnaissabilité absolue de l'avenir.

Mais par la suite, la conception popperienne de la science a été critiquée par Paul Feyerabend. Qu'est-ce que la philosophie des sciences de Feyerabend ? En résumé, c'est du popperisme au carré. C'est le fait de faire passer ce critère de démarcation de la scientificité que constitue la doctrine de réfutabilité popperienne, au crible de lui-même, et de constater qu'il y passe bien mal. Précisément, qu'il n'est pas un absolu et qu'en réalité les critères et modes de scientificité sont bien plus variés. Puis, là encore, comme tout bon philosophe qui se respecte c'est-à-dire qui prend sa propre analyse pour l'horizon indépassable de la pensée, il a observé comment lui apparaissaient projetés sur sa grille de lecture philosophique les différentes stratégies et critères de scientificité réellement pratiqués avec succès par les scientifiques, et, constatant qu'il ne pouvait y discerner aucun caractère commun et universel, en a conclu qu'il n'existait pas de critère universel de scientificité; ainsi, au nom de sa propre incapacité de philosophe à discerner science et non-science, il s'est cru le droit de proclamer que la différence n'existait pas vraiment, et que donc la science n'avait aucune valeur particulière.

Mais il y a encore une meilleure philosophie que tout cela: constatant que l'incompétence des philosophes peut aller jusqu'à ne même pas être toujours capable d'appliquer effectivement ce critère de scientificité popperien qu'ils avaient retenu pour sa facilité, il s'avère que la plus intelligente position philosophique est finalement celle qui consiste à donner sa langue au chat: «The Quine-Duhem thesis argues that it is not possible to prove that a statement is falsified; rather, falsification occurs when the scientific community agrees that a statement is falsified.»

Philosophie de l'economie

Voir le texte sur ce sujet.

Un petit tour du web

J'ai fait un tour sur le web pour m'informer sur les travaux de Dominique Lecourt (page web qui n'est pas faite par lui) qui semble avoir un rôle particulièrement important dans la philosophie et les institutions philosophiques françaises actuelles. Je ne cherche nullement à le viser personnellement, seulement à me référer à lui et aux organisations qu'il a suscitées qui semblent être les références officielles en la matière, pour évaluer la teneur du milieu. En particulier j'ai été voir les archives du site de l'Association Diderot.

En apparence, il affirme se démarquer dans le bon sens d'avec une certaine médiocrité ambiante: voir l'interview sur son livre "Les Piètres penseurs". Cependant, dans ceux qu'il critique il ne semble pas inclure les «philosophes de l'époque» : Foucault (pour les «grandes analyses" desquelles il a une admiration), Althusser, Lacan, Deleuze et Guattari, qui font partie des auteurs ridiculisés dans « impostures intellectuelles » de Sokal et Bricmont.  D'ailleurs, on m'a indiqué que dans l'affaire Sokal, Lecourt a fait partie des gens ( avec les auteurs critiqués ) qui ont "hurlé à la mort" (un article assassin dans «Marianne »).

Dans cet autre interview, il déplore la situation: "Aujourd'hui trop rares sont les philosophes ayant un contact direct avec la pensée scientifique et les pratiques de la recherche en laboratoire, parce que la philosophie, en France tout spécialement, a fait sécession. Elle s'est évadée dans des considérations métaphysiques et morales, rayant les sciences de son souci, quand elle n'en organise pas le dénigrement. Quant aux scientifiques, ils ont adhéré massivement au dogme positiviste selon lequel la science ne saurait se développer qu'en rompant toute préoccupation philosophique." Donc, il avance plutôt dans la bonne direction.

Là-dessus je dirais mon sentiment: certes le positivisme (instauré par le Cercle de Vienne) est en un sens un peu trop extrémiste dans sa formulation, cependant il se justifie en partie par le fait qu'il a permis aux sciences de se développer de façon indépendante suivant leur énergie propre, ce qui a été fructueux et a amené à regarder les problèmes tels qu'ils se posaient réellement en sciences sans être freinés par des présupposés philosophiques ou questionnements impossibles. Par exemple, on peut remarquer que c'est bien suivant le dynamisme propre de la science que le questionnement sur le problème de la mesure quantique a fait son chemin, depuis la dualité onde-corpuscule et l'axiome de la mesure jusqu'à l'étude de la décohérence en passant par le paradoxe EPR et la violation des inégalités de Bell: évolution, raffinement et éclaircissements partiels d'un problème philosophique par des moyens positivistes (nécessitant certes une dose de réflexion quelque peu hors du positivisme mais en étroite relation avec lui, or de fait cette réflexion était naturellement présente chez un nombre suffisant de physiciens), permettant finalement de dresser le tableau plus complet du problème philosophique (qui existe toujours), alors qu'une fixation sur la formulation initale du problème philosophique n'aurait guère permis de le faire progresser ainsi.
Par contre, je ne vois guère comment la philosophie continentale, coupée de la science, pourrait en tirer une fierté comparable.

Dominique Lecourt est cofondateur du Collège International de Philosophie avec notamment Jacques Derrida. Un petit tour par là montre bien comment s'y déploie la décrépitude de la philosophie continentale dans toute sa splendeur. Notamment parmi les "papiers", "Fac-similé pour Jacques Derrida": à mourir de rire.
 il y a aussi le numéro 5 "Le rôle de l'éther dans la question du continu et du discontinu en physique", Françoise Balibar: elle n'est pas philosophe mais "professeur émérite de physique". Je suis désolé mais je ne comprends pas comment un physicien professionnel peut s'en aller présenter une thèse aussi absurde que celle qui figure dans le texte ici mentionné, inventant un supposé lien entre notions qui n'ont en réalité absolument rien à voir (la question de l'éther et la question de la dualité continu-discontinu). (la révolution quantique n'a rigoureusement rien à voir avec la révolution relativiste, ce n'est qu'une coïncidence temporelle qu'elles aient eu lieu en même temps...)

Là encore, la philosophie des sciences joue bien son rôle de poubelle des idées scientifiques absurdes.

Dois-je rappeler l'autre exemple que ce même phénomène que j'avais déjà remarqué par ailleurs: le succès philosophique de la relativité d'échelle de Laurent Nottale, qui a bénéficié des louanges des meilleurs philosophes de l'Ecole Normale Supérieure dans leur séminaire «Pensée des  sciences«, et a même rempli des pages de revues scientifiques comme Pour la Science, et qui n'est en fait qu'une vulgaire imposture vide de sens que toute personne scientifiquement avertie saura déjouer. Voir en particulier ce qui concerne le séminaire Pensée des Sciences de l'ENS, Vincent Bontems et Alexis de Saint Ours.

Sur l'affaire Sokal

Continuant le tour du web, il y a les archives du site de l'association Diderot et en particulier la revue L'Aventure Humaine. Là, j'ai été voir le numéro "La science dans la tourmente". J'ai trouvé le contenu assez banal à part les critiques de la psychanalyse citées plus haut, mais je vais ici répondre à l'article sur l'affaire Sokal: "Décontamination intellectuelle : l’expérimentation échoue". En gros, il trouve mitigé le résultat de cet affaire, considéré au moins partiellement comme un échec suivant leur interprétation alors même que la démarche a été concrètement efficace. Les motifs et contenus de cet avis de demi-échec ne me semblent pas très clair et auraient mérité d'être développés pour bien les voir en détails. Pour ce que j'en ai retenu, il me semble qu'il passe à côté d'une dimension importante de la question qui devrait pourtant être évidente à mon avis, même si elle n'avait pas été dite explicitement. Alors je vais préciser cela ici.
A mon sens, cette entreprise menée par Sokal, donc, de publier son "texte-prétexte" dans la revue social Text, est moins une expérience à proprement parler, qu'une entreprise de vulgarisation. Certes il ne l'a pas précisé, et s'est contenté de parler d'expérimentation, néanmoins la dimension humoristique de la chose me semblait clairement signifier que les choses, y compris le texte-commentaire, ne sont pas totalement à prendre totalement au premier degré, et que la démarche employée ici n'est qu'une version du concept d'expérience en quelque sorte rabaissée à un niveau plus proche de la vulgarisation.
En effet, faut-il rappeler que pour un physicien, il est parfaitement clair et évident que la science physique porte sur une réalité qui existe en soi et n'est pas une construction sociale. Ceci n'a pas à proprement parler besoin d'une nouvelle démonstration, puisque les succès des sciences physiques, du moins pour ceux qui s'y connaissent, l'ont déjà démontré et redémontré tous les jours depuis bien longtemps. Alors, là-dedans, les cultural studies, qui répandent l'idée contraire, sont simplement ridicules, et les scientifiques n'ont pas attendu l'affaire Sokal pour le savoir. Or ces Cultural studies, donc, ont pour seule base de leurs idées la simple ignorance et négation aveugle de la réalité. A la base, c'est incurable puisqu'irréfutable: toutes les découvertes scientifiques, malgré leurs impacts manifestes (et on sait bien combien il y en a eu), pourront toujours, sous la plume de ces idiots, se réinterpréter comme une construction sociale, par la simple méthode qui consiste à ne regarder les choses que sous leur angle sociologique et littéraire. Or rigoureusement, comment voulez-vous avoir un impact sur des gens dont le seul horizon intellectuel est sociologique et littéraire, si ce n'est par une maneuvre sociologique et littéraire ?
Mais pour un scientifique, les publications ne sont rien en elles-mêmes, mais sont la révélation d'une réalité qui existait déjà au départ, et qui était déjà connue comme telle par ceux qui la connaissaient. Et la maneuvre de Sokal ne fait pas exception: elle ne fait que mettre au jour une réalité qui était déjà claire et évidente au départ pour ceux qui la voyaient ainsi, et qui n'a donc pour eux nul besoin d'une nouvelle démonstration. L'expérience ici réalisée (acceptation de publication du texte-prétexte) ne fut finalement qu'une petite preuve de plus qui s'ajoutait à des évidences bien plus vastes (exposées dans le contenu des textes). Une petite preuve de plus, donc, mais surtout l'évènement occasion de révéler tout l'ensemble de leurs analyses à un large public. Et quoi d'étonnant à devoir expliquer et réxpliquer les choses ? Comme dans toute démarche de vulgarisation, le fait qu'une chose soit claire pour les spécialistes d'un domaine considéré n'est nullement contradictoire avec la nécessité pour eux d'expliquer et réexpliquer les choses en longueurs à ceux qui n'en sont pas s'ils veulent arriver à s'en faire comprendre.

J'en conclus que, pour des publications sensées représenter la philosophie, à côté de choses où je n'ai pas pour l'instant trouvé de traces d'originalité et autres qualités d'esprit suffisamment remarquables comme je me considère en droit d'attendre de la part de philosophes des sciences, cet article sur l'affaire Sokal me semble être plus explicitement l'expression d'une médiocrité de pensée effective, liée à une tentative de défendre à mi-mots, maladroitement, par une sorte solidarité ou complaisance, des auteurs visés par cet affaire et avec lesquels ils garderaient une forme de proximité.

Pour plus de commentaires sur l'affaire Sokal, par des milieux scientifiques cette fois, voir ici, , .

Par contre je reconnais que dans un autre numéro de l'Aventure Humaine, celui sur l'art politique, il y a de bonnes idées intéressantes.

A propos du rapport de Dominique Lecourt au ministre, sur l'enseignement de la philosophie des sciences

N'est-ce pas un travail de philosophie des sciences par excellence, que d'exposer en rapport officiel, de la part d'une personne aussi haut placée et reconnue en ce domaine et après enquète à ce sujet, les motivations que l'on voit à l'introduction d'un cours de philosophie des sciences aux étudiants scientifiques, de sorte que la qualité du contenu de ce rapport pourra être tenue pour représentative du niveau de réflexion actuel des philosophes en ce domaine ?
Je vais donc faire ici une lecture critique du contenu du rapport. Je tiens à préciser que je ne cherche pas à contester la conclusion, à savoir l'utilité de l'introduction d'un enseignement de la philosophie des sciences dans les cursus scientifiques. Et même, je salue l'effort qu'il fait à plusieurs endroits pour orienter ce projet dans la bonne direction, d'une manière qui nécessite un effort salutaire.
L'objet de mon propos est seulement d'apporter quelques nuances et critiques de certaines remarques et arguments particuliers.

Je prends le texte depuis le début, et je commente au fil de la lecture.

"Hypothèses:"

(p.8) "On en a fini avec l'idolatrie qui avait conduit qq grands esprits du XIXè sciècle finissant à annoncer que [la science] était appelée à se substituer à la religion pour le plus grand bien de l'humanité"

Certes il reste beaucoup de travail en perspective pour arriver à ouvrir des voies satisfaisantes face aux questions religieuses, néanmoins je conteste l'affirmation suivant laquelle les religions telle qu'elles existent actuellement seraient sensiblement un mieux vis-à-vis de de positions plus libérales d'esprit comme l'athéisme, l'agosticisme ou le simple théisme. Cela répond à un certain besoin certes, mais au moyen de réponses trop fausses en général pour être honorables. Or, seule une réflexion rationnelle autrement dit de type scientifique d'une certaine manière, peut permettre de discerner le vrai du faux dans les idées des religions, afin de mieux permettre la paix et la prospérité.
Ceci dit je reconnais que ma position n'est pas assez politiquement correcte pour être admissible dans un rapport officiel.

"La médecine même (...) devient suspecte. Les industries pharmaceutiques sont réputées la précipiter sur la pente d'une déshumanisation."

Il y a là un grand malentendu de la part du public: ce n'est pas la science qui devrait être en cause. La science n'est ni humaine ni inhumaine, mais elle dépend de ce qu'en font les hommes, et en particulier ce qu'en fait le système politico-économique qui en dirige le développement à sa guise. C'est ce système qui devrait être mis en cause, précisément, pour avoir perverti la science en la transformant en son contraire: une quasi pseudo-science productrice de mensonges et désinformations. La science ne saurait être responsable des travers de la non-science actuellement dominante. Après, on peut certes envisager de former les scientifiques pour tenter de limiter les conséquences des désastres commandés par les politiques et industriels qui les emploient, ceci dit il n'en reste pas moins quelque chose de schizophrénique de la part d'un tel projet officiel. Si par contre on voulait attaquer les problèmes à leurs racines ce serait plutôt avec les professeurs et étudiants de politique et d'économie qu'il faudrait en discuter. Quant aux problèmes des OGM et du clonage, il s'agit d'une spécialité si étroite que je n'y vois pas un motif d'un projet d'enseignement de philosophie aussi général que celui en jeu ici; la discussion devrait être plutôt intégrée à l'enseignement de spécialité correspondant. Quant à l'image de la science auprès du public, c'est un problème qui concerne le public, auquel le philosophe devrait s'adresser directement en partenariat avec quelques scientifiques qui voudront bien se joindre à la discussion. Mais je ne vois pas pourquoi déranger les scientifiques en raison de fausses accusations dont ils sont l'objet.

"Une image purement calculatoire et opérative de l'activité scientifique tend à s'imposer aux chercheurs eux-mêmes".

C'est une autre observation, mais je ne vois nullement (du moins dans ce que j'ai connu jusqu'à maintenant) en quoi elle serait conséquence d'une mauvaise image de la science dans la société. A l'inverse je la verrais plutôt comme une cause partielle de ce décallage. Pour en comprendre les causes de plus près, voir notamment par ici. Pour parler des causes de ces causes, je pense en particulier au nivellement par le bas entrepris dans le système scolaire, lié à sa démagogie consistant à couper les têtes qui dépassent et à transformer l'enseignement secondaire en lieu de dressage pavlovien par nécessité de trouver le moyen de donner des bonnes notes à des élèves de toute manière incapables de se former à l'intelligence, ainsi que nécessité de déformer aussi les intelligences en les fondant dans ce même moule. Cette destruction fondamentale de la réflexion et de la responsabilité institue finalement une vaste idéologie ambiante consistant à élever la forme (le diplôme) au-dessus du fond (la connaissance): tout miser sur des questions de droit à l'emploi reposant sur l'Etat-Providence et l'égalitarisme, sans plus s'intéresser au but réel de l'enseignement (la transmission des connaissance).

Ceci a donc eu pour effet de transformer le système d'enseignement en une vaste bureaucratie qui a pour seul but d'occuper les étudiants à des "études" artificielles et inintéressantes mais imposé en force et voulu par tous pour son avantage "démocratique" de consituer un système de travail d'apparence sérieux et de sélection la plus purement et parfaitement équitable qui puisse se concevoir c'est-à-dire impersonnelle et vide de sens, parfaitement conforme à elle-même sans s'occuper de savoir si elle reflète réellement des choses intéressantes ou non, en passant à la trappe l'esprit scientifique coupable de porter le risque d'une sélection légèrement plus visiblement hasardeuse et surtout trop sélective. Le problème est donc avant tout institutionnel et idéologique.

"La baisse du nombre des inscriptions dans les filières scientifiques des universités..."

Je vois au moins une part d'explication à cette baisse dans cette dégradation de la qualité et la technicisation des enseignements scientifiques dans le secondaire et l'université.
Mais de toute manière, sans vouloir tomber dans une quelconque nostalgie du passé, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire dans l'amélioration de ces enseignements pour l'avenir, et que cela pourra sûrement avoir une grande influence sur la popularité des sciences et le nombre d'inscriptions aux filières scientifiques. Je pense aux maths-physique; et je constate que la suite de ce même rapport rend compte d'un même type de perspective dans le domaine des sciences de la vie.

Bon, sans reprendre en détail la suite des propos: dans l'ensemble je reconnais qu'il y a de bonnes choses dans ce rapport, qu'il fait bien de diagnostiquer notamment le manque de formation scientifiques dans les milieux philosophiques.
Mais je ferais encore quelques remarques:

Le problème de la surcharges des horaires est un problème majeur. S'il est vrai que dans l'absolu il serait possible d'y remédier par une restructuration et simplification de certains cours à la lumière de connaissances ultérieures aux origines de certains chapitres donnés, il est donc du devoir des scientifiques des disciplines concernées de s'attaquer à ce stravail restructurer leurs cours; or je ne vois guère en quoi les philosophes et l'enseignement de la philosophie pourraient les y aider. Or, je pense que cette inutile surcharge de travail des étudiants à cause de ce caractère obsolète des cours, a déjà une large part de responsabilité dans la désaffection des filières, et donc il serait de la première urgence de s'y attaquer avant de songer à introduire un enseignement supplémentaire.

Ensuite: si les cours de science manquent de sens et de pensée scientifique, je ne vois guère en quoi la philosophie peut y remédier:
Un cours de science vide de sens, + un cours de philo des sciences vide de sens, ne vaudra jamais un cours de science plein de sens.

J'insisterais encore une fois sur le fait que, si la pensée des sciences et l'interdisciplinarité sont importantes, cela ne saurait cautionner l'idée que la philosophie aurait un quelconque rôle supérieur à y jouer; et que les sciences sont aussi capables de générer leur propre philosophie dont elles ont besoin sans forcément l'aide des philosophes. En particulier si ceux qui habituellement se disent philosophes font la preuve d'une incompétence chronique sur la compréhension de nombreux sujets, il est compréhensible de refuser de travailler avec eux. Heureusement que l'étude citée prend en compte par la suite cette dimension du problème en insistant sur la nécessité de mieux former des philosophes à la science, mais je ne suis pas sûr que ce soit la voie la plus prometteuse pour arriver à combler le fossé et réaliser ainsi l'objectif.

Mais j'ai encore envie de citer quelques points particuliers:
"Certaines voies de recherche n'auraient pas été désertées pour être retrouvées par des chercheurs au prix de grandes difficultés théoriques, avec parfois cinquante ans de retard, comme on a pu le voir en physique avec le phénomène de dépendance sensible aux conditions initiales" : pardon, je ne m'y connais peut-être pas assez, mais de loin j'aurais tendance à penser que phénomène de dépendance sensible aux conditions initiales est un phénomène intrinsèquement complexe, théoriquement très difficile, pour des raisons qui tiennent à son contenu et n'ont rien à voir avec de quelconques biais philosophiques; et pour cette seule raison il me semble tout-à fait normal qu'il ait rebuté pendant très longtemps les chercheurs qui avaient d'autres sujets à étudier. Aussi, le rôle crucial des simulations numériques dans ce domaine rend son étude beaucoup plus fructueuse à l'ère des ordinateurs.
"l'effervescence philosophique qui a marqué les débuts de la mécanique quantique" : ma question est de savoir si la théorie physique a été suffisante par sa propre dynamique pour engendrer cette effervescence et ses résultats, ou bien si les philosophes et leur tradition y ont su apporter une contribution effective. Autrement dit, dans quelles proportions la philosophie de la physique quantique serait redevable, d'un côté à la physique, de l'autre à la philosophie. En effet, si les physiciens se débrouillent bien tout seuls sans les philosophes pour créer leur propre philosophie lorsqu'ils en ont besoin, pourquoi viendrait-on les déranger en leur inculquant la philosophie des philosophes ?
"les physiciens (...) se livrent à un immense effort de retour aux textes classiques en matière de philosophie de la connaissance": oui, ils le font de leur propre initiative sous la pression des gros problèmes qui les troublent. Mais à la fin, quand les choses se stabilisent, on en arrive à une théorie physique qui marche et peut s'enseigner et être utilisée, avec sa philosophie qui lui est propre et qui n'a plus besoin de tellement se référer aux classiques de la philosophie. De toute façon, je ne vois guère comment ces réflexions auraient pu être menées en dehors de la nécessité donnée par la découverte préalable d'un formalisme mathématique effectif qui engendre et dirige ces interrogations. Ceci dit il est bien sûr désormais important de faire mieux connaître les fruits et bilans hélas méconnus de cette recherche.

A la fin du rapport, il est fait mention du système allemand: bravo à lui, enfin un exemple qui nous rappelle que la liberté humaine est possible, et que les grandes politiques éducatives nationales ne sont pas forcément la panacée.



texte inachevé



http://web.archive.org/web/20030426012248/www.diderot-asso.com/entretiens.htm

Philosophie de la philosophie

http://fr.wikipedia.org/wiki/Philosopher
http://fr.wikipedia.org/wiki/Double_contrainte
<<soyez spontané>>
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_m%C3%A9thode_scientifique_en_philosophie

philosophie encerclée
http://www.lyber-eclat.net/lyber/cometti/

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