Liberté, Hasard, Destin et Causalité
Voilà les quatre étiquettes posées sur un
même objet, tels qu'on les rapporte habituellement aux points de
vue du néant, de la matière, de Dieu et des humains.
Cependant cette liste n'est pas complète car il reste à y
ajouter la discussion sur
les effets de la science et de la civilisation, et sur les
éventuels effets de la prière.
Sans bien sûr prétendre épuiser le sujet, je
vais ici exposer quelques-unes de mes réflexions et
exprériences personnelles s'y rapportant.
Aspect métaphysique contre aspect pratique
Du point de vue métaphysique dualiste, le concept de hasard pur,
absolu est une absurdité: rationnellement, ce qui le
représente est le concept de probabilité; mais le hasard
lui-même,
consistant à attribuer à une et une seule des
possibilités
le titre de réalité, est un concept portant sur
l'existence
réelle, ce dont nous avons dit qu'elle n'était pas un
concept
rationnalisable. Par conséquent, on ne peut pas attribuer un
sens
rationnel au mot "hasard" sans le vider de sa substance, à
savoir
abandonner le concept de réalité auquel il se rapporte
pour
revenir au concept de probabilité et donc finalement d'univers
parallèles
où toutes les possibilités se réaliseraient avec
plus
ou moins de poids.
Ce qui existe donc, ce que le hasard choisit, provient en
réalité de la vie.
Et ce choix vient de la liberté. Parler de hasard, c'est faire
abstraction de l'influence des choix effectifs de la liberté qui
en est l'origine, la négliger pour réduire le
phénomène à son aspect matériel et
rationnel, tel que le décrivent les probabilités. Mais
c'est une abstraction.
C'est le point de vue obtenu en effaçant à la fois
la substance rationnelle (des probabilités qui font exister
mathématiquement toutes les possiblités en
parallèle), et la substance spirituelle, par laquelle la vie
choisit le résultat effectif parmi les possibles. C'est le point
de vue du néant, du non-concept. C'est le point
de vue absurde. Le hasard pur n'existe pas car métaphysiquement
il ne peut pas exister.
Cependant, cette vérité ne concerne que la
métaphysique. Elle n'est pas à confondre avec la notion
*pratique* de hasard, excellente approximation pour décrire
quantité de situations auxquelles nous avons affaire, dont en
particulier la quasi-totalité des expériences de physique
connues en tant qu'elles expriment
un hasard d'origine quantique. Là, le hasard se manifeste de
façon conforme la plupart du temps à son concept
rationnel, à la philosophie matérialiste à son
égard.
En effet, il arrive souvent, et la physique quantique en décrit
un ensemble de circonstances générales, des situations
dont le résultat n'est pas déterminé univoquement
par les lois de la physique ni directement choisis.
La question existentielle qui se pose alors est : quelle est la limite
de cette approximation, quelle est l'origine spirituelle effective des
choix effectués, comment et dans quelle mesure l'origine de ces
choix nous concerne-t-il ?
Alors la réponse qui vient naturellement
est bien sûr celle-ci: les choix qui ne nous apparaissent pas
comme
étant les choix libres et conscients d'un individu particulier,
seraient
en définitive des choix de Dieu. Ce serait la manifestation du
Destin. Mais nous allons voir que cette réponse, aussi tentente
et naturelle qu'elle paraisse, est fausse, du moins très
souvent. En effet, le hasard existe de toute manière ainsi:
Définition du hasard
Une chose arrive par hasard relativement à une
problématique donnée, si ses causes (ou les choix qui
sont à son orgine) sont sans rapport avec cette
problématique.
(Ceci, sans présumer des sources métaphysiques
précises du hasard quantique, qui peut être hors
d'atteinte de l'intelligence humaine.)
La question du rôle de Dieu et l'avancement de la science
Un classique argument des athées veut que l'idée de Dieu
se construit comme étant l'expression de ce qu'on ignore, et
donc, au fur et à mesure que la science progresse, l'idée
de Dieu recule. Ainsi on croyait que Dieu faisait se lever le soleil le
matin jusqu'à ce qu'on l'explique, et lorsqu'on en saura plus,
d'après
eux, l'idée de Dieu reculera encore.
En lui-même, cet argument est absurde ne serait-ce que par
le fait que l'idée d'un Dieu créateur n'est rien d'autre
que l'idée que tout n'est que le fuit de l'esprit de Dieu et
repose dessus, autrement dit que sa nature est d'être ce que Dieu
en comprend. Donc, que c'est en soi de nature compréhensible
même si en pratique
tout n'est pas nécessairement compréhensible pour nous
ici
maintenant, avec les moyens à notre disposition qui sont des
moyens
rationnels et limités.
Par conséquent, le fait de parvenir à comprendre une
chose ne fait que confirmer sa nature de chose compréhensible,
que l'idée de création divine indiquait.
Cependant, en pratique cet argument a porté et peut
encore porter un sens véritable et juste, encore faut-il
préciser lequel. Déjà on voit immédiatement
une différence de conception qu'il introduit: l'idée
d'une opération divine "trivialise dans le mystère" le
phénomène en voulant y voir un acte direct et arbitraire
de Dieu sans autre problème, et donc impossible à saisir
séparément du reste, tandis que la compréhension
nous indique les relations qui déterminent le
phénomène en rapport et en continuité avec
d'autres phénomènes en particulièr.
Mais encore ?
Par hasard j'ai été assister à Cluj en 2002
à un cours de DEA de philosophie politique (en français),
portant sur le concept de justice.
En l'occurence, il fut raconté l'histoire de la naissance
de ce concept et de ses institutions dans l'Antiquité. Je ne
m'attendais pas à ce que cela révolutionne ma
pensée. Et sur
le moment, j'ai pris cela comme une chose très anecdotique, mais
avec le recul je pense finalement en avoir retenu une idée bien
plus profonde qu'elle en a l'air, et révélatrice de
certains
préjugés encore tenaces dans le monde actuel.
Voici le point: aux origines pré-antiques, avant que ce concept
ne naisse en tant que tel, il était vu comme confondu avec les
forces de la nature.
C'était le destin qui jugeait les hommes. Lorsqu'un crime
avait été commis et qu'on avait attrapé un
suspect,
on ne savait pas comment faire une enquête pour le savoir.
C'était de l'inconnu, comme les forces de la nature. Alors on le
soumettait à l'épreuve de la nature. On le condamnait par
exemple à
traverser le fleuve à la nage. Si les crocodiles le mangeaient,
c'était qu'il était coupable. S'il en réchappait,
alors la nature l'avait jugé innocent et le relachait.
Pour prendre un exemple plus récent, suivant un argument
trouvé dans "Conversations avec Dieu" tome 2, défendant
l'idée
que Hitler est allé au ciel parce que tout le monde y va et
qu'il
n'y a nulle part ailleurs où aller et que de toute façon
nul n'enfreint réellement et absolument la volonté de
Dieu:
pourquoi a-t-on davantage tendance à penser qu'un crime contre
l'humanité serait plus injuste et contraire à la
volonté de Dieu que les morts dus à un accident ou une
catastrophe naturelle ?
Parce que, la catastrophe naturelle n'étant pas voulue par des
hommes en particulier, il ne nous reste à disposition que Dieu
à qui en attribuer la responsabilité. Or, qui sommes-nous
pour critiquer la volonté de Dieu, pour se lever contre notre
Créateur ? Comme nous savons, les voies de Dieu sont
impénétrables.
Le mécanisme psychologique commun à tout cela consiste
à attribuer une valeur divine, ou du moins à s'abstenir
de juger maléfique, ce que l'on ne comprend ni ne
maîtrise,
parce que ce qui échappe à notre compréhension ou
à notre maîtrise est alors en quelque sorte
attribué
au hasard, sauf que le hasard étant considéré
comme
n'existant pas est finalement pris comme pseudonyme du destin et de la
volonté de Dieu faute de connaître autre chose. Vu comme
venant de Dieu,
l'évènement est de ce fait disculpé voire
justifié.
Exemples vécus, dont la question du rapport du destin
à la religion
Quand j'ai découvert les groupes de chrétiens et
commencé à les fréquenter, ils m'ont dit pour
m'inviter à
approfondir: crois-tu que c'est par hasard que tu es maintenant parmi
nous ? Ne reconnais-tu pas qu'il n'y a pas de Hasard et que c'est donc
Dieu qui t'a amené ici ?
Oui, c'est clair, tout cela a un sens, cela faisait partie d'un plan de
Dieu pour moi.
Ensuite à Paris, il arriva plusieurs fois un
évènement du style suivant: quelqu'un m'explique qu'il
lui est arrivé une mésaventure, il a besoin d'être
dépanné d'un
peu d'argent pour une courte période de temps, qu'il rendra
bientôt, parfois même en double, ou demande un don qui
serait remboursé. Je pensais à une occasion du destin me
permettant d'exercer ma générosité. Manque de
chance, je n'en eus aucune nouvelle ensuite, c'étaient des
bobards pour me soutirer de l'argent.
Et le pire, c'est que cela m'arriva plusieurs fois, et à chaque
fois je me faisais avoir parce que les détails semblaient
différents. Je me sentais incapable d'en tirer leçon pour
ne plus recommencer car malgré mes résolutions cela
m'arrivait encore.
Mais quel était donc le sens de cette épreuve ? Les voies
de Dieu sont impénétrables. Le seul sens que je pus en
trouver, c'est dans le fait que j'avais reconnus auparavant que par
rapport aux vertus présentées en religion, il y en avait
une
que j'avais du mal à acquérir: l'humilité. J'avais
même prié Dieu qu'il me l'enseigne. Mais là,
ça m'avait scié, ça dépassait les bornes de
l'absurde.
En conséquence, j'ai détesté Paris, et
cherché l'occasion de partir. C'est ainsi que j'ai
été faire ma
thèse à Grenoble.
Revenons sur le rôle du destin dans la conversion.
La non-existence du hasard étant une banalité que toute
pensée en matière spirituelle peut facilement saisir mais
non facilement maîtriser au point de pouvoir dire ce qui se cache
derrière l'apparent hasard, cela laisse chacun facilement seul
et désemparé devant ce mystère, donc à la
merci du premier venu qui viendra lui expliquer avec un ton d'assurance
ce qui se cache effectivement dessous.
Examinons l'argument avancé: "tu nous as rencontrés par
hasard, or comme tout hasard cela vient en fait de Dieu, ce qui montre
que Dieu appuie notre doctrine". Il y aurait donc une différence
de tendance ou de probabilités, entre les probabilités
brutes qui seraient conséquence d'un pur hasard
matérialiste,
et les probabilités (pour ne pas dire la détermination)
résultant du choix du destin, de la volonté de Dieu.
Ainsi, la probabilité effective, tenant compte du destin, que la
personne que vous rencontrez et qui vous expose sa doctrine est voulue
par Dieu pour vous montrer la bonne voie, est supérieure
à sa probabilité rationnelle et matérialiste.
C'est bien gentil tout ça, mais continuons le raisonnement.
Cette affirmation s'affirme comme étant universelle puisque se
rapportant à Dieu qui est le même pour tous, donc elle
doit également être valable pour tous. De là
devrait
découler que, dans l'ensemble, en faisant la moyenne des
probabilités
corrigées par le destin sur l'ensemble des humains, la
quantité
de rencontres avec les gens présentant la doctrine juste serait
très supérieure à celles avec les gens ayant une
doctrine fausse. Donc de deux choses l'une, ou bien on admet au
départ
qu'il y a un beaucoup plus grand nombre de gens ayant la doctrine juste
à exposer, auquel cas le destin ne joue aucun rôle de
correction
dans la probabilité, ou bien le destin permet à chacun
d'eux
de rencontrer un beaucoup plus grand nombre de gens que n'y parviennent
ceux dont la doctrine est fausse, ce qui, excusez-moi, me semble une
conclusion
des plus invraisemblable et en tout cas, s'il était vrai, serait
un phénomène des plus spectaculaires et contraire au
caractère
officiellement impondérable et caché dans la magie
secrète
du destin qu'il appartiendrait à chacun de ressentir uniquement
par le coeur.
Or, on constate que cette histoire du coup du destin est en fait
un archétype usé et récupéré
systématiquement par toutes les religions et toutes les sectes,
et, excusez-moi encore, je ne vois pas quel besoin on aurait encore de
brandir explicitement un argument finalement aussi passe-partout,
tordu, superficiel et illusoire malgré les
dénégations si jamais on avait vraiment d'autre part
à proposer la
vérité-la-plus-profonde-qui-parle-au-coeur comme si cela
ne devrait pas suffire.
Bon allez, à la limite on peut encore se demander si par hasard
il demeurerait une corrélation du destin entre les rencontres
et ce dont chaque individu a spécifiquement besoin pour
lui-même étant donnée la situation de son parcours
personnel. Mais en ce cas, il faudrait reconnaître la
nécessité de renoncer à toute prétention
à l'universalité des vérités ainsi
défendues.
Après ces exemples, passons maintenant à l'étude
des lois générales.
Liberté, causalité et effet papillon : le hasard
contre le destin
Résumons sous une forme générale les arguments
précédents.
Il y a dans le monde deux sortes de phénomènes: ceux dont
nous connaissons la cause (que nous pouvons décrire
précisément) et ceux dont nous ne la connaissons pas. Et
la question est alors de
trouver un statut à donner à la deuxième
catégorie, ou plusieurs statuts suivant des
sous-catégories adaptées: sont-ils l'expression d'actes
de Dieu, du destin, de lois spirituelles
universelles qu'il soit possible d'exprimer ? Peut-on les influencer ?
Il y a de nombreux exemples historiques pour lesquels d'abord on
ne savait pas, puis la science a progressé et a reclassé
des phénomènes dans la première catégorie.
Il s'agit là le plus souvent de découvertes
d'explications d'occurences systématiques de certains
phénomènes.
Mais ce que nous allons discuter ici se rapproche du cas contraire: les
phénomènes d'apparence aléatoire.
Nous avons dit, métaphysiquement le hasard pur n'existe pas car
à la place il y a la liberté, qui est une chose
spirituelle. Cependant, comme nous le verrons, ce fondement
philosophique n'aura pas d'importance pour les conséquences
pratiques qui nous intéressent.
Déjà, on la une notion de liberté au sens premier,
pratique, direct, qui nous concerne, sur laquelle on est tous d'accord
indépendamment des hypothèses métaphysiques: la
liberté individuelle. Par notre conscience nous choisissons
librement ce que nous faisons parmi différentes
possibilités, parce que nous sommes volontaires et ce n'est pas
quelqu'un d'autre qui le choisit pour nous. Ce
qui se cache derrière la nature de notre conscience, qu'importe
?
C'est tel que c'est et cela ne changera pas de toute manière.
Admettant cela comme une affaire classée, nous
modéliserons approximativement un libre individu comme
étant une boîte noire avec entrées et sorties
d'informations, sans chercher à discuter les causes qu'il y a
précisément à l'intérieur: ce qu'il y a
à l'intérieur est en pratique approchable
avec une bonne dose de validité par ce qu'il est possible de
prévoir, par certains domaines de connaissance: la psychologie,
la pédagogie, l'orientation professionnels, les goûts et
objectifs de vie etc
dont ne ne discuterons pas ici le contenu. Ce que nous appellerons "les
lois approchées de comportement individuel".
Je veux dire, une approximation non pas précise au point de
paraître vraiment réaliste subjectivement au sens du
chapitre précédent, mais au sens très vague des
notions sur le comportement moyen dont les conséquences peuvent
orienter dans ses grandes lignes l'évolution de la
société dans son ensemble, par son application à
chaque individu qui la compose.
Je ne veux même pas nécessairement parler d'une
approximation par quelque chose de prévisible et
compréhensible pour
nous, mais ne serait-ce que par quelque chose qui existe, quand bien
même Dieu seul pourrait s'en faire une idée. Cependant,
même si nous ne pouvons nous enfaire une idée
précise,
du moins pouvons-nous petit à petit en glaner quelques
informations
pour s'en approcher.
Quant à la différence entre ce style
général de comportement et le comportement précis,
nous y reviendrons
par la suite.
Pour la suite du raisonnement nous ferons à son sujet une
seule hypothèse, sur laquelle il me semble que nous pouvons
quasiment tous être d'accord: nos choix "libres" ne sont pas
déterminés entièrement et de manière
univoque suivant une logique
dont la structure est celle d'une "causalité renversée",
comme fournissant systématiquement et précisément
les choix qui conduisent vers une fin planifiée d'avance
exactement
suivant un objectif d'avenir précisément
décidé
d'avance par Dieu suivant ce qui Lui semblera bon.
Autrement dit, nous rejetterons l'hypothèse d'un fatalisme divin
moral.
Toutes les hypothèses plus précises envisageables
compatibles avec celle-là s'avèreront souvent
équivalentes en pratique, puisque même un
déterminisme matérialiste admet des mécanismes de
générateurs pseudo-aléatoires dont le
résultat s'apparente en pratique, par défaut
d'omniscience, à un libre choix.
Cette hypothèse va entraîner une conséquence
fondamentale: au moins dans la plupart des cas, la différence
entre le style général de comportements tels qu'on peut
les estimer et les comportements effectifs, ne peut autoriser quasiment
aucune possibilité d'écart systématique des
grandes
tendances au niveau des moyennes globales de la société,
sur laquelle puisse s'exercer la main du Destin.
Plus précisément, cet énoncé basé
sur l'hypothèse plus haut et que je propose de démontrer
ci-desssous signifie qu'il n'y a pas de "juste mesure"
intermédiaire envisageable entre le concept d'un fatalisme divin
complet dépourvu de liberté individuelle et celui d'un
monde
quasi dépouvu de sens du destin, abandon quasi-total par Dieu du
sort de l'humanité.
Voici pourquoi.
L'hypothèse s'exprimera ainsi: nous ne chercherons pas à
analyser davantage ce qu'il peut y avoir à l'intérieur
de cette boîte noire nommée liberté qui
expliquerait
ce qui en sort, mais admettrons simplement qu'il s'y trouve une part
d'imprévisible: un "bruit de fond" non négligeable des
libres actes de chacun par rapport aux prévisions y compris du
point de vue de l'auteur d'un éventuel Destin. Nous n'excluons
pas pour autant l'hypothèse qu'il y ait AUSSI une partie (un
ensemble d'aspects) de ce bruit de fond
de la liberté, sur lequel l'auteur du Destin puisse agir.
Voyons maintenant ce qui en résulte dans "le système
extérieur". A savoir, les propriétés globales de
ce système d'interactions entre les différentes
décisions individuelles, à travers le monde physique
extérieur. Le comportement de ce système extérieur
est l'effet des 3
choses suivantes:
1) Les lois de causalité : lois de la physique d'une part, lois
approchées de comportement individuel d'autre part.
2) La configuration matérielle présente, ce qu'on appelle
habituellement les conditions initiales (état de
l'environnement, technologies à disposition, systèmes
politiques en place...)
3) Le bruit de fond du hasard ou de la liberté, incluant
éventuellement mais non exclusivement une marge de manoeuvre du
Destin.
Dans le déroulement de tout cela, un rôle important
est joué par un phénomène caractéristique
des systèmes dynamiques: l'effet papillon.
A savoir, les petites causes entraînent les grands effets et tout
bruit même imperceptible dans les causes changera du tout au tout
le résultat après un certain temps de gestation et
multiplication des retombées.
De cela résulte l'impossiblilité pour la main du destin
d'influencer les résultats à long terme soumis à
cet effet. En effet, même en admettant qu'il existe des valeurs
possibles du bruit de fond amenant vers un objectif donné, en
fait, pour
chaque choix que la "main du destin" pourrait considérer
d'effectuer sur la composante du bruit de fond qu'elle peut
contrôler, l'ensemble des devenirs qui en résultent issus
des différentes possibilités restantes de par la
composante incontrôlable du bruit de fond de la liberté,
est à cause de l'effet papillon, un ensemble
hétéroclite de devenirs comme tous les autres, ne
présentant donc aucune garantie de se conformer au final
à une quelconque volonté de Dieu.
En conclusion: même s'il est éventuellement possible
à la main de Dieu d'apporter un "coup de main dans
l'immédiat" face à une situation simple et
prévisible à court terme
(du moins pour Dieu), il Lui est foncièrement impossible
d'arranger les conséquences à long terme de
phénomènes
complexes soumis à l'effet papillon, influencés par les
subtils
détails de la liberté des uns et des autres. Ainsi,
même
s'il n'est pas rigoureusement absurde que l'idée de "s'en
remettre
à Dieu" et d'attendre des réponses aux prières
puisse
effectivement se rapporter à la réalité
spirituelle
profonde dans certains cas, il me semble nécessaire d'ouvrir les
yeux
sur les limites nécessaires d'une telle
éventualité,
limites que donc Dieu lui-même ne peut pas franchir pour rester
en
cohérence avec les choses établies. En regardant plus
attentivement
l'idée, on en déduit curieusement qu'en matière de
prévision et de capacité à influencer les
évènements, l'omniscience est inutile: une connaissance
limitée (par un esprit occulte de base) est suffisante pour
prévoir telle ou telle chose immédiate, tandis
qu'à cause de la liberté amplifiée par effet
papillon, même l'omniscience de Dieu ne peut pas aller
sensiblement plus loin.
Nous venons ainsi de voir qu'en ce qui concerne les résultats
globaux de systèmes complexes au comportement cahotique
où intervient la liberté comme l'est le monde actuel, il
ne peut
y avoir d'influence significative du destin, car ces résultats
sont soumis en pratique à ce qui s'apparente à un
véritable hasard. C'est-à-dire, que les causes qui les
déterminent
relèvent d'une liberté qui intervient en rapport à
des contextes (de petites décisions immédiates) n'ayant
rien
à voir avec les effets indirects globaux qui nous
intéressent.
Petit exemple symbolique: quelqu'un prend un jeu de cartes et les
arrange en tas dans l'ordre qu'il veut. Il le donne à un autre
qui
sans les regarder en fait secrètement un petit mélange
à
sa manière, le passe à un autre qui fait de même,
et
ainsi de suite avec 5 personnes successives.
Les cartes étant ainsi mélangées à
l'aveugle suivant les libres choix de 5 personnes, leur disposition
finale dépend-elle de la volonté de qui que ce soit ?
Bien sûr que non. De
la main du destin ? Non plus. Mais de ce à quoi nous ne pouvons
trouver un meilleur nom que: le hasard, tout simplement !
En ce sens donc, il est établi qu'il existe en pratique un
véritable hasard. Ce hasard qui existe vraiment donc de toute
manière en un sens pratique même s'il n'existe pas
absolument d'un point de
vue métaphysique. Il apparaît comme une
généralisation de la notion de pseudo-hasard issu
d'algorithmes: c'est l'ensemble des
effets issus de systèmes de causalité de formes
cahotiques,
dépendant de causes antérieures certes libres mais dont
les circonstances ou éventuelles inspirations divines affectant
leur choix lorsque les choix se produisent n'ont aucun moyen de les
affecter
d'une manière ayant un rapport de sens spirituel avec leurs
effets
considérés: le rapport étant du en fait à
la configuration du système de circonstances et relations
causales
en vigueur ne peut nullement refléter un sens spirituel
susceptible
de nous intéresser.
Après avoir ainsi établi le hasard comme concurrent du
destin, nous allons remarquer qu'il est également en concurrence
avec la liberté.
La dictature du hasard
Qu'est-ce que la dictature du hasard ?
La dictature ou absence de liberté, c'est l'état du monde
dans lequel nous ne pouvons pas atteindre les objectifs que nous
poursuivons, et que nous exprimons sous forme de l'objectif qui anime
nos actions, dans la mesure où nos actions permettent d'exprimer
nos motivations et objectifs: les conséques ne seront pas celles
que nous visions. La dictature de quelque chose, c'est lorsque c'est
cette chose qui décide à notre place de ce à quoi
nous arriverons. Le hasard, c'est là où les
conséquences obtenues n'ont aucun rapport de signification
humaine, accessible subjectivement à l'homme observateur de
l'histoire qui les observe simplement, avec la forme des causes
également accessibles humainement à ce même
observateur qui ont joué un rôle dans ce qui a mené
à cette conséquence.
Et alors, la dictature du hasard, c'est, logiquement, l'état du
monde dans lequel nous ne pouvons pas les atteindre les objectifs que
nous poursuivons, parce que les conséquences de nos actes n'ont
aucun rapport de signification humaine, accessible subjectivement
à l'homme acteur de l'histoire qui y pense simplement, avec les
objectifs qui animent ses actions (qui sont les causes accessibles
humainement qui ont joué un rôle dans ce qui a mené
aux conséquences obtenues).
Analysons cela plus en détails:
Nos connaissances sont limitées, notre caractère et notre
volonté le sont aussi. Nous sommes condamnés à
décider d'après nos misérables connaissances,
assujettis à nos situations particulières. Si nous sommes
libres de nos actes, alors nous ne sommes pas libres de leurs
conséquences. Or ce sont les conséquences de nos actes
que nous voulons orienter, non nos actes mêmes. Entre les deux,
la relation est parfois évidente, parfois compliquée et
sujette à apprentissage et correction, mais aussi parfois
inaccessible.
Exemple: Je suis libre de voyager n'importe où. Or, où
veux-je aller ? Je veux aller là où je trouverai la femme
de ma vie. Mais je ne peux pas savoir où elle peut se trouver.
Donc je ne suis pas libre d'aller là où
je veux.
Le hasard apparaît donc au niveau des choix et du destin
individuel, comme étant l'expression des conséquences
importantes que nous subissons de nos propres actes lorsque ces
conséquences se
trouvent n'avoir aucun rapport de sens avec l'intention que ces actes
exprimaient. Ainsi nous sommes responsables de ce qui nous arrive parce
que ce qui nous arrive est conséquence de nos choix, mais cela
a lieu d'une manière que nous ne pouvions pas prévoir ni
contrôler. Nous sommes donc, malgré une certaine
liberté
et donc responsabilité qui nous colle à la peau quelque
part,
soumis en définitive à la dictature insidieuse du hasard.
Dieu ne peut pas nous aider à réaliser ce que nous
voulons
parce qu'il nous laisse libres de nos actes.
Il peut y avoir totale disproportion entre un acte et ses
conséquences. Le moindre réflexe ou la moindre
hésitation peut engager toute la vie. Cela ne pardonne pas.
Exemple: quand la timidité
empêche une rencontre, ou fait oublier d'échanger les
adresses.
Autre aspect: Ce qui m'intéresserait serait notamment de
modifier mes actes passés. Je ne peux pas le faire donc je ne
suis pas libre. Cela ne m'intéresse pas d'apprendre ce que
j'aurais
dû faire dans telle situation, parce que la prochaîne fois
la situation où je devrai agir sera différente et la
leçon
apprise ne pourra pas s'appliquer.
Voici des situations dans lesquelles nos erreurs ne nous instruisent
pas :
- Certains individus ont un caractère qui ne leur permet
pas d'apprendre
- La relation causale peut être liée à une
circonstance particulière extérieure sur laquelle on ne
pouvait pas
être informé d'avance.
- Les décisions de quelqu'un n'affectent pas que ses prochains,
et il arrive que ceux qui commettent des erreurs n'aient pas l'occasion
d'observer ni parfois même d'avoir l'écho de ceux qui en
sont affectés, et ne peuvent donc pas en tirer leçon pour
se corriger.
Exemple: les décisions d'un ministre affectent des millions de
gens qu'il ne connaît pas. Les décisions d'un correcteur
de copies d'examen ou de concours engagent les carrières des
étudiants.
Science, civilisation et reprogrammation du
monde extérieur
Cela n'a rien d'étonnant qu'à la base, les
conséquences de nos actes ne soient pas en accord avec
l'intention qui les a motivés. En effet, matériellement,
concrètement, un acte et ses conséquences sont deux
choses différentes, et le monde matériel extérieur
ne pouvant lire dans nos pensées pour y obéir, engendre
les conséquences qu'il engendre suivant ses règles
à lui. Dès lors, pour améliorer la
réalisation de nos fins, donc notre liberté de
réaliser ce que nous souhaitons, il est faut apprendre ses
règles pour en déduire quelles décisions prendre
qui entraîneront les conséquences que nous voulons.
C'est la science. Prenant ainsi connaissance des lois de
causalité, point 1) ci-dessus, et de la situation actuelle 2),
nous pouvons en déduire comment ajuster nos actes 3) pour
obtenir ce qu'on veut. Mais en plus, la science permet l'avancement des
technologies: elle permet de choisir les actes qui modifieront le point
2), en sorte de faciliter à tout un chacun la tache, lui
permettant d'obtenir les résultats qu'il voudra au moyen de
décisions 3) beaucoup plus faciles et simples en proportion du
but recherché. On peut comparer le monde extérieur par
rapport à chaque individu à un ordinateur par rapport
à
son utilisateur, où la donnée 1) serait le
matériel et
la donnée 2) serait le logiciel. Pour permettre à
l'utilisateur d'obtenir ce qu'il veut, il ne suffit pas d'avoir le
matériel, encore faut-il le munir d'un système
d'exploitation convivial et efficace. Or, la qualité d'un
système d'exploitation dépend
à la fois de sa compatibilité avec le matériel
disponible,
et de ce qui apparaît effectivement convivial à
l'utilisateur
en rapport avec le style de ses besoins courants.
Ainsi, connaissant les lois de causalité, les hommes de science
(savants, ingénieurs, juristes, économistes etc...)
travaillent à mettre au point un système d'expoitation et
des logiciels fonctionnels et conviviaux, ce qu'on appelle une
technologie et une civilisation, ayant pour objectif le progrès
vers notre affranchissement par rapport à la dictature du
hasard: faire en sorte que les effets réalisés soient le
plus possibles conformes à nos intentions sans trop de peine.
Philosophiquement, on peut faire le lien entre cette évolution
et la métaphysique dualiste, suivant laquelle l'esprit est la
réalité fondamentale non rationalisable, et le monde
extérieur est l'épiphénomène rationalisable
fruit de l'invention par l'esprit.
En effet, si le monde a été créé par
l'esprit, alors il est essentiellement intangible et peut être
recréé par lui. Les lois fondamentales 1) ne sont
finalement qu'un point de départ accessoire, à partir
duquel il est possible de concevoir et mettre au point une nouvelle
réalité effective dans laquelle nous pourrons mieux vire.
Car le monde dans lequel nous vivons en pratique et ses
propriétés qui nous intéressent (outils, moyens de
communication, mouvements du corps, sensations), ce qu'en pratique nous
appelons la matière concrète qui semble résister
de notre
point de vue, n'a finalement pas grand rapport nécessaire avec
sa
nature matérielle profonde telle que décrite par les lois
de
la physique et qui a la propriété d'être
effectivement indépendantes de notre volonté et de
résister réellement : les atomes et leurs
propriétés chimiques, les lois de
l'électromagnétisme etc. Cette nature profonde de la
réalité physique n'étant en fait essentiellement
que celle d'une bonne machine de Turing universelle, nous pouvons lui
faire faire quasiment ce que nous voulons, dès que nous savons
parler son langage de programmation et que nous disposons des moyens de
causer avec elle (ce que nous acquérons progressivement).
Les auteurs de science-fiction du siècle dernier, souvent
influencés par la philosophie matérialiste suivant
laquelle l'homme n'est qu'un épiphénomène de la
matière, une machine complexe fruit d'un assemblage, se sont
plaits à inventer un avenir technologique où l'on
fabriquerait des machines semblables à l'homme et capables de se
mesurer à lui, les robots. Certes il existe des robots utiles
à beaucoup de choses pour épargner à l'homme un
nombre de plus en plus grand de travaux, mais le succès le plus
spectaculaire de l'informatique réside dans sa capacité
de concurrencer la configuration précédente du monde
extérieur comme système de mise en relation et en
interaction des hommes entre eux, et ceci finalement dans le
prolongement et la continuité de ce qu'a été le
progrès des technologies et de la civilisation pendant des
millénaires.
Cette concurrence entre configurations du monde extérieur,
peut se mesurer sous forme de comparaisons de puissances de calcul: la
portée, complexité ou intérêt des
résultats
obtenus, divisé par le travail humain qui a été
nécessaire pour l'obtenir. A l'état sauvage, la
matière obéit souvent à des approximations
grossières présentant donc une faible puissance de
calcul, et même si elle est complexe, cette complexité
n'est pas adaptée à ce qui nous intéresse. Les
technologies développées s'avèrent plus puissantes
et intéressantes et donc compétitives face à la
configuration précédente de la matière et du
monde: leur utilité fait qu'on les adopte et donc qu'elles se
répandent.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, les célèbres lois de Murphy ou
lois de l'emmerdement maximum, sont habituellement formulées en
dehors de toute connotation religieuse, pour exprimer l'acharnement
d'un destin maléfique qui nous persécute. En effet, dans
la mesure où est floue la limite entre la réalisation de
nos objectifs par nous-mêmes de celle par le hasard, les cas
d'évènements hostiles s'en trouvent d'autant plus mis en
reliefs et font l'objet d'une attention et d'une dénonciation
particulières. Etrangement, malgré sa connotation
spécialement irrationnelle, cette démarche ne saurait
être reprise telle quelle par les religions qui veulement voir en
tout évènement inexpliqué la main sacrée de
Dieu, car la dénonciation de ses travers prendrait alors la
forme d'un sacrilège. La difficulté étant que,
puisqu'on décide d'attribuer tout évènement
heureux à la grâce de Dieu, il reste à trouver des
explications pour les évènements malheureux afin que la
doctrine ne soit pas prise en défaut. Au-delà de
l'argument passe-partout suivant lequel les voies de Dieu seraient
insondables car Dieu est infiniment plus grand que l'homme en sorte que
tout ce qui arrive est juste quand bien même ce serait mal (car
le chef a toujours raison) et qu'on n'est capable d'y voir aucun bien,
diverses tentatives de justifications particulières ont
été essayées. Or, la mentalité religieuse
ayant toujours tendance à trivialiser la morale en une
dichotomie bien/mal prétendument évidente au niveau de
l'homme
pour culpabiliser ses fautes, elle se voit étrangement
réduite
à assigner parfois aux actes de Dieu une quasi trivialité
inverse,
consistant à bénir le mal pour lui-même lorsqu'il
survient.
Ils en viennent à proclamer que de la part de Dieu le mal est
bon
et à en faire des lois que j'appellerai ici les lois de Murphy
spirituelles,
dont la différence avec les profanes est qu'elles sont
habituellement
déguisées d'un masque d'hypocrisie.
Voici quelques exemples pour illustrer ce propos. Certaines de ces lois
de Murphy spirituelles sont spécifiquement chrétiennes,
d'autres non. Il est possible que certaines soient en partie
justifiées.
- La souffrance est bonne car elle nous permet de comprendre la
souffrance des autres. (Personnellement je préfèrerais
encore vivre dans un monde où il n'y ait pas de souffrance
à comprendre.)
- La souffrance vient du diable, et le mal est permis par Dieu pour
nous laisser le choix entre le bien et le mal (voir le livre
"Conversations avec Dieu" pour quelques réfutations de tout
ça).
- La souffrance nous rapproche de Dieu. Un jour j'ai entendu plus
précisément chez les évangéliques un
témoignage
comme quoi, parfois elle approche de Dieu, parfois elle éloigne.
Libre à ceux qui veulent de la souffrance pour les aider dans
leur
exercice d'approche de Dieu, mais je ne vois pas au nom de quoi il
faudrait
à cause d'eux condamner les autres à subir le même
sort alors que cela ne les aide pas. Et contrairement à ce que
certains
supposent, le résultat inverse n'est pas dû à un
manque
de bonne volonté. Je sais, ils s'en foutent pas mal, ils ne me
croiront
pas et m'accuseront d'être de mauvaise foi, mais tant pis ce
n'est
pas mon problème: personnellement, la souffrance m'a
éloigné
de Dieu et contrairement à ce qu'ils proclament, ce n'est pas
faute
d'avoir fait mon possible pour m'accrocher. Cette accusation de
responsabilité
individuelle quant aux possibles effets pervers de la souffrance dans
la
vie spirituelle est une attitude qui me semble des plus monstrueuses
qui
soient. Dieu ne nous soumet pas à des épreuves que nous
ne
pouvons supporter, prétendent-ils, c'est pourquoi quiconque
défaille
est responsable, soit de se plaindre à tort, soit de ne pas
remettre
sa confiance en Dieu pour s'en sortir. Il faudrait à mon avis
s'occuper
de vérifier la définition de toutes les notions ici
invoquées,
car je trouve tous ces arguments très circulaires. Par exemple,
par définition une épreuve sera appelée
supportable
si elle n'entraîne pas le suicide. Dans le cas contraire on dit
que
la personne suicidée a commis un péché mortel et
absurde
et n'avait en fait rien compris aux enseignements
évangéliques.
Quant à l'effet de la souffrance, le fait de se rapprocher ou de
s'éloigner de Dieu est toujours supposé volontaire
surtout
s'il ne s'agit pas de soi-même. Et celui qui s'éloigne de
Dieu
est également par définition un mauvais chrétien
infidèle
et indigne d'être écouté sérieusement en
dehors
d'une consultation psychiatrique bien évidemment.
Personnellement donc, la souffrance a détruit en moi toute
confiance en Dieu. Elle m'a également débarassé
quelque stupides superstitions religieuses, ce qui en soi est un bien
je l'admets (même si ce n'est pas celui auquel ces fous de Dieu
s'attendaient), mais personnellement encore je ne ressens pas que cela
en ait valu le prix: j'aurais encore préféré vire
heureux dans quelques illusions que de reconnaître la
vérité dans le malheur.
- Le malheur du monde est une bonté divine et ne doit donc
pas être guéri, surtout celui des impies. En effet, tel
fut
le propos d'un étudiant en théologie
évangélique avec qui je discutai un jour, et qui avait la
vocation de devenir missionnaire, alors que j'essayais de lui expliquer
mes projets visant à résoudre les problèmes du
monde: d'une part, il affirmait que nous chrétiens,
contrairement aux impies, savons que la souffrance a un sens voulu par
Dieu, et qu'il n'est donc pas dans la volonté de Dieu de
chercher à l'éradiquer (précisément, il
s'agit d'un axiome d'existence d'un sens, tandis qu'il ne me semble pas
avoir vu de précision ou d'explicitation satisfaisante sur le
contenu effectif d'un tel sens ; de
même qu'introduire un axiome d'existence d'une preuve d'un
certain
énoncé, cela ne me semble pas avancer à la
justification
effective de cet énoncé). Plus précisément,
ma
proposition ayant quelque chose du style d'organisation en
communautés, il précisa que certes cela aurait un sens,
mais seulement entre chrétiens afin de soulager les souffrances
de nos frères chrétiens. Je lui demandai alors: s'il vaut
mieux guérir la souffrance des chrétiens que des
non-chrétiens, est-ce parce que les chrétiens savent
donner un sens à la souffrance tandis que les autres ne le
savent pas ? Il répondit que ce n'était pas pour cette
raison mais ne sut pas en donner de meilleure en échange.
- Jeunes convertis, méfiez-vous du diable ! En effet, lorsque
tout va bien et qu'on a donné sa vie à Dieu, c'est
là que le diable n'est pas content et tend des pièges au
nouveau converti, le soumet à des épreuves, cherche les
failles de sa foi pour tenter de le faire chuter. Tel est le propos que
j'ai une fois entendu.
- Priorité à Dieu. Si quelque chose nous manque au point
qu'on vienne à s'en plaindre, c'est la marque du fait qu'on
attache à cette chose une valeur supérieure à
Dieu. En fait on n'a pas réellement besoin de cette chose mais
c'est de Dieu qu'on a besoin. Seul Dieu peut nous rendre heureux, et
c'est donc lorsqu'on fera de Lui notre joie qu'il nous donnera les
bénédictions qui ne nous intéresseront plus. Ainsi
donc Dieu nous soumet à l'épreuve de la privation pour
nous apprendre à nous remettre à Lui. Tant qu'on en
souffrira, on sera des impies coupables de ne pas nous être remis
à Dieu et c'est pourquoi la souffrance continuera
pour nous laisser la chance d'apprendre à placer Dieu en
premier.
En l'occurence, c'est cet argument qu'on m'a servi plus ou moins
explicitement
face à ma souffrance de célibat.
- Plus généralement, j'ai entendu des chrétiens
proposer des explications au célibat du style que l'on n'en
parle pas à Dieu comme il faut: tandis que les uns accusent le
désir de recevoir réponse de constituer une faute de
priorité par rapport à la recherche de Dieu, les autres
voire les mêmes considèrent comme condition
nécessaire d'adresser sa demande à Dieu. Personnellement
j'ai trouvé une telle condition absurde en pratique, le souci
d'une bonne attitude de prière combinée avec l'expression
de ce problème s'évèrant explosive et intenable.
Et, alors que j'ai entendu d'un côté l'affirmation comme
quoi bien sûr une prière pour être valable se doit
d'être précise expliquant en détail à Dieu
quelle genre de fille je voulais, d'un autre côté il ne
manque pas
d'y avoir des recommandations diamétralement opposées,
mais
toujours assénées avec le même aplomb. Bien
sûr, le non-exaucement d'une prière a toujours valeur de
preuve et de définition du fait que ce n'était pas la
volonté de Dieu; quant à la justification effective de ce
fait, elle n'a bien sûr aucune gêne à être une
fois de plus insondable.
- Plus généralement, en dehors même des
milieux chrétiens, nombreux sont ceux qui disent: pour trouver
l'âme soeur, la meilleure méthode est d'arrêter de
la chercher. Cela viendra quand on n'y pensera pas. Le problème
est que pour moi
le fait de chercher n'est pas quelque chose de l'ordre du choix et de
la
volonté, mais de l'ordre du besoin. Je ne peux arrêter de
chercher car je ne peux arrêter d'avoir besoin. Donc l'exaucement
est réservé à ceux qui n'en ont pas ou plus
vraiment besoin. En fait, je parie que cela traduit en grande partie
l'effet de l'inefficacité d'une recherche active par rapport
à une recherche passive.
- On m'a même expliqué que la loi de Murphy
précédente est inscrite dans la psychologie
féminine: une fille n'aime pas par pitié mais par
désir, en rapport avec le besoin d'être
protégée. Un homme qui ne supporte pas la solitude est
d'abord un homme inintéressant par sa tristesse, ensuite ce
n'est pas un homme solide sur qui on puisse se reposer. J'ai beau
essayer de leur expliquer que c'est mon seul problème et qu'en
dehors de ça je n'aurai pas d'autre motif de tristesse et de
chute, plus précisément que ce n'est pas une tristesse
mystérieuse sans cause attribuée à ce fait faute
d'autre explication mais que réellement mes problèmes
seraient résolus sinon, elles ne peuvent pas le croire. Au
bilan, elles préfèrent les mecs qui n'ont pas besoin
d'elles.
- D'autres tentatives de justifier le malheur de la solitude
sont essayées par les uns et par les autres,
indépendamment
de toute orientation religieuse.
La recette est simple: ceux qui subissent ce malheur cherchent les
secours et conseils éclairés de ceux qui ne le subissent
pas, espérant trouver auprès d'eux de l'aide et des
récettes qui pourraient marcher. Ces derniers, ainsi
élevés au statut de médecins, de savants et de
conseillers, devant le vertige d'une telle inégalité des
sorts des humains, ne sauraient nullement envisager de supporter la
responsabilité qu'entraînerait l'idée d'une cause
sociale dont ils seraient partie prenante. Non plus le scrupule d'un
privilège du au hasard, ou à une inégalité
des chances innée. C'est pourquoi ils cherchent des
réponses ayant une forme d'explications d'ordre individuel et
psychologique liées aux défauts de conceptions et de
choix et modes de vie de ces malheureux, rejetant donc l'entière
responsabilité de ces malheurs injustes et criants sur leurs
victimes. Ils prennent le plus souvent les symptomes du malheur et les
assimilent à des explications, des bonnes raisons pour
lesquelles ce malheur demeurera. Voici en particulier mes critiques d'un exemple de pseudo-analyse
des causes du célibat et conseils pour en sortir (disponible sur
un site pour célibataires catholiques mais n'invoquant pas la
dimension religieuse dans ce texte précis). Il est possible que
réellement le malheur du célibat renforce la
difficulté à en sortir. Il s'agirait alors d'un
véritable mécanisme murphique d'exacerbation des
inégalités sentimentales entre les hommes.
- Neale Donald Walsch a en quelque sorte
l'originalité de ne pas adhérer à la même
loi
de Murphy spirituelle que les chrétiens, mais il en avance une
autre
à la place. Il écrit de la part de Dieu : <<Si tu
crois
que Dieu regarde toutes les prières, dit "oui" aux unes, "non"
à d'autres, "oui, mais pas maintenant" aux troisièmes, tu
te trompes>>. Car, selon lui, Dieu n'intervient pas, il nous
laisse
agir suivant nos plans. Cependant, en même temps Dieu prendrait
notre
volonté sur Lui comme étant la sienne, Il ne
reconnaîtrait
comme bonne prière que les prières de louanges,
proclamation
confiantes à l'univers des bénédictions de Dieu
à
quoi l'univers répondra par la réalisation desdites
bénédictions, tandis que les prières de
requêtes ne seraient que des proclamations à l'univers
d'un besoin, d'une volonté c'est-à-dire d'un manque,
à quoi l'univers répond suivant cette proclamation, en
réalisant le manque ainsi proclamé et le prolongeant. Il
s'agirait donc là d'un nouvelle loi de Murphy spirituelle
d'exacerbation des inégalités entre les âmes,
où la chance va aux chanceux qui n'ont besoin de rien et est
ôtée à ceux
qui en auraient besoin.
... contre justice sociale
Ayant maintenant fini d'expliquer la notion de "lois de Murphy
spirituelles", nous allons voir qu'il serait possible à un
système de justice sociale de les contrecarrer. Il s'agit de
l'apport de la civilisation,
au sens que nous avons expliqué précédemment, avec
sa lutte contre la dictature du hasard.
Nous allons étudier cela une fois de plus sur le problème
des rencontres amoureuses et de son rapport avec la liberté.
Lorsque deux personnes se rencontrent, la question de savoir si c'est
pour la vie ou pas relève de leur liberté, à ce
qu'il paraît. Or la liberté étant sacrée, il
est
impensable de remettre leur choix en question, ce qui semble ainsi
constituer
un déterminisme social. Dans l'absolu ce ne serait pourtant pas
tout-à-fait exact, car il se peut que ce soit un choix par
défaut,
d'individus voyant à peu près l'avenir qui leur est
réservé
ensemble mais ne pouvant guère prévoir ce qui leur
adviendrait
dans le cas où ils se sépareraient, en sorte qu'il manque
un élément de comparaison pour que leur décision
puisse réellement être prise en connaissance de cause.
Mais,
plutôt que de marcher sur les oeufs de ce
côté-là,
nous allons voir qu'il reste d'autre part une grande marge
d'indétermination
par ailleurs sur laquelle il est possible de jouer.
D'abord, dressons le portrait de la situation actuellement en vigueur.
Chacun a au cours de la période critique sa vie où
s'effectue le choix d'un partenaire, l'occasion de rencontrer un
certain nombre de personnes appartenant à la tranche convenable
d'âge et de sexe, nombre certes grand par rapport à
l'individu mais petit par rapport à la société.
Par exemple cela peut s'élever
à quelques milliers ou dizaines de milliers. Cet ensemble est
tiré
parmi la tranche correspondante de la population du pays par exemple,
à peu près aléatoirement relativement au
problème ici posé. Dans cet ensemble donc, un partenaire
est choisi dans une majorité de cas, d'une manière
apparemment libre. Et on constate que ce libre choix qui en sort
devient solide, au sens où même si un nouvel ensemble de
rencontres est proposé à l'individu, ensemble
contenant quelqu'un qui aurait convenu si cela avait été
l'ensemble
de rencontres initial, et même quelqu'un qui aurait
été préféré s'il avait
été intégré au premier ensemble, ce choix
donc n'est généralement pas
remis en question. En partie peut-être par peur que l'un ou les
deux
partenaires retombe dans la solitude, certes aussi parce que
l'opération
d'établissement d'une relation ne permet pas normalement sans
frictions,
de par sa lourdeur liée aux propriétés et
règles
de bon fonctionnement internes des relations telles qu'elles sont
recherchées,
d'être ainsi interrompue et recommencée avec quelqu'un
d'autre.
Remarquons en passant que cette liberté de non rupture
considérée comme sacrée bénéficie
ainsi d'un respect privilégié disproportionné
relativement à la violation de liberté par la dictature
du hasard que constitue la situation d'un célibataire qui n'a pu
trouver personne de disponible dans son entourage pouvant lui convenir.
Remarquant que, pour la même raison, même s'il est possible
de développer des modes d'organisation permettant
d'accroître l'échantillon utile de personnes
rencontrées en vue du choix, notamment s'il est possible de
définir à partir de la population existente une
présélection de personnes convenables par des moyens
informatiques, les coûts liés aux entretiens individuels
nécessaires à la détermination d'un choix final
réellement convenable ne permettra le plus souvent de toute
manière que d'examiner un échantillon minoritaire des
possibilités parmi celles qui auraient été
théoriquement envisageables à partir de la population
existante. Par conséquent, le plus souvent, la
donnée de l'ordre ou de l'ensemble des entretiens ainsi
effectués même parmi une présélection
automatique librement définie par des critères
individuels, ne saurait être entièrement
déterminée de manière rigide par la liberté
de l'individu. Or, nous avons dit qu'elle représente une marge
d'indétermination initiale importante relativement au champs des
possibles du point de vue de la population prise dans sa
globalité, et joue un rôle clé dans la
détermination de la configuration finale du système.
De tout cela on peut tirer la conclusion fondamentale suivante. C'est
que, tandis qu'à défaut de moyens informatiques
adéquats, la marge d'indétermination ci-dessus
définie demeure soumise à la dictature du hasard, par
contre, dans le cas où les
moyens informatiques auraient été largement
déployés de manière publique, unifiée et
satisfaisante, elle peut
passer sous la dépendance de nouvelles règles introduites
dans les logiciels utilisés.
Dès lors, si la société dans son ensemble
s'accordait sur les modalités d'un concept de justice sociale
visant à compenser les difficultés naturelles ou
répondre aux plus
urgents besoins (dans la mesure de ce qui n'entrerait pas en conflit
avec
la liberté individuelle pour cause de véritables
défauts
d'individus qui seraient de mauvais partis), et se chargeait en
conséquence
de les traduire dans ces logiciels sous forme de subtiles règles
de priorité d'affichage des résultats de recherche, alors
je ne vois guère de loi de Murphy spirituelle en ce domaine qui
pourrait encore lui résister.
Autres textes de philosophie
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Textes suivants, qui donnent des illustrations pratiques des principes
introduits ici:
comment convertir une population.
critique d'un commentaire sur "les
pièges du célibat".
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Voir aussi l'article Wikipedia: Magical Thinking.