Comment convertir une population
(à la pratique d'une religion
ou de n'importe quoi d'autre.)
(Si vous cherchez une analyse des motifs de conversion au
christianisme,
allez plutôt voir par ici)
Attention: pour eviter tout contresens sur l'orientation generale de ce
texte et de ses objectifs, il est necessaire de le lire jusqu'au bout.
Sommaire
Principes généraux
La disco
Sortir des sentiers battus
La timidité
Remarque sur le progrès naturel de la civilisation
Principes généraux
Prenez une population que vous voulez convertir à votre religion
(ou
à n'importe quoi). Pour cela, décrétez la chose
suivante.
Les établissements d'enseignement obligatoires (secondaire et
universitaires) se diviseront en 3 categories:
- Ceux réservés aux convertis (mixtes)
- Ceux pour les hommes non-convertis
- Ceux pour les femmes non-converties.
De plus, les premiers seront implantés en chaque ville, et les
deux derniers seront implantés dans des banlieues diametralement
opposees de chaque ville, et avec des periodes de vacances qui
empêchent les hommes et femmes non-converties de se rencontrer.
Vous le décrétez en douce, en vous arrangeant pour
détourner l'attention de l'actualité sur autre chose
pendant ce temps.
L'effet se comprend facilement: les gens ayant besoin de trouver
partenaires mais considérant cela comme une affaire purement
privée dont on n'oserait pas parler aux autres, suivant donc
naturellement les méthodes de bidouille individuelle comme cela
s'est toujours pratiqué, seront
tentés de se convertir pour etre admis dans les
établissement mixtes. S'ils ne le font pas mais tentent pendant
les périodes de vacances d'aller draguer en ville, ils
trouveront des
convertis, lesquels n'ayant pas de problèmes pour faire des
rencontres parmi les convertis, n'auront aucune raison de faire
l'effort
d'adapter leur mode de vie à celui d'un partenaire non-converti.
Ils poseront donc naturellement comme condition évidente et
naturelle
à la relation, le fait d'adopter la pratique des convertis, ce
qui
donc détruit toute vélléité de
résistance
de ces malheureux à la conversion.
S'il reste des réfractaires, leurs désirs amoureux
insatisfaits et condamnés à se porter la plupart du temps
vers
des gens qui ne veulent pas d'eux, leur attirera une sale
réputation de gens frustrés et pervers. Ainsi sera faite
publiquement la demonstration de la vertu
de cette pratique, tant comme source de bonheur que de vertu.
Quant aux quelques-uns qui restent, se trouvant par là
condamnés au célibat, ne pourront se reproduire et donc
disparaîtront en grande partie de la génération
suivante.
A la génération suivante donc, alors que la
méthode initiale ci-dessus risquerait quand même de
s'exposer aux protestations de certains, la situation minoritaire des
non-convertis vous permet à présent de passer à la
méthode suivante encore plus machiavélique, visant
à
prolonger le même effet mais d'une manière
cette fois-ci à l'abri de tout soupçon.
Vous mixez à nouveau la population en une masse homogène
que
vous redivisez en petits groupes locaux (classes, ecoles) de
manière
aléatoire mais contraignante, suivant une méthode
publiquement
objective de tirage au sort duquel nul ne pourra dévier ni
aménager
quelque marge de liberté ou décision volontaire de qui
que
ce soit.
Alors, les non-convertis étant minoritaires se retrouvent dans
chaque groupe comme des individus isolés n'ayant la plupart du
temps comme possibles partenaires à disposition que des
convertis qui,
là encore, etant entourés de convertis n'ont aucune
raison
de remettre en question leurs coutumes pour un éventuel
partenaire
non-converti. Ce qui redonne bien en partie la situation
précédente, et encore plus si pour une raison quelconque
les relations entre personnes de religion différente sont plus
difficiles à établir qu'entre personnes de même
religion.
Si cela ne suffit pas, vous pouvez toujours forcer l'intégration
en instaurant la démocratie dans chaque groupe permettant
à ses membres de voter pour décider à la
majorité quelles coutumes communes ils respecteront. Mais vous
n'en avez même pas
besoin en fait, il vous suffit de laisser s'exercer la loi du
marché
de maniere locale, en maintenant la contrainte d'indivisibilité
de
chaque groupe, sur la question de l'organisation des activites de
groupe
en lien avec ces coutumes.
Ainsi s'imposera de facto cette religion à tous.
Que dites-vous donc de cette méthode ? Jamais vu ça ?
Délire fantaisiste ? Inapplicable ? Certes la méthode
numéro 1 décrite plus haut ne s'est jamais vue, du moins
apparemment pas sous cette forme, mais... attendez un peu.
Quant à la méthode numero 2, vous constaterez que ses
moyens sont "laïcs", faisant l'économie de la mention de la
religion en question, et dans son contenu ne diffère en rien de
l'état actuel du système de collèges et
lycées
publics. Et donc la question n'est pas de savoir comment l'introduire,
mais
plutot comment en sortir, si jamais encore quelqu'un ait le malheur de
vouloir en sortir envers et contre tous les principes
égalitaristes
de la Republique.
Bon allez, assez plaisanté me direz-vous, car même si la
méthode numero 2 ci-dessus décrite est bel et bien en
vigueur, il n'y a pas de religion dominante actuellement imposée
ou potentiellement imposable par de telles méthodes.
Bon d'accord; venons-en aux réalités du monde
d'aujourd'hui.
Comment savoir si la situation est comparable, au juste ?
Un petit indicateur; au hasard : le taux de célibat. Euh, on
constate qu'à notre époque il est élevé, et
en hausse.
Hum... mais ne nous effrayons pas pour si peu, essayons d'examiner
concrètement les causes.
Bon, je ne sais pas concrètement quelles sont les causes pour
les autres, mais je vais parler pour mon cas. En fait il y a plusieurs
causes.
La disco
Au hasard; voyons: quand je parle de mon problème autour de moi,
parmi les réactions d'incompréhensions il y a par exemple
celle-ci qui revient souvent: "Ben voyons, pour rencontrer des filles
c'est facile, tu devrais aller à la disco !"
A cela je repondrais: euh, vous n'avez pas bien compris la question. Je
cherche plutot une fille du genre qui n'aime pas la disco ! Où
est-ce que je peux en rencontrer, alors ?
C'est alors qu'on commence à me regarder de travers. Je ne suis
pas normal. Tout le monde aime la disco. La disco c'est super, on
s'éclate,
c'est là qu'on fait des rencontres. Quelle idée de
vouloir
faire des rencontres en dehors de ça, franchement ? C'est de ma
faute,
je n'ai qu'à aimer la disco comme tout le monde. On
m'assène
des leçons de morale: "Il faut s'ouvrir un peu, à des
genres
qu'on n'aime pas forcément".
Non mais, est-ce que je force les gens à adopter les mêmes
gouts que moi, et à s'ouvrir à la chorale, la danse
classique
(que je ne pratique pas mais j'aurais pu m'y intéresser si
j'avais
eu l'occasion), les mathématiques, la physique ou la
pensée
economique libérale par exemple ? Non bien sûr, et
même
si je le voulais je ne le pourrais pas.
Pourquoi je devrais me plier aux gouts des autres, alors ?
On me demande: Pourquoi tu n'aimes pas cette musique ?
(comme si les goûts pouvaient se discuter. On m'assène:
c'est
de la bonne musique...)
Ne vois-tu pas les gens qui s'amusent (ou: qui s'éclatent) ?
Ne trouves-tu pas ça bien (ou qu'en penses-tu) ?
Ben, si vous voulez tout savoir... je les trouve abrutis, sous
l'emprise
de ce boucan affreux, violent et débilisant. En tout cas je ne
vois pas le rapport avec l'amour comme tant de gens semblent faire.
Je pense que c'est un des pires contextes concevables pour faire
connaissance
avec quelqu'un car:
- On ne se voit pas (obscurité, éclairage coloré
chaotique)
- On ne s'entend pas, on ne peut donc pas raconter sa vie
- On n'est pas concentré pour s'intéresser à
l'autre
- Ce qui se passe est soumis au rythme arbitraire des morceaux qui
passent
- Quand on essaie de se mêler aux autres on se prend des gens
dans la gueule toutes les minutes de manière imprévisible.
Résultat, quand j'y suis malgré tout, j'en arrive parfois
à
me demander qu'est-ce que je suis venu fiche au milieu de cette horde
de
zoulous.
Assez philosophé sur les gouts, remontons aux causes.
Il est trop facile en effet pour la masse de s'excuser par le fait que
de toute façon c'est la majorité qui aime ça, ils
n'en font pas exprès d'être les plus nombreux et donc quoi
qu'on dise il n'y à rien a y faire qu'à les supporter.
Quelle
drôle d'idée de vouloir s'opposer au courant des
goûts de
tout le monde.
On peut se demander en effet, comment j'ai fait pour y résister.
A vrai
dire, ce n'était pas une mince affaire.
Remontons donc au commencement, à la manière dont mes
goûts se sont formés pendant mon enfance.
Je dois avouer que mon entourage familial de style classique y est
probablement pour quelque chose, même s'il doit aussi y avoir
un
facteur inné. Cependant, cette inflence ne pesa qu'un poids
relativement limité relativement à l'influence de la
société ambiante. En effet, j'avais beau essayer de
suivre mes goûts et refuser tant que possible ce que je
détestais, le contexte social me força malgré moi
à subir très souvent l'agression de ce
vacarme.
Violente par nature, cette "musique" exerce sa violence en employant
ses adeptes à l'imposer aux autres par tous les moyens. Par le
moyen des décibels par exemple, ou en amenant ses adeptes
à s'agresser eux-mêmes leurs oreilles jusqu'à
parfois
devenir à moitié
sourds et a donc vouloir encore augmenter les décibels pour
compenser,
elle s'impose ainsi aux oreilles de quiconque serait à
proximité.
Par le comportement aussi, où l'enthousiasme excessif des
adeptes
les oblige à tenter violemment en quelque sorte de partager leur
enthousiasme
aux autres avec l'aplomb terrible de qui est totalement persuadé
de leur apporter ainsi le bien. Par cette violence de leur
incomprehension
envers qui ne partagerait pas les mêmes gouts qu'eux. Violence
aussi
à ne pas vouloir s'arrêter et respecter quelques instants
de
silence.
J'ai subi cette violence un peu partout au cours de mon enfance et mon
adolescence. A la
maison en ouvrant la
télévision ou la radio. En sortant, à chaque fois
que je faisais un pas: dans
les cars de voyage, dans certains magasins ou restaurants, les
autoradios
dans les voitures. Je dirais même que ça m'a pas mal
traumatisé.
Et avec ça on me reproche de m'être enfermé, de
n'avoir pas essayé d'écouter ces horreurs pour savoir si
ça me plaisait ou pas. On m'explique: c'est normal de ne pas
aimer
la première fois. Pour savoir vraiment si on aime une musique il
faut l'avoir écouté des centaines de fois. Seulement
alors
j'aurai une chance d'arriver à m'"ouvrir".
Mais... serait-ce donc vraiment obligatoire de ... s'"ouvrir" ? Et si
j'ai pas envie d'essayer, comment je fais ?
Il n'y a donc que ça dans la vie qui puisse me donner le droit
de me qualifier d'"ouvert" ? Le monde est-il vraiment si étroit
et
monotone qu'il n'a rien d'autre que ça à proposer pour
pouvoir
s'"ouvir" ? On n'aurait donc pas le droit d'essayer de s'ouvrir
à autre chose à la place ? Je ne sais pas moi, par
exemple la musique baroque, la nature, la montagne, le folklore, la
physique, la philosophie ou la pensée économique ?
J'avoue, qu'à ma resistance il y a eu des moments d'exception.
Par exemple la période où je me suis laissé
entraîner par la musique de Jean-Michel Jarre. Si ça
semble parfois facinant, c'est aussi un risque de déraper de
l'autre côté, je
m'en suis aperçu quand, en enregistrant des morceaux qui me
plaisaient
dont certains de lui et d'autres classiques et en les
réécoutant
à la suite, j'ai pu voir le contraste et constater le
décallage
des manières d'être que cela suppose.
Aussi, il y eut une fois, à une fin d'année scolaire au
collège où toute la classe devait faire la fête en
amenant les morceaux de musique qui nous plaisaient, j'ai amené
ma cassette de musique classique. Bien sûr je n'ai pas eu le
droit
de la passer au début, j'ai dû supporter des horreurs
peut-être
une heure ou deux, au début je détestais, après je
m'y
faisais et à la fin je commençais à y prendre
goût,
c'est
alors que j'eus enfin droit à passer ma cassette. Hein, c'est
quoi ça ? C'est complètement nul ! Il doit y avoir une
erreur...
Je ne reconnaissais pas ma musique qui me plaisait tant.
Je venais de me faire laver le cerveau, j'avais perdu tout mon sens
musical.
Fumer
Comment faire des rencontres quand on ne supporte pas la fumee et qu'on
a donc une forte preference envers les gens qui ne fument pas, dans une
societe ou la majorite des gens fument, et que la plupart des lieux
publics sont fumeurs...
On nous rabat les oreilles en disant que l'amour c'est savoir s'adapter
a l'autre, le prendre comme il est. Exigence de tolerance a sens
unique: les fumeurs, eux, majoritaires et ayant le monde pour eux,
n'ont pas a s'adapter aux non-fumeurs (ouf, la situation commence a
changer, ce n'est pas trop tot !). Or, vouloir que les non-fumeurs
s'adaptent a la fumee plutot que le contraire, c'est institutionnaliser
le vice. Vivement le droit de vivre en rencontrant plein de, et
uniquement, des non-fumeurs, pour donner equitablement aux non-fumeurs
autant de chances de bonnes rencontres que celles dont beneficient les
fumeurs !!!!
Sortir des sentiers battus
Assez parlé de musique, voyons d'autres aspects. Il y a bien
d'autres originalités possibles qu'on puisse avoir, aboutissant
à l'isolement. Tout domaine approfondi de la connaissance ou de
la culture, en fait, de par son caractère
spécialisé,
entraîne un isolement des centres d'intérêt par
rapport
aux autres. Comme une caricature présentait, il n'y a
d'universel
en l'homme que ses caractères les plus bestiaux, ou encore les
modes
et autres mouvements grégaires.
Pour pouvoir cultiver l'originalité et la
créativité humaines, je pense nécessaire de
développer une souplesse
et une mobilité de la société à l'encontre
du
pot commun "républicain" découpé d'office que le
système scolaire prétend imposer, permettant les
rencontres d'individus d'horizons géographiques divers ayant des
intérêts communs.
La timidité
Mais parmi les caractères il y en a encore un sur lequel je
voudrais particulièrement attirer l'attention: la
timidité. On entend souvent dire que la timidité est un
défaut, en sorte que
ceux qui sont timides s'en trouvent par là en quelque sorte
culpabilisés de ce qu'ils sont, formant un cercle vicieux.
C'est un défaut dont celui qui l'a est victime; cela peut
l'empêcher de réaliser des rencontres. A l'occasion, on
exhorte les timides
à sortir de leur timidité et à se forcer à
s'ouvrir
aux autres en général et aux activités, car ce
n'est
qu'ainsi, semble-t-il qu'ils pourront rencontrer l'âme soeur.
Or, il y a plus précisément un phénomène
dont je ne me suis rendu compte (qu'on m'a expliqué) que
relativement récemment: c'est que la timidité n'est pas
vraiment un handicap pour une fille pour faire des rencontres, car il
pourra toujours y avoir des garçons pour l'aborder. Par contre,
quand un garçon est timide, il risque beaucoup plus de rester
seul parce que ce n'est pas une pratique aussi normale pour une fille
d'aller aborder un garçon (à ce que j'ai entendu dire).
Mais revenons à l'argumentation. Il y a sous cette exhortation
deux
idées:
D'une part, l'opinion des extravertis qui
réussissent leur vie, qui estiment bon d'être extravertis
et qui exhortent dont les timides ou introvertis à s'ouvrir,
suivant une approche du genre que c'est ça "avoir la forme".
Idée en soi pas mauvaise,
mais souffrant à mon sens d'un manque d'attention envers le fond
du problème.
D'autre part, une vulgaire discussion stratégique sur les moyens
matériels les plus efficaces de parvenir en ce monde cruel
à décrocher un but qui n'a d'autre rapport avec ses
moyens que cette relation de causalité, le but cru de
défendre son bout de gras au mépris de toute autre
considération.
Les extravertis donc, qu'ils le soient de façon innée
ou acquise, ont tendance à dire, que puisqu'ils sont
extravertis,
tout le monde peut l'être, et que ceux qui ne le sont pas, c'est
parce qu'ils ont décidé de se renfermer sur soi.
Ils se disent: les choses sont bien foutues, parce que le
problème des rencontres amoureuses est l'occasion de prouver aux
timides que c'est bien de faire l'effort de sortir de leur
timidité. Ainsi, ce problème est une bonne épreuve
qui les amène à se guérir de leur timidité,
et ceux qui ne s'en sortent pas, c'est qu'ils
ne le veulent pas.
Alors ils disent aux timides: sortez de votre timidité,
ouvrez-vous ! Parce que de toute façon c'est une bonne chose.
Vous devez le faire. C'est la
morale du destin, la vertu des choses telles qu'elles sont. Le monde
est parfait, à chacun de le comprendre et de s'y conformer.
Mais le problème, le voilà: ceux qui disent cela ont la
parole facile et assurée, croyant dans leur
superficialité savoir de quoi ils parlent, tandis que ceux
à qui ils s'adressent, étant timides justement, ont bien
du mal à exprimer la réalité de leur
difficulté. Il leur est bien difficile de contredire ceux qui
leur parlent avec assurance.
Encore moins étant donné le fait qu'ils ont un
problème et que ceux qui leur parlent n'ont pas ce
problème mais présentent une solution.
Alors, certes il peut y avoir des cas où cela marche, mais il
n'y a à cela aucune garantie. Il est facile alors de dire sur
ceux pour qui ça n'a pas marché, qu'ils ne l'ont pas
voulu. Le problème, indiscible, est réprimé.
Mais on peut aussi présenter le problème en sens
contraire: si quelqu'un est timide, c'est parce que le monde
extérieur lui
est ou semble hostile; une relation amoureuse peut alors être un
bon moyen de ne pas rester
enfermé sur soi, une occasion de comprendre quelqu'un d'autre,
de s'ouvrir, d'apprendre à vivre en tenant compte d'autrui. Par
conséquent, ne pas
donner aux timides des moyens de relations amoureuses avant qu'ils ne
s'ouvrent aux relations sociales, peut s'avérer dans la
réalité, contrairement à certains supposés,
non pas une bonne incitation à s'ouvrir mais au contraire une
condamnation à la solitude et à l'enfermement.
J'ajouterais à cela un sentiment personnel: j'ai eu le
pressentiment, sans en avoir eu l'expérience certes, qu'une
relation amoureuse
alors même qu'on est encore timide, ça pouvait avoir un
charme
particulier...
Une fois j'ai discuté avec un homme très spirituel
(versé dans la philosophie hindouiste), pour lui expliquer la
nécessité, à mon sens, de fournir des moyens
matériels (informatiques) spéciaux pour aider les timides
à faire des rencontres, tandis que lui voulait aborder le
problème en disant que la timidité est une sorte de
maladie
qu'il faudrait guérir pour que les timides puissent faire des
rencontres. Il présentait la timidité comme étant
la
"cause profonde" spirituelle des difficultés à faire des
rencontres, qu'il fallait régler d'abord. Ma réponse est
donc que ne pas fournir les moyens informatiques aux timides pour faire
des rencontres, c'est ni plus ni moins dénier le droit aux
timides à faire des rencontres, non les aider d'une moindre
manière. Quant au coup de la "cause profonde", autant regarder
le manque d'entraînement à l'escalade des bananiers, comme
étant la "cause profonde" d'une privation de bananes. Et puis
aussi, pendant qu'on y est, considérer que la cause profonde de
la famine est l'incapacité ou le scupule de piller les biens du
voisin. En effet, qu'est-ce qu'épouser une jolie femme comme on
en a besoin (si on a le même goût que d'autres...), si ce
n'est priver quelqu'un d'autre de l'opportunité de
l'épouser lui-même ?
Si l'homme a inventé la science et la civilisation, c'est bien
pour échapper à la dépendance (l'esclavage)
vis-a-vis de toutes les barbaries de "causes profondes" à la
gomme, en organisant les occasions permettant
aux gens de se spécialiser dans leurs meilleures facultés
pour se
rendre utiles à la société, et en obtenir en
retour les facilités
nécessaires pour satisfaire des besoins légitimes
particuliers qu'ils
n'ont pas autant que d'autres la faculté de satisfaire par leurs
propres efforts et ingéniosités. Ainsi en
réalité
il s'agit d'un problème circonstanciel, comparable à une
discrimination certes involontaire de la société, qui
n'accorde pas à chacun des occasions
matérielles de rencontre équitablement adaptées
à tous les tempéraments. Autrement dit, prétendre
situer "la cause profonde" du problème dans la psychologie de sa
victime qu'il faudrait "guérir", alors qu'en
réalité
elle se trouve dans des circonstances extérieures et
technologiques induisant une sorte de manque de partage, une
discrimination sociale (involontaire
et inconsciente), voilà une attitude qui manifeste la
plus grossière ignorance des causes profondes des choses
justement, tout en contribuant à rabaisser moralement la
victime qu'elle prétend aider !
La morale
Pour analyser plus précisément la source de la
timidité, on peut la voir comme étant fondée sur
la morale, la crainte de faire un faux mouvement. Cette crainte est
d'abord fonction de ce qu'on croit soi-même être un faux
mouvement, mais en étant influencé par ce que les autres
regardent comme étant des faux mouvements. Or, qu'est-ce que le
monde condamne ? Quand on regarde les informations et autres choses, on
peut retenir que la principale faute que dénonce la
société en matière d'amour ce sont toutes ces
histoires de viols et de harcellements sexuels. Or ces crimes trouvent
leur source dans les désirs naturels, et le risque de confondre
ces crimes avec ces désirs n'est pas loin. De plus, cette
désinformation quelque peu éloignée se retrouve
sous d'autres formes moins extrêmes mais bien plus
concrètes, dans la vie de tous les jours: les désirs
naturels ne peuvent guère s'exprimer sans quelque risque de
scandale ou autre moquerie. La littérature romantique et autres
films de cinéma qui flattent les désirs naturels, sont
bien trop sagement réservés au monde de la fiction pour
contrebalancer ce fait en pratique. Les désirs sont vus comme
bons dans les rêves mais mauvais dans la réalité.
Le discernement pratique de
ce qui est moral de ce
qui ne l'est pas est loin d'être une évidence, surtout
pour de jeunes esprits timides. Certes, au-delà des voeux pieux
et autres bons discours, il est bien difficile de donner une
réalité pratique au droit à l'amour. Pour qu'il y
ait une solution pratique il faudrait d'abord arrêter
de faire toute cette fiction parasite et, d'une part chercher à
mettre
réellement les problèmes cartes sur table par des forums
web anonymes
par exemple, d'autre part instaurer ouvertement, par des associations
à but non lucratif et ouvertes à toute initiative
individuelle, des réseaux de clubs et sites web de
rencontres. Remplacer la fiction par la pratique, voilà le
problème. D'abord parce qu'il est très difficile
d'inventer une méthode qui soit réellement pratique et
non en fait une nouvelle fiction comme on trouve partout, dont la
prétention à promouvoir
l'amour ne sert en réalité qu'à donner bonne
conscience aux privilégiés en faisant se sentir cons ceux
qui ont moins de chances ou se débrouillent moins bien que les
autres, les soumettant ainsi à un supplice de Tantale
supplémentaire. Ensuite, si on y arrivait,
beaucoup de gens en seraient très gênés, parce que
d'une part cela semble à première vue contre-nature,
d'autre part cela les forcerait à prendre leurs
responsabilités au lieu de continuer à dire n'importe
quoi. Voyons, la fiction c'est beaucoup plus sexy que les solutions
pratiques, ça permet de se disculper à peu de frais en
faisant innocemment de jolies promesses de rêve à tout le
monde...
Pour paraphraser la maxime "Si la vie privée est hors la loi,
seuls les hors-la-loi auront une vie privée" (Phil Zimmermann),
je dirais: lorsque l'amour est vu
comme immoral, seuls les immoraux se sentent libres d'en
profiter.
De fait, il arrive souvent que là où ce problème
ne se pose pas, c'est qu'il est pris avec sans-gène et
dérision, suivant le mode du chacun pour soi, d'une
manière que ne motive aucune considération de recherche
sérieuse du bien, de la justice et de la morale. En ajoutant
à cela une dictature sans merci du hasard glorifiée comme
un jeu ou comme l'expression de la volonté de Dieu, un
renforcement de l'idée que l'amour n'est pas un truc
sérieux pour gens purs et idéalistes mais plutôt un
truc de gens sans scrupules, voire
pervers. Si en plus s'ajoute l'idéalisme d'espérer
l'occasion parfaite, et qu'on attend pieusement le passages des
années que le plan de Dieu s'accomplisse au lieu de se
mêler à ces jeux idiots, on se retrouve en se
réveillant aux nécessités de la vie, finalement
isolé dans sa solitude, dans une tranche d'âge où
les meilleurs partis sont déjà pris.
Remarque sur le progrès naturel de la civilisation
Que dire de la distinction entre situation
"naturelle" dont personne n'est responsable, et situation
artificiellement et politiquement provoquée.
Pour moi cette distinction n'a pas de sens, et voici pourquoi.
J'en tiens l'argument du souvenir d'un certain cours de philosophie de
lycée qui n'avait apparemment rien à voir, où
était discutée la question de la définition de
l'homme "naturel" considéré séparément des
influences et déterminations sociales et culturelles. La
réponse était que cela n'a pas de sens, car la nature de
l'homme est d'avoir et de transmettre une culture justement; qu'une
caractéristique de l'homme est de vivre non dans un
environnement mais dans un monde, dans une société
civilisée. Je compléterais ce que j'ai entendu là
en remarquant, que, précisément, il n'y a rien de plus
anti-naturel pour l'homme que de vivre à la merci des
aléas climatiques causes de famines et des pillages (comme il a
presque toujours vécu en fait), qu'il est anti-naturel
d'être
dans le besoin et de n'avoir que la pratique du pillage à
portée de main pour s'en sortir, et qu'il est encore plus
anti-naturel de se faire piller. Ce n'est pas parce que ça s'est
si souvent pratiqué pendant des millénaires au
point de se résigner à penser que ce sera toujours comme
ça, que c'est pour autant une
chose naturelle, inévitable ou bonne encore moins.
L'humanité a évolué, encore plus rapidement depuis
des siècles en particulier, aménageant progressivement de
nouveaux aspects de son environnement ou de sa propre organisation
sociale qui avaient toujours été considérés
comme naturels jusque-là.
Si un effort supplémentaire d'organisation sociale
et d'aménagement d'autres domaines de la vie est
nécessaire pour que cesse encore une autre barbarie
destructrice, alors la
résignation à ne pas faire cet effort, sous
prétexte
qu'on ne sait pas comment faire, revient à bloquer
l'évolution de l'humanité au stade où elle est
maintenant. Ce serait une décision parmi les plus
absurdes, arbitraires et machiavéliques qui soient,
cachée sous un masque
d'hypocrisie.
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