Il ne s'agit pas de révéler toute nue la nature profonde des choses mais d'énoncer quelques relations simplement énonçables et claires entre les natures de quelques éléments qui nous concernent particulièrement ici-bas.
Il ne s'agit ni de prétendre à l'originalité pas plus qu'à la conformité à une théorie existante puisque je ne cherche pas à travailler aux comparaisons. Je suppose que bien des choses ont déjà été dites auparavant, de façon plus ou moins explicite par les uns ou les autres, mon but principal ici étant de rassembler en un exposé succinct les notions essentielles - mais il est aussi possible que le contenu soit en partie nouveau. C'est donc un exposé réduit aux notions élémentaires, qui me semble suffisamment général et minimal, pour pouvoir être vu comme dénominateur commun à de nombreuses sensibilités spiritualistes ou théologiques, meme si celles-ci ne sont pas forcement entrees dans certaines des precisions apportees ici. Contrairement à ce qui intéresse la plupart d'entre elles cependant, le présent exposé ne sera pas orienté vers une sorte de description des choses spirituelles qui constituent pourtant l'"essentiel" comme on le verra, mais sur l'énoncé de la place de la rationnalité et de l'univers matériel. Au-delà de la simple expression d'une déformation professionnelle, je défendrais cette approche suivant le double intérêt de tenter d'expliquer aux athées qui n'en auraient pas déjà connaissance la nature des concepts à l'origine du désaccord, et, sans pour autant faire l'impasse sur les quelques principales notions, de donner à cet exposé une concision, une précision conceptuelle et une minimisation des hypothèses théologiques sous-jacentes, hypothèses que bien que pouvant être perçues par beaucoup comme les plus intéressantes, je trouve souvent risquées et potentiellement restrictives, voire au bord du réductionnisme, ne serait-ce que par le fait de vouloir ainsi discourir d'éléments fondamentalement non rationalisables par des moyens humains et donc inévitablement plus ou moins rationnels.
Il s'agit donc d'une présentation personnelle d'un sujet classique. Voir aussi une remarque que j'ai fait ici sur la "compatibilité" entre deux présentations de ce qui est finalement à peu près équivalent. D'autre part, j'ajouterais une distinction à faire entre deux dualités principales a mon sens (même si elles sont parfois corrélées) : d'une part, une dualité "horizontale", raison/coeur, matière/esprit développée ci-dessous; d'autre part, une dualité "verticale": (Dieu / néant), (état unifié / état éclaté) de l'être, (connaissance / ignorance), (absolu / contingent), (transcendance / immanence) et même (paradis / monde terrestre). La dualité horizontale étant plutôt une différence de nature tandis que la dualité verticale est une différence de situation, de stade d'évolution ou de point de vue sur une même réalité.
Il ne s'agit pas de prétendre démontrer ce que
j'avance, simplement de l'énoncer autant que possible comme je
le pense avec quelques principaux arguments qui vont avec (ou, si on
préfère le dire ainsi, les diverses imbrications entre
les différents aspects) (sauf que la nature
inévitablement
rationnelle des moyens d'exposés de ces concepts de non
rationalité, oblige parfois à les rédiger à
l'envers par rapport à ce qu'ils seraient en soi),
appuyés logiquement sur quelques postulats qui me semblent un
peu plus directement clairs et évidents que le reste et dont je
pense qu'ils peuvent aider à la compréhension, de sorte
que le tout ressemble à une démonstration.
Bien évidemment chacun demeure libre d'accepter aussi ces
postulats comme évidents ou de les rejeter. Seulement, comme
tout problème, il y a deux niveaux de discussion à
distinguer: le premier niveau est celui des définitions (la
question de quel est exactement l'objet des questions posées);
le deuxième niveau est celui des démonstrations. Or il me
semble que malheureusement tant de débats sur ce sujet sont
faussés d'avance par le fait qu'il se concentre sur la question
d'argumenter pour ou contre des positions incorrectement
énoncées. Notamment, un certain argument
matérialiste d'un grand physicien, présenté comme
preuve immédiate et définitive, consistait à dire
que s'il y avait un esprit distinct du corps, il devrait lui-même
obéir à d'autres lois physiques de sorte que cela ne
ferait finalement aucune différence avec le matérialisme.
Eh bien non. L'énoncé de métaphysique ci-dessous
devrait en effet suffire à réfuter la validité de
cet argument, dans la mesure où il montrera qu'il est possible
de concevoir autre chose. Et ce sera déjà, à mon
avis, un grand pas.
Définition: Nous appellerons "Monde inerte" la totalité des objets, concepts et théories mathématiques en eux-mêmes.
(Oui bon il n'y a pas d'ensembles de tous les ensembles mais enfin ne chipotons pas)
Conséquence: tout concept rationnellement définissable ou descriptible, étant de ce fait réductible à une structure mathématique, appartient au monde inerte.
Note: ne pas confondre le mot "vie" ici employé avec l'objet d'étude de la biologie, laquelle s'intéresse au corps tandis qu'il s'agit ici de l'âme.
Le caractère vivant n'est pas le fruit de l'assemblage d'un ensemble d'éléments inertes (mathématiques) à partir d'un certain degré de complexité. Il n'est ni simple, ni complexe, ni d'une complexité extraordinaire dépassant notre entendement, ni relevant d'un type de complexité particulier. Rien de tout cela. Cela n'a rien à voir.
En fait, tandis que le monde inerte est une partie stricte du tout (partie stricte= moindre que le tout), le monde vivant n'est pas vraiment distinguable de ce tout; cela est indescriptible justement, mais il ne serait pas strictement faux de confondre le monde vivant avec le tout. Ainsi, on peut dire en quelque sorte que le monde vivant englobe le monde inerte mais lui échappe. En effet, le monde vivant comporte de nombreux aspects analysables, i.e. approximables par des concepts et systèmes rationnels (inclus dans le monde inerte). Cependant on parlera du monde vivant par commodité pour décrire plus loins certains éléments de son comportement qui nous concernent. On peut tout de même, à ce qu'il semble, en donner un caractère distinctif que voici: pour reprendre l'expression de Lanza del Vasto qui appelait "monde intérieur" la vie et "monde extérieur" le monde inerte (ce ne sont que d'autres étiquettes): "toutes les parties du monde extérieur sont extérieures les unes aux autres" (chaque constituant est élémentaire et indépendant du reste même s'il peut y avoir de nombreuses structures qui les relient; le point est que ces structures sont elles-mêmes "élémentaires" et relient, par l'extérieur, des objets qui n'ont pas d'intérieur), tandis que "toutes les parties du monde intérieur sont intérieures les unes aux autres".
Ainsi chaque âme reflète le tout, ou comme on dit, est à l'image de Dieu (personnellement j'étendrais cette propriété aux âmes des animaux, mais s'il vous plaît ne me demandez pas où se trouve la limite parmi les espèces vivantes).
En particulier, elle reflète la distinction entre monde inerte et monde vivant, sous forme de la distinction familière entre domaines scientifiques et littéraires, entre la raison et les sentiments. Ainsi peut-on appeler le monde inerte "la raison de Dieu".
Ce qu'il est possible d'appréhender rationnellement se réduit donc au monde inerte et à tout aspect ou relation entre aspects particuliers de la vie qui soit réductible, de par une quelconque approximation qui permette le cas échéant d'en négliger la nature profonde véritable, laquelle est indissociable du Tout.
Le monde inerte en lui-même est immuable: il ne s'y passe rien, il ne s'y est jamais rien passé et il ne pourra jamais rien s'y passer, à cause de sa nature qui ne peut pas inclure la propriété de variabilité, parce que la notion de temps vivant lui est étrangère (même s'il peut avoir sa propre notion de temps :voir fondements des mathématiques; mais c'est un temps des mathématiques et non un temps de la conscience). Le monde inerte ne peut avoir conscience de lui-même, parce que la conscience relève du monde vivant. Il peut seulement être exploré (observé) par la vie.
Dieu a fait un choix (non nécessairement exclusif) d'une forme, un point de vue, un type de perception, une structure particulière sur le monde inerte, suivant laquelle il fut donné à la vie une possibilité de l'explorer. Cette structure s'appelle "les lois de la physique".
On nomme "Univers physique" la trajectoire de la visite dans le monde inerte que la vie effectue par ce moyen.
Ainsi, la nature de l'univers en général ou d'un objet physique en particulier est une nature qui réside dans le monde inerte, c'est donc une nature mathématique. Par contre, pour un objet physique, la propriété d'exister réellement (propriété d'appartenance à cette trajectoire de visite) n'est pas une propriété qui réside dans le monde inerte, car la vie n'affecte nullement sur son passage le monde inerte, qui demeure immuable. La distinction entre un univers qui existe et un autre qui n'existe pas n'est pas une distinction qui réside dans ces univers eux-mêmes, car tous existent en tant qu'objets mathématiques. La propriété d'existence "réelle" d'un objet matériel ou d'un univers physique est une propriété (qu'on pourrait qualifier de temporelle, contingente, "locale", ou plus précisément "subjective" même si ce lieu ou le sujet de cette subjectivité s'étend à l'ensemble des être vivants de l'univers...) de la vie qui choisit de l'explorer, de le percevoir ou d'en percevoir ses effets indirects; et c'est une propriété de cette perception, qui existe par elle et qui n'existe pas autrement. Il s'agit de la perception par la Vie qui englobe au moins l'ensemble des êtres vivants de l'univers, car, comme nous l'avons dit, toutes les parties du monde vivant sont intérieures les unes aux autres, et sont indissociables les unes des autres.
Ainsi, la "réduction du paquet d'onde" en physique quantique n'est pas un phénomène qui concerne les objets physiques en eux-mêmes mais un phénomène existentiel, un pas de la visite, une opération qui ne s'exerce que sur la propriété d'exister réellement, des objets (ou univers) physiques. De ce fait, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elle ne soit pas rationnellement descriptible.
D'ailleurs, un raisonnement ne peut, de par la nature de ce qu'est un raisonnement, appréhender finement que le monde inerte et non la vie. Par conséquent, de même que nous avons essentiellement défini la vie par ce qu'elle n'est pas, le meilleur moyen dont on dispose pour prouver que le monde inerte (des objets rationnalisables) n'est pas tout et ne contient pas la vie ni le fond de l'existence du monde, est de raisonner par l'absurde, en supposant que tout n'est que matière ou systèmes rationalisables, et en recherchant les conflits des conséquences d'une telle hypothèse avec notre sentiment d'exister. Sauf que, le sentiment d'exister dans son aspect présent et personnel, de par son caractère indivisible, ne se prête guère à l'analyse pour le comparer aux conséquences de ce que le monde inerte seul pourrait engendrer, c'est pourquoi l'analyse comparative portera sur les propriétés d'extension de ce sentiment aux dimensions du temps et l'inter-personnalité.
Puisqu'il est établi que le lois de la physique sont en bonne approximation des lois mathématiques, et par conséquent seraient susceptibles d'engendrer des comportements de même style que l'application exacte de telles lois, on peut approximer l'hypothèse matérialiste usuelle par l'hypothèse que le comportement de la vie et de la conscience est semblable à un pur effet de l'application de telles lois. Et donc, faire rentrer le monde dans le schéma ci-dessus à la différence près que tout serait contenu dans le monde inerte.
Alors, posons la question: ai-je une preuve du fait que je n'ai pas été fabriqué de toutes pièces il y a 5 minutes avec une mémoire entièrement fabiquée à l'aide de micro-robots ? Ou plus particulièrement, que tel ou tel souvenir proche, clair et évident que je peux avoir est un souvenir d'évènement que j'ai réellement vécu conformément à ces éléments dont je me souviens, ou cela pourrait-il n'être encore qu'une machination opérée par un mécanisme ou des expérimentateurs distincts de moi ? Qu'une telle machination soit techniquement difficile n'a rien à voir avec le problème, puisque je n'ai pas la science infuse au sujet des lois de la physique et de la forme des neurones dont je dépends et je ne peux donc pas savoir si ce serait techniquement difficile ou pas, si ce n'est... en me fiant aux connaissances qu'on m'a enseignées à ce sujet et qui reposent dans ma mémoire. Il y a de toute façon dans les lois de la physique de nombreux cas exceptionnels, radioactivité, faisceaux de diverses particules, qui défient le mode de fonctionnement normal des neurones et échappent normalement à la perception consciente.
Alors donc, si la mémoire était un objet physique ou même seulement un système analysable, alors on (un extraterrestre ou extra-univers doué d'une puissance supérieure) pourrait concevoir et composer les dispositions nécessaires qu'il suffirait de fabriquer pour obtenir un individu ayant n'importe quel souvenir qu'on voudra. Et même si on ne sait pas comment faire de manière sûre, on peut toujours en théorie essayer au hasard toutes les combinaisons jusqu'à ce qu'il y en ait une qui "y croie"...
Ainsi, il est établi que l'hypothèse matérialiste ou rationnaliste, ou plutôt pour être sûr d'être rigoureux, celle reposant sur les lois de la physique connues (puisque ceci risquerait à la très éventuelle limite de voir une exception dans des hypothèses de lois physiques bis radicalement différentes de celles établies mais pouvant tout de même donc en un sens bis être qualifiées de matérialistes; restriction évenutelle qui de toute manière disparaîtra dans la section suivante) entraîne que je n'ai aucune preuve de mon existence réelle passée (en tant que réalité telle qu'elle était dans le passé c'est-à-dire substantiellement séparée de mon présent) ni du fait que mes souvenirs aient un quelconque rapport nécessaire de fidélité envers le contenu de ce vécu réel passé.
A l'encontre de cela, je postule (j'introduis la formulation rationnelle ce que je reconnais par mon être irrationnel) que ma conviction intime quant à certains de mes souvenirs les plus clairs est l'expression d'une preuve véritable de la réalité passée de ce vécu. Par conséquent, cette preuve que j'ai réellement en le lieu de mon intime conviction échappe à la partie matérielle ou rationnellement analysable de ce qui me constitue.
Plus précisément et contrairement à ce qui a cours dans le modèle physicaliste, la substance de ce que je suis maintenant englobe totalement la substance de ce que j'ai été par le passé; il est impossible de me décrire ou de me concevoir parfaitement tel que je suis maintenant sans concevoir également tout ce que j'ai été. Un tel acte de conception serait non réductible à un acte de la raison ni à un calcul d'ordinateur, et ne nous est apparemment pas accessible dans notre condition terrestre si ce n'est de manière floue. Ce que je suis maintenant contient le témoignage, la réalité même de tout ce que j'ai été, y compris ce dont il m'est apparemment difficile de me souvenir. L'effet sur moi de ce que j'ai été ne peut pas être refabriqué en moi à partir d'un assemblage d'informations. Je ne peux pas être comme si j'avais été autre chose que ce que j'ai réellement été. L'âme comporte quelque chose d'inaltérable, en tout cas infalsifiable quelles que soient les opérations matérielles effectuées. Dans ces conditions d'existence manifeste d'un phénomène de conservation et d'inaltérabilité qui échapperait aux probables limites de phénomènes matériels ou rationnellement analysables, il serait bien extraordinaire que l'âme soit détruite à la mort: pour quoi faire, alors qu'elle n'a par nature manifestement rien à voir avec ce corps qui meurt, et qu'elle est douée d'une substance bien supérieure avec une propriété d'inaltérabilité qui la distingue ?
Plus précisément, vu que l'hypothèse d'une vie après la mort s'avère en raison des éléments énoncés plus haut être une hypothèse logique et naturelle (plus plausible en soi que sa négation), une bonne raison de l'adopter en fin de compte comme une quasi-certitude est cet autre aspect de l'intuition existentielle qui nous anime: si je tombais à ma mort dans le néant, ce que j'ai vécu cesserait d'avoir été vécu car il n'y aurait personne pour le porter dans ses souvenirs; or je trouve et je témoigne à moi-même que ce que je suis et les expériences que je vis aujourd'hui sont indubitablement réels et donc en tant que tels le seront toujours, donc j'existerai toujours au moins en tant que réalité de ce que je vis aujourd'hui; ce support n'est autre que le souvenir que moi ou toute conscience en laquelle je me fondrai, aura alors de ce que je vis maintenant, comme nous avons expliqué.
Pour monter que c'est possible et en expliciter la cohérence, je donnerai à cette idée une expression très formelle et quasi-mathématique, laissant au lecteur le soin de discerner l'intuition signifiée. (Désolé si les concepts décrits ici sont une répétition de ceux décrits dans la thèse de Turing ou autres travaux philosophiques autour de l'intelligence artificielle, que je n'ai pas étudiés).
Avant de commencer, je signale que je n'exclus pas d'autre part la possibilité d'existence d'une preuve "directe" totalement informulable de l'existence d'autrui, qui consisterait dans la "sensation de présence" d'une personne près de soi même en l'absence de toute dynamique de communication.
Cela mis à part, désormais la discussion se situera dans le contexte théorique d'une situation d'univers fictif style Matrix sur lequel l'observateur serait branché, et dans lequel les personnages apparents pourraient être, soit l'expression d'autres individus réels également connectés, soit celle d'un individu fictif simulé; et la question est alors de détecter par l'expérience la distinction entre ces deux hypothèses concernant une personne d'après son comportement.
Nous emprunterons un vocabulaire issu de la théorie des jeux, en parlant de "stratégie" pour décrire les comportements possibles d'un individu: une stratégie d'un individu sera définie comme étant une application qui, à toute donnée d'un passé compatible avec cette stratégie, et toute situation qui survient alors à l'instant considéré, associe une partie non vide de l'ensemble des choix qui dans cette situation sont matériellement à disposition de l'individu.
On dira qu'une stratégie A est plus fine qu'une stratégie B si, lorsque cela a un sens, tout ensemble de choix donné par A est inclus dans l'ensemble correspondant donné par B.
Soit V la réunion des stratégies de tous les individus qui pourraient réellement exister (qui est bien sûr plus large que l'ensemble des individus qui ont existé ou vont exister effectivement). C'est donc une stratégie moins fine que celle de chaque individu pris individuellement.
Dans l'intuition de chaque individu x existe un opérateur S_x de vérification de plausibilité des comportements d'autrui, qui en tant qu'objet mathématique n'est autre qu'une stratégie moins fine que V, la différence étant qu'il risque de ne pas fournir l'ensemble de choix possibles en temps réel mais seulement vérifier a postériori la conformité à S_x d'un comportement donné (à la limite cette différence est accessoire). Ainsi, si l'individu x détecte un comportement n'appartenant pas à S_x, il s'exclamera: "Cet individu a un comportement absurde, irréaliste" ! Dans toute la suite, on sous-entendra d'un test S_x qu'il s'étend sur une durée (ou quantité d'information) suffisante, du genre quelques mois.
Nous allons maintenant évaluer l'ordre de grandeur de la complexité des objets en jeu. L'expression sous forme bien compactée d'un comportement (ou d'une expression) pouvant monter à un débit de plus ou moins une dizaine d'octets par seconde, l'information totale récoltée sur une personne pendant des mois peut monter à plusieurs mégaoctets. Par contre, sa stratégie sous-jacente, en tant que, en gros, application de l'ensemble des situations données de l'extérieur (qui ont pu dépendre des décisions de l'individu qui va effectuer l'estimation considérée) à valeur dans l'ensemble des suites de choix possibles formant le comportement, est très grossièrement un élément d'un ensemble dont le cardinal a pour ordre de gigantisme celui de l'ensemble des parties de l'ensemble des situations extérieures (ou plus précisément, des suites de situations subies par le passé).
Comme la description d'une suite de situations extérieure particulière prend déjà un certain nombre de mégaoctets (pour ne pas dire gigaoctets), tous les atomes de la galaxie réunis seraient très loin de suffire à porter l'information brute de ne serait-ce qu'une stratégie déterministe parmi toutes les possibles.
Postulat: pour tout individu x, il n'existe aucune définition rationnelle, tenant dans une information (par exemple un fichier compacté, un logiciel à exécuter...) de taille inférieure à par exemple 10 puissance 60 octets, d'une stratégie déterministe de la part d'un autre individu y, ayant la propriété (ou remplaçant "stratégie déterministe" par "loi de probabilité de stratégies" et "propriété" par "propriété probable suivant cette loi") de donner, en fonction de situations extérieures dont un certain comportement de x qui influencera y, un comportement de y qui "passe le test" S_x.
Pour le dire en résumé, les comportements humains ne sont pas équivalents à des conséquences de lois physiques dépendant d'une information telle que le cerveau peut porter; et même on peut intuitivement effectuer une vérification de plausibilité de comportement d'autrui capable de déjouer une simulation d'individu par n'importe quelle machine. Le seul moyen qu'aurait une machine théorique de faire semblant, serait d'appliquer l'un des comportements d'une énumération exhaustive de comportements effectivement plausibles de la part de consciences, comportement stockés dans une mémoire plus qu'astronomique, et que seul un esprit supérieur aurait pu préparer d'avance en les inventant un par un.
Postulat: Pour chaque individu réel x, si un comportement d'individu y passe le test S_x alors de façon presque sûre y existe réellement.
En tout cas, s'il passe le test alors de façon presque sûre il n'est pas le fruit d'une simulation par un automate: ceci traduit le postulat précédent accompagné du fait qu'il est impossible de faire passer le même test S_x à un grand nombre d'individus fictifs y jusqu'à en trouver un qui marche, parce qu'on ne peut pas remettre x dans un même état un grand nombre de fois.
Mais ce n'est pas tout.
Le dernier postulat implique une extension du postulat précédent du cas d'une stratégie rationnellement définie au cas d'une stratégie aidée par un esprit limité qui tenterait d'inventer des personnages qui n'existent pas.
Quel que soit x, nul esprit z qui (comme nous sur cette terre) ne serait pas doué de la faculté de concevoir totalement quelqu'un, et même assisté par ordinateur, ne peut produire un comportement d'un individu réel ou fictif y, qui passera probablement le test S_x.
(rappel: la notion de faculté de concevoir totalement quelqu'un a été mentionnée au paragraphe sur la mémoire).
(Remarque: ceci reste valable dans le cas z=x, sauf éventuellement si x est en train de rêver ! Cela voudrait-il dire que le manque de connaissance de soi-même nous sert à reconnaître autrui ?)
Notons la restriction sur la faculté d'esprit que nous avons fait dans les hypothèses du dernier énoncé: une telle restriction devait être faite, parce qu'un esprit supérieur z qui aurait la faculté, soit d'inventer totalement un individu fictif y plausible pour pouvoir en préciser la stratégie, soit de connaître totalement x pour pouvoir anticiper son test S_x et donc présenter une stratégie qui lui sera adaptée, sera de ce fait capable de présenter à x un individu de son invention y qui passera avec succès le test S_x.
Confrontons maintenant ce genre d'exception avec le postulat en question.
Si z se met à inventer face à x un comportement d'individu y tel qu'il pourrait réellement exister, en sorte de passer le test S_x avec succès, alors d'après le postulat, très probablement y existe réellement. Or nous supposons que y n'existe que dans l'imagination de z. Cependant ici, contrairement au cas précédent d'une imagination partielle et floue, la différence entre les notions de réel et de simulé s'estompent. En effet, une conception complète nécessite de tout préciser en détails (acte qui a un sens même si ce n'est pas un acte rationnel, ce qui est à concevoir n'appartenant pas au monde inerte), donc, de manière identique à ce qu'il serait réellement, or nous avons expliqué que ce qu'est un individu à un instant donné englobe tout ce qu'il a été par le passé, donc une telle conception devrait englober celle de tout le passé de l'individu en question. Faute de quoi, il risque d'apparaître des failles dans la description, que x risque de détecter.
Finalement, on peut conclure que l'hypothèse d'un personnage fictif entièrement conçu, étant donc considéré par x comme réel, ne diffère pas de l'hypothèse d'une personne réelle. Autrement dit, puisque z conçoit parfaitement y, alors cela veut dire que y existe réellement... dans l'imagination de z. Tous les sentiments de y sont réellement connus et donc vécus, ne serait-ce que par z pour pouvoir en tenir compte.
Inversement, dire que nous sommes réels n'a pas lieu de signifier autre chose que le fait que nous sommes des personnages de l'imagination de Dieu, qui nous conçoit totalement et ressent lui-même par nous ce que nous ressentons.
Examinons enfin l'hypothèse restante, à savoir que z saurait connaître x au point de pouvoir anticiper ce qu'il faut pour faire passer avec succès à son personnage y le test S_x. Appliquant là encore le postulat, on en déduit que, dans la mesure où l'expérience est effectuée, alors très probablement y existe réellement... quelque part dans l'inconscient de x, qui apparaîtra consciemment à z dans sa compréhension de x.
Donc, dans le monde vivant, tout est dans tout, CQFD.
On pourrait ainsi envisager que, même si un comédien z non réellement divin parvenait avec beaucoup d'effort à inventer un personnage y qu'il estime réaliste passant son propre test S'_z (différent du test S_z du fait qu'il simule volontairement sa propre capacité de juger, il se place au-dessus et n'est donc pas dupe de l'existence de y mais estime que quelqu'un d'autre qui ne possède pas sa démarche pourrait l'être), en fait il ne passera pas le test S_x parce que chaque individu possède une finesse d'estimation qui lui est personnelle, et incapable d'englober celle d'un autre: avec sa propre finesse on est incapable de choisir un comportement ayant une bonne probabilité de passer avec succès le test de quelqu'un d'autre.
Tout est-il donc cohérent maintenant ? Presque. En effet, on vient de dire que si z parvient à connaître x au point de faire passer avec succès à son personnage y le test S_x, alors y existe réellement. Donc en fait le comportement de y appartient à V. Oui mais on vient de dire que S_x est strictement plus large que V. Donc, si un dieu z connaissait x parfaitement, il connaîtrait également le test S_x et par conséquent au moins une partie du complémentaire de V dans S_x (par exemple en comprenant un autre individu x' et en prenant les parties de S_x n'appartenant pas à S_x'). En choisissant alors pour y un comportement appartenant à ce complémentaire, on arriverait à une contradiction.
Me suis-je donc planté dans mes hypothèses ? Je pense que non, de par un élément que nous n'avons pas encore évoqué et qui me semble réellement compléter ce tableau du rapport entre le comportement humain et les structures rationnalisables: c'est la liberté.
En effet, comme x est libre, ni son test S_x ni même aucune loi de probabilité a priori sur S_x n'est prévisible à l'avance par quelque dieu z que ce soit qui saurait tout sur x et sur l'univers où x habite à un instant donné. Il est ainsi impossible même à un dieu de connaître S_x à l'avance au point de pouvoir engendrer un comportement de y ayant ses chances d'appartenir à S_x - V, parce que, même si presque aucun élément de S_x n'appartient à V, par contre il n'y a en pratique aucun moyen de trouver un comportement qui ait toutes les chances d'appartenir à S_x sans appartenir à V.