Le génie scientifique de la main invisible contre l'incompétence du philosophe

Le présent texte fut écrit en réponse à l'auteur du site "Philosophie et spiritualité" pour ses "leçons" dans le domaine économique.
Il y a désormais une version anglophone améliorée.

Je suis désolé de vous décevoir mais votre exposé de philosophe sur les questions économiques contient beaucoup de bêtises, car vous vous aventurez ici très loin de votre domaine de compétence.
Certes la notion de bêtise est relative, sur l'échelle des degrés d'intelligence.
Alors à quel référentiel je me réfère pour qualifier cela: celui de l'intelligence nécessaire pour comprendre en très gros le fonctionnement de l'économie et le pourquoi des grandes tendances de l'évolution économique du monde depuis un siècle. C'est un problème très complexe, qui nécessite une réflexion élaborée. Or cette compréhension existe, en gros, il y a bien des gens qui la maîtrisent. La compétence (le niveau d'intelligence muni des connaissances adéquates pour le problème considéré) existe en un certain nombre de gens, mais elle n'est pas vôtre. En bref, vous ne comprenez pas le monde dans lequel nous vivons. Bien sûr cette situation est hyper banale: la plupart des autres gens ne le comprennent pas non plus, mais le problème est que malgré cela vous prétendez juger de tout, ce qui fatalement vous induit en erreur. L'évaluation pertinente du niveau d'erreur réside, non dans sa comparaison à l'ignorance moyenne de la foule des ignorants comme vous, mais dans sa comparaison à la compétence de ceux qui ont eu la chance d'analyser les choses correctement, et ainsi donc à l'intelligence intrinsèque de ce qui guide le monde, qu'on peut identifier à cette main invisible d'Adam Smith. Le monde est gouverné par une certaine intelligence intrinsèque, cachée dans le système complexe des relations économiques, et de cette intelligence dépend sa prospérité, que vous le vouliez ou non. Certes l'intelligence intrinsèque de cette main invisible comporte des défauts, lesquels se mesurent à leurs conséquences concrètes douloureuses qui secouent le monde violemment. Suivant cette mesure de leurs conséquences concrètes observables, ces défauts sont certes énormes. Mais, ce qu'il vous faudrait arriver à admettre, aussi déplorable que cela soit, c'est que c'est ici un manque d'intelligence de la main invisible qui se définit comme relativement aux défis réels auxquels le système économique a affaire, or le niveau intellectuel de ces défis et des exigences réelles dans lesquelles l'intelligence de la main invisible est prise violemment en défaut, n'a absolument rien à voir en ordre de grandeur, avec le niveau de réflexion de la moyenne des gens qui dans leur incompétence voudraient s'aventurer à juger de tout cela. La conséquence, c'est que si une personne dépourvue des compétences indispensables voulait s'aventurer, au nom de sa constatation de l'existence de graves défauts du système économique, défauts qui doivent bien exister quelque part puisqu'on observe des choses terribles dans ses conséquences (suivant des mécanismes qu'il ne comprend pas réellement), à contraindre et modifier le fonctionnement de ce système conformément à la misérable compréhension qu'il en a, il risquerait fort de faire lourdement chuter le niveau intelligence de cette main invisible qui gouverne le monde à son petit niveau personnel beaucoup plus misérable que le niveau auquel il en est actuellement, ce qui le rendrait encore infiniment plus gravement incapable de faire face aux contraintes et défis de la réalité actuelle dans toute sa complexité, et mènerait donc fatalement à des catastrophes majeures beaucoup plus graves que celles qu'il prétendait dénoncer au départ. Tel est notamment le drame de l'expérience soviétique portée sur les ailes des bonnes intentions d'amour et de fraternité entre les hommes, qui ont cru pouvoir passer outre le caractère fondamental indispensable de la science intrinsèquement sous-jacente à l'économie et qui dépasse l'intelligence individuelle de la grande majorité des hommes. Cette main invisible une fois cassée, plus rien ne pouvait fonctionner.

Sur le génie universel omniprésent des mains invisibles dans la nature, bien au-delà du domaine économique

Si de telles considérations peuvent vous étonner, je vous signalerais qu'elles n'ont pourtant en fin de compte rien de magique, ni de spécifique à l'économie. C'est un carctère universel de la nature, telle que la science nous le révèle.

Les lois de la physique et la technologie

En effet, l'univers est partout gouverné par l'intelligence, une intelligence rationnelle intrinsèque des choses qui précède sa découverte et son utilisation par l'homme. Je veux parler d'abord des lois de la physique. Ces lois sont des lois mathématiques, à la fois complexes et très élégantes c'est-à-dire profondément relativement simples en regard de la richesse de toutes leurs conséquences, bien que ressenties comme inabordables par l'intelligence du misérable homme de la rue. Elles sont proprement géniales, et ne nous ont pas attendu pour exister.
Il y a beaucoup de situations dans lesquelles chacun comprend intuitivement le comportement des choses qui lui sont familières, autrement dit il connaît implicitement dans son intuition les lois mathématiques qui gouvernent les relations entre les différentes apparences auxquelles il a affaire, de sorte, quelle que soit la complexité sous-jacente des lois plus fondamentales pouvant être appelées des mains invisibles dont ces lois apparentes sont les effets, ces mains invisibles ne se manifestent pas à lui. Par exemple, il a l'habitude de voir les objets lâchés en l'air ou posés debout sur une pointe tomber, et cette habitude lui donne de bons moyens de deviner de quelle manière cela se produira précisément, de sorte que, bien que ne comprenant pas l'origine des lois de la mécanique et de la gravitation qui en sont la cause, ces phénomènes ne seront pas appelés par lui des mains invisibles. Mais il y a des situations exceptionnelles, inhabituelles pour lui, dans lesquelles son intuition est prise en défaut, incapable de le préparer au déroulement exact des évènements, qui, suivant une autre loi phénoménologique que celle dont il est familier, pourront sembler magiques à ses yeux. C'est cela qu'on pourra alors appeler une main invisible. C'est ainsi si on veut, une main invisible qui fait s'élever dans les airs les ballons gonflés à l'hélium ou à l'hydrogène, défiant en apparence les lois de la gravitation. C'est ainsi qu'une main invisible a le pouvoir de maintenir debout sur sa pointe une toupie mise en rotation rapide autour de son axe vertical. On pourrait toujours dire: je ne crois pas à la main invisible qui maintient debout sur sa pointe la toupie en rotation, la preuve, cette toupie a bien fini par tomber. Oui mais elle n'est tombée que parce qu'elle ne tournait plus assez rapidement, et il n'en reste pas moins que tant que sa rotation est assez rapide, elle se maintient bien debout, ce dont une intuition naïve est impuissante à rendre compte.
Qui est capable de s'élever dans le monde des abstractions mathématiques, d'expliciter les formules des lois de la mécanique et d'en mener les calculs à bien, pourra par cette méthode comprendre l'origine de cet étrange pouvoir qu'ont les toupies en rotation rapide, de se maintenir debout sur leur pointe. Pour qui n'est pas capable de s'élever ainsi dans le monde des abstractions, ce phénomène demeure une énigme.

Le travail des physiciens consiste à tenter de découvrir les lois de la physique telles qu'elles sont, non telles qu'on a envie qu'elles soient. De toute façon on n'a pas le choix: le but étant d'en utiliser la connaissance pour produire de nouvelles technologies, une invention de lois de la physique telles qu'elles semblent être d'après certaines impressions, non conformes à la réalité, ne seront jamais comme on le souhaite la base d'une technologie fonctionnelle. Pour être capable de perfectionner un appareil technologique donné, il est indispensable de posséder d'abord une compréhension de la réalité des lois physiques sous-jacentes, suivant une intelligence à la hauteur de la sophistication des techniques et du fonctionnement interne du système physique considéré, à savoir une intelligence capable de rendre compte du fonctionnement de cet instrument. Qui voudrait décider de modifier un instrument suivant ce qui lui semble dans l'espoir de le perfectionner, sans en posséder les compétences, n'a aucune chance de le perfectionner en réalité, quelle que soit l'évidence du dysfonctionnement qu'il observe dans l'utilisation de cette instrument.

Les lois de la biologie

Mais ce n'est pas tout. Nous savons déjà qu'après les lois de la physique qui gouvernent l'univers et toute matière de laquelle notre vie est faite, il existe encore intrinsèquement avant même que l'homme ait jamais entrepris de s'y intéresser, toute une autre science complexe et d'une sophistication extrême dont nous sommes encore loin d'avoir découvert l'ensemble des rouages, mais qui également nous préexiste, et, de par tous ses indispensables détails que nous ignorons encore largement, gouverne et constitue toute notre vie. Une autre main invisible et géniale donc, sans l'existence sous-jacente de laquelle aucune vie sur terre ne serait "rationnellement explicable".
Je veux parler de la biologie dans toutes ses dimensions et en particulier sa dimension génétique.
En effet, notre patrimoine génétique est l'expression de toute une intelligence, de toute une science intrinsèque, qui s'est progressivement développée et accumulée depuis des centaines de millions d'années sans avoir besoin d'une conscience explicite d'un acteur, par le jeu de cette autre main invisible là encore, qu'est la sélection naturelle (mécanisme dont on peut plus facilement intuiter grossièrement la plausibilité du résultat final même sans connaître les détails intermédiaires). Ce patrimoine génétique qui manifeste quotidiennement son génie par tout le fonctionnement et le développement du corps depuis l'embryon jusqu'à l'adulte, ses capacités de défense et de réparation...

Les lois de l'algorithmique et du génie logiciel

On peut aussi dire que le fruit du travail d'ingéniosité du programmeur, à savoir ses logiciels, agit comme une main invisible dans votre ordinateur, qui veille à ce que les fonctions se déroulent comme attendu. Si vous constatez qu'un programme plante, vous pouvez être tenté d'insulter cette main invisible, de dire qu'elle ne fait pas son travail. Mais si au nom de cela vous vous aventurez à mettre votre nez dans le code du programme, à trouver ceci ou cela pas joli et à le modifier suivant votre humeur sans comprendre tout ce que le programmeur avait fait et la science qu'il y a déployée, cela aura toutes les chances de fonctionner encore moins bien.

Alors, quel est le problème de l'économie ?

Or, toutes ces constatations ne gênent personne. Pourquoi ? Simplement parce que tout le monde s'en fout, le public ordinaire n'ayant aucune occasion de s'y intéresser personnellement. On sait bien que l'homme de la rue ne saurait prétendre fabriquer lui-même un ordinateur. Si tout va bien, c'est simplement parce qu'il ne vient l'envie à personne de le tenter. Tout le monde fait confiance à la petite équipe d'ingénieurs qui travaille à la conception de la prochaîne génération de processeurs, et en est relativement content. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont besoin d'ordinateurs, donc ont besoin que cette science de la fabrication des processeurs existe. Mais il suffit qu'elle existe dans une toute petite minorité pour que les bénéfices s'étendent à tous. Et de même pour tant d'autres technologies matérielles ou logicielles.

Mais quand on passe au fonctionnement économique de la société, apparaît un gros problème. Quel est ce problème ? C'est que tout un chacun est naturellement (et en un sens, certes très légitimement) soumis à la tentation de fourrer son nez dans son fonctionnement, tellement il sait qu'il y aurait à en redire. Il est certes clair qu'il y aurait à en redire, mais le problème est que tout un chacun, qui a légitimité à constater son dysfonctionnement, est démuni de la compétence nécessaire pour en juger les causes et en trouver les solutions. Car il est aussi clair que ceux qui ont le contrôle de la bête et auraient le pouvoir d'en modifier le fonctionnement, risquent fort de ne pas le faire de la manière favorable à l'intérêt général, de sorte que le peuple aurait légitimité à les contrôler en retour. Mais ce n'est pas parce que ceux qui ont le contrôle en usent mal, que pour autant d'autres gens pourvus peut-être de meilleures intentions mais le plus souvent de moindre compétence, seraient forcément de bons conseillers des méthodes les plus favorables à l'accomplissement réel de leurs objectifs les mieux intentionnés (pour l'intérêt général). Or, le jeu de la démocratie représentative vient ici malheureusement verrouiller ce système, où il suffit aux dirigeants, pour exploiter le peuple, de prendre des décisions sélectionnées dans leurs intérêts qui plaisent au peuple du point de vue de la misérable compétence de celui-ci (quitte à déformer celle-ci dans le sens voulu) pour faire passer pour bonne aux yeux du peuple les décisions qui arrangent les décideurs dans leurs conséquences réelles, même si leurs conséquences réelles sont contraires aux motifs de leur justification officielle.

Et je suis désolé de constater que, dans votre démarche en tant que philosophe et l'exposé de vos arguments menés par les seuls pauvres outils traditionnels du philosophe, vous faites comme tant d'autres la démonstration de votre incompétence notoire dans le domaine économique que vous prétendez juger, incompétence qui vous mène fatalement, dans la mesure où vous refusez de la reconnaître et de vous résoudre à vous en remettre à des avis plus compétents, à proférer de grossières contre-vérités.

Enfin, je voudrais ici vous expliquer en détails pourquoi le scientifique (mathématicien, le physicien) est certainement bien mieux habilité que le philosophe à parler d'économie. C'est que les sciences en général (et notamment la mathématique et la physique) ont pour objet l'étude des systèmes complexes formés à partir d'éléments indépendamment de leur nature, or la problématique spécifiquement économique dans l'économie, est justement celle qui s'intéresse uniquement au comportement global du système économique: c'est un exemple de système complexe dont toute la question considérée est celle son fonctionnement global et la cohérence de celui-ci au-delà des goûts et des couleurs particuliers de chacun de ses membres. Et c'est notamment un système qui manipule et effectue de nombreux calculs précis sur des quantités numériques abstraites (la monnaie).

Pour éviter tous malentendus

Mon but ici n'est pas de faire l'apologie du contenu précis des sciences économiques telles qu'elles sont actuellement enseignées à l'université, et dont il se peut très bien qu'elles manquent gravement de pertinence, employant à tort et à travers des modélisations largement inadaptées, singeries de sciences développées par des gens dépourvus de l'indispensable habileté intellectuelle du scientifique à la hauteur nécessaire aux problèmes posés.  Ni de demander une confiance aveugle à quelques experts officiels. Moi-même je n'ai pas fait d'études d'économie dans un cadre universitaire, mais j'ai développé par moi-même mes nombreuses réflexions, suivant le modèle de mes recherches et compréhensions des mathématiques et de la physique fondamentale. Et, tout comme j'ai pu redécouvrir à 16 ans par mes propres calculs à partir de quelques bribes d'informations livresques l'équation d'Einstein de la relativité générale, je suis aussi arrivé par mes propres réflexions à partir de quelques données historiques, à certaines conclusions claires dans le domaine économique.

La notion de main invisible n'est certes pas une oeuvre de science à strictement parler (la science n'a jamais parlé de main invisible), mais ne doit pas non plus être confondu avec une croyance aveugle. C'est l'expression et la caractéristique d'une oeuvre de vulgarisation. C'est la main qui, dans la caverne de Platon, agit dans le dos du prisonnier en dehors de son champ de vision et est donc invisible à ses yeux, mais a le pouvoir de manipuler les ombres qu'il voit projetées sur le mur. Cette main invisible pour le quidam enchaîné les yeux tournés vers les ombres, n'est nullement invisible pour le savant, qui a su se libérer des chaînes. Il la voit, il la connaît, il la comprend, il travaille en collaboration avec elle, il la dompte et en fait ce qu'il veut dans la mesure du possible dont il connaît les limites. Elle est totalement concrète pour lui. Elle prend la forme d'une croyance incomprise chez le quidam, qui y ressemblerait à toute autre croyance éventellement fausse, à la différence notable qu'elle fonctionne, parce qu'elle est l'ombre d'une connaissance qui existe ailleurs, en dehors de son esprit, une conaissance qui est "abstraite" pour lui.
D'ailleurs, le concept d'abstraction n'est finalement que l'injure lancée par les ignorants pour dénigrer les connaissances qui ne sont pas les leurs. Tout ce qui semble abstrait pour le quidam, est concret pour le scientifique, qui en connaît la solidité réelle plus grande encore que celle des choses que le quidam appelle des choses concrêtes. Car les choses matérielles et les impressions sensibles sont périssables, tandis que les théorèmes demeurent éternellement.
Je reconnais d'autre part qu'il y a effectivement un certain nombre de libéraux qui se contentent de croire en la main invisible sans se donner la peine de la comprendre, et cela est tout-à-fait déplorable.

Alors, peut-être ne peut-on ainsi pas mieux faire comprendre l'économie à un philosophe qu'on ne peut enseigner la théorie de la relativité restreinte à un chimpanzé, auquel cas toute tentative de dialogue argumenté avec lui n'est que perte de temps.
Bien évidemment je ne peux prétendre donner le titre de certitude universelle à cette observation de l'incapacité du philosophe à élever son esprit au niveau rationnel adéquat aux problèmes posés. Ce que je veux dire dans tout cela, c'est que la réalité du fait d'avoir raison  n'est pas réductible à ses effets observables dans domaine ridiculement vain de la capacité d'en convaincre un philosophe ainsi imbu de sa prétention traditionnelle de philosophe à juger à son idée tant de choses qu'il ne comprend pas en réalité.

Pour compléter cette réflexion, quelques remarques de plus.
Dans un des textes, ce philosophe énonce "L’économie n’existe pas dans un royaume coupé de tout le reste, car son objet n’est pas séparable de la complexité dans lequel il existe de fait."
Eh bien justement, d'habitude, seuls les méthodes et les outils développés par la science avec tous ses travaux de modélisations mathématiques sont capables d'appréhender la complexité, tandis que la démarche traditionnelle du philosophe en est radicalement incapable. Quant à la conscience collective et les mentalités, le mieux qu'on puisse leur demander est d'être rationnels pour que tout fonctionne au mieux; elles peuvent de plus, pour d'autres aspects, être autres que rationnelles, à savoir des variables libres habitant comme un univers indépendant, celui des goûts et des couleurs de ce qu'on aime faire dans la vie et ne contredisant en rien l'objet des sciences économique. Elles peuvent enfin être antirationnelles, à savoir des effets parasites insensés acharnés à casser la main invisible et se jeter ainsi dans l'horreur et la misère comme celles de l'Union Soviétique. La meilleure science économique à cet égard est alors celle qui vise à déjouer ces risques, à tenter de les éviter.

"Or l’état actuel d’extrême fragmentation du savoir n’incite pas à une mise en relation des connaissances. L’économie en conséquence ne peut présenter de l’échange qu’une vision fragmentaire ; et parce que seule la totalité vivante est réelle, l’homo economicus est un pur concept dont le rapport avec l’homme réel reste très évasif...."
La réalité éventuelle d'un tel problème ne saurait aucunement justifier la prétention à présenter une quelconque approche autre que scientifique comme plus pertinente que celles que les scientifiques, s'ils sont de vrais scientifiques, jugeront bons de mettre en oeuvre. Autrement dit, la vraie science étant celle capable d'englober au mieux toutes les considérations, si un problème est insoluble par elle, il le sera aussi par toute autre approche.

« La définition des fins à rechercher ne relève pas de la science économique ; elle ne relève d’ailleurs d’aucune science».

Pas d'accord: une fin essentielle qui devrait être à rechercher par le politique est la lutte contre le émissions de gaz à effet de serre (notamment CO2) causes du réchauffement climatique. La définition de cet objectif relève des sciences environnementales.
Pour d'autres objectifs, comme par exemple l'amélioration du niveau d'éducation, une approche scientifique par enquête comparative et statistique des niveaux d'intelligence, de culture, d'accomplissements personnels et autres entre personnes qui auraient suivi différents systèmes éducatifs, pourrait aider à cerner quelles méthodes éducatives seraient à favoriser. Mais en fait, il se trouve que dans le cas de l'économie, la question des objectifs peut à juste titre être évacuée dans la plupart des situations. Car les vrais objectifs sont généralement ceux que chacun fixe pour sa propre vie, et dont, le plus souvent là encore, aucun Etat n'est habilité à en juger au point de pouvoir légitimement imposer un autre objectif que ceux-là. Les objectifs individuels étant, le plus souvent, pleinement pris en compte comme des variables libres par la main invisible du marché, il suffit de laisser faire celle-ci.

Bien sûr, dans toute cette discussion, un problème fondamental est la distinction entre science et pseudo-science. S'il y a des sciences officielles qui ne sont en réalité que des pseudo-sciences, il faudrait cesser de les soutenir, mais éviter de mettre leurs travers sur le compte de la science.

Le texte fait référence à Maurice Allais. Sans savoir exactement ce qu'il vaut dans le domaine de l'économie, je pense qu'il peut être intéressant de rappeler que dans celui de la physique c'est un pseudo-scientifique notoire. Faut-il rappeler que les pseudo-scientifiques de la physique sont généralement des gens acharnés à dénigrer les mathématiques, la démarche scientifique et le raisonnement "abstrait" à la hauteur desquels ils sont incapables de s'élever, qu'ils insultent au titre d'"abstractions vidées de substance", et qui croient bien plus fermement à la pertinence des illusions de leurs sens vidés de tout effort de structuration mathématique.

Oublier l'humain ?

"Car les savoirs de la science comme celui de l’économie en particulier sont incapables d’expliquer le principe même de leurs objets, qui réside dans la vie alors qu’ils se situent dans l’irréalité de leur représentation formelle et partielle"

Réponse:

Sachez qu'une telle remarque n'a rien d'original, ni même de pertinent, car les scientifiques ont tous les jours affaire à des problèmes de ce type, et les gèrent très bien et très correctement avec des succès manifestes. Ca s'appelle, suivant les cas, des recherches de modélisations pertinentes (des concepts adaptés) à une expérience donnée qu'on ne maîtrise pas au départ mais qu'on s'efforce d'approcher précisément suivant de nouvelles manières qui visent à mieux permettre de dire correctement tout ce qu'on peut scientifiquement dire, tandis que les conséquences réelles de la partie non maîtrisée seront de ce point de vue négligeables (maîtrise des approximations), ou encore prendront la forme de variables libres, dont on peut simplement admettre l'existence pour résoudre le problème considéré dans le cas général d'une manière qui reste valable quelle que soit la valeur effective de ces variables.
Les lois de la mécanique classique, de la mécanique des solides et de la gravitation de Newton sont incapables d'expliquer le principe même de leurs objets, qui réside dans les phénomènes quantiques, les interactions fondamentales et la courbure de l'espace-temps. Cela ne les invalide pas pour autant, dans le domaine d'approximation où elles sont pertinentes. Il en va de même pour l'économie.
On reconnaît là l'impasse traditionnelle de la philosophie, de s'obnubiler sur la question des substances de toutes choses et de croire leur connaissance omniprésente indispensable, alors que les vrais problèmes en sont très éloignés, à savoir résident dans la complexité et la question de ses modélisations, qui relève de la compétence du scientifique et où les rappels de la nature de toutes les substances (dont d'ailleurs, là encore si on voulait s'en soucier, aucune approche ne pourrait sensiblement mieux rendre compte que des approches scientifiques) n'ont plus de pertinence.
Dans le cas de l'économie, les variables libres sont les libres décisions des personnes humaines impliquées. La science économique ne peut certes pas les prédire, mais son objet en tant que science, est de s'assurer logiquement de rester valable quelles que soient les variations de celles-ci. Elle peut ainsi se permettre de les oublier sans risquer ni de les écraser dans la réalité, ni d'être réfutée par eux. Elle est simplement comme habitant un autre univers.
Certes il pourra arriver des cas où les schémas économiques traditionnels deviennent dépassés, la modélisation qui fut choisie dans le passé perdant sa pertinence face à un phénomène nouveau prenant de l'ampleur. Mais là encore, c'est tout-à-fait habituel en science, et c'est réviser ses modèles théoriques passés en les remplaçant par d'autres plus fins capables d'appréhender des influences nouvellement découvertes. Car l'objet de l'économie étant toujours d'appréhender ce qui se passe souvent et à grande échelle, il y aura toujours moyen de le modéliser d'une certaine manière qui néglige ou englobe la diversité des éléments particuliers.

Conclusion

Ce que le philosophe spiritualiste a bien du mal à comprendre, c'est que son idéal de société humaniste passant outre les sciences économiques mathématisées volant dans les abstractions, qui rendent compte de, et permettent d'apprécier à sa juste valeur, l'oeuvre de la main invisible du marché, ne peut rigoureusement et concrètement aboutir, s'il était mis en oeuvre, qu'aux horreurs et à la misère de l'union soviétique. Il ne comprend pas pourquoi, il ne veut pas le comprendre. Il considère la prospérité et la relative cohérence du monde actuel comme un dû à partir duquel il se croit en droit d'exiger toujours plus, comme quelque chose qui va de soi, alors qu'en réalité, ça ne va pas du tout de soi, en termes de conséquence logique de la misérable compréhension du monde qui est en lui. L'idéal du philosophe spiritualiste, est par son esprit intellectuellement sclérosé, enfermé dans les nuées poétiques et son irresponsable ignorance qui ne peut ni ne veut rien comprendre de ce qui a permis à l'économie de prospérer en nous sortant de la misère d'antan. Par conséquent, tout ce que cet idéal pourra construire aura tendance à faire table rase de ces indispensables mécanismes, et engendrera inévitablement misère collective et chaos généralisé.
La seule manière de faire mieux et résoudre les défauts qui apparaissent dans l'économie, nécessite un esprit véritablement scientifique capable de manipuler correctement les abstractions, esprit dont le philosophe ordinaire est dépourvu. Ce problème, je l'ai abordé en tant que scientifique donc, et en ai exposé dans d'autres textes ici la solution que vous pourrez comprendre, à condition d'avoir vous aussi l'esprit mathématique, sinon il ne vous reste plus qu'à attendre passivement son arrivée sous forme technologique...

Enfin, voir quelques autres textes développant des remarques complémentaires de celles-ci:
Le problème de l'utopie
Critique du communisme
Le libéralisme
Critique de la philosophie actuelle
Qu'est-ce que la spiritualité (comme quoi ce site "philosophie et spiritualité" témoigne bien du fait que la philosophie que développe son auteur est véritablement à connotation spirituelle, sauf qu'il a complètement raté la signification réelle de ce fait)
Philosophie morale
L'argent et l'amour : ressemblances et différences
Sur les problèmes de la vulgarisation scientifique
Qu'est-ce que la science ?
Critique de sites "scientifiques alternatifs" englobant un certain nombre de rssources et liens assez pertinents au niveau méthodologique par rapport à la présente discussion, malgré qu'en apparence il s'agisse d'un sujet différent.
Une inspiration, pas une théorie !
Un monde scientifique ?

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