Pensées perverses

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L'homme est-il pervers par nature ?

Dans d'autres textes philosophiques sur ce site, j'ai exprimé ma conception suivant laquelle, en gros et en opposition à la doctrine chrétienne à ce sujet, l'homme serait plutôt foncièrement bon. Pourtant, de même que pour toute question philosophique, il ne serait pas correct de se baser sur une opinion a priori, car la confrontation à l'observation est nécessaire. Comme pour toute démarche d'observation, il est nécessaire de prendre en compte toutes les observations en rapport avec la question, quelle qu'en soit la tendance. Ici et contrairement aux propos tenus ailleurs donc, je récolterai un certain nombre d'observations ayant en commun la propriété de tendre à montrer que l'homme serait foncièrement mauvais. Je les récolterai entre autres de mon expérience personnelle, mais bien sûr si vous avez des idées intéressantes d'autres exemples vous pouvez toujours me les transmettre, et éventuellement je les ajouterai ici.

Avant de commencer, je rappellerai encore la distinction à faire entre deux sortes de maux pouvant venir de l'homme.

D'une part, il y a les maux commis par l'homme par bonté d'âme. Ils viennent du fait que l'homme juge bonnes des choses qui sont en réalité mauvaises, mais son jugement est bon en lui-même dans la mesure où il juge ces choses bonnes conformément au fait qu'elles sont effectivement bonnes dans le cadre du la vision du monde (illusoire) à portée de son entendement. Cette source de maux peut être d'une portée considérable, et avoir des causes multiples: un manque de réflexion face à des problèmes trop complexes, une information incomplète. L'avantage de ce genre de maux est qu'il serait remédiable, à la seule condition de travailler à découvrir et faire connaître une vision du monde plus exacte, ou de mettre au point des logiciels demandant essentiellement aux gens "Que voulez-vous vraiment ?" pour en tirer les conséquences à longue portée invisibles à vue d'oeil.

Nous n'allons pas développer cela ici, mais examiner l'autre type de maux commis par l'homme, ceux qui ne sont pas explicables comme étant de bonnes actions dans le cadre d'une vision imparfaite du monde, qu'il serait trop difficile à compléter en accord avec le réel. Mais qui proviennent d'une certaine tendance intrinsèque de l'homme à regarder comme bons et ainsi à cautionner et maintenir en vigueur, des actes ou des situations dont le caractère maléfique est (ou devrait être) manifeste, même dans le cadre d'une vision minimale du monde qui est ou devrait être à portée de tous avec un minimum d'effort ou de bon sens, à moins bien sûr d'être vraiment très idiot (quoique, c'est peut-être ça le truc: que les gens seraient vraiment très idiots).
Autrement dit, de ce qu'il convient d'appeler la perversité intrinsèque de la nature humaine, sa tendance naturelle à engendrer des pensées immorales: des pensées qui consistent sans excuse valable à regarder comme bonnes pour se sentir bien en son âme, des choses qui sont manifestement mauvaises. Ce sont ces pensées qui cautionnent le mal, et qui donc le font perdurer, et qui contrairement au cas précédent, ne seraient pas facilement remédiables "politiquement" par une oeuvre de correction des visions du monde que l'homme se fait.

Cette étude consistera en une liste d'exemples commentés, sans aucune prétention d'exhaustivité.
Attention: la visite du musée des horreurs de la perversité humaine va maintenant commencer.

Un grand ensemble d'exemples développés dans un autre texte

Voir ici mon exposé de quelques caractéristiques indispensables d'une société humaine pour être dignes du nom de civilisation.
Les tendances que l'homme peut avoir à appeler "civilisation" une société qui ne possèderait pas ces caractéristiques indispensables, constituent (pour chacune de ces caractéristiques) de grands exemples de perversités de la nature humaine.

Perversités éducatives

La pensée suivant laquelle il serait acceptable d'utiliser une part de l'argent volé aux malheureux contribuables, pour entreprendre d'aller torturer la jeunesse séquestrée de la République à coups d'obligations d'avaler d'immondes torchons tels que L'Assommoir d'Emile Zola, Madame Bovary de Flaubert ou Les Robots d'Isaac Asimov, voilà un bon gros exemple de pensée perverse.

Bien sûr, est aussi perverse la tendance d'un grand nombre d'adolescents à se moquer et persécuter leurs petits camarades: le fait d'aimer pour lui-même le malheur de l'autre. Bon, tant qu'ils ne font ainsi qu'échanger des moqueries avec d'autres moqueurs comme eux et regardent cela comme un jeu qu'ils choisissent délibérément, après tout libre à eux, c'est leur choix. Ce qui est grave donc, c'est la tendance qu'ils peuvent avoir à viser ainsi des camarades qui par contre n'agissent pas de même mais qui souffrent énormément de le subir.
Mais ce qu'il y a de spécial avec cette perversité-là, c'est qu'en elle-même elle n'aurait aucun pouvoir, si ce pouvoir ne lui était conféré par des adultes, qui ne sont pourtant pas précisément animés de la même perversité. Mais l'entreprise de ces derniers, d'instaurer délibérément un contexte qui offre inexorablement à cette perversité juvénile ses pleines occasions d'actions, n'en est pas moins une forme de perversité à part entière: la perversité qui consiste à appeler "socialisation" l'acte de regroupement autoritaire en vrac, pour une grande part de leur temps de vie, de tous les adolescents indépendamment de leurs tempéraments respectifs, et qui institutionnalise ainsi cette grande horreur des persécutions opérées par des adolescents sans vergogne sur d'autres plus fragiles.
Perverse est l'idée d'appeler "apprentissage de la vie en société" le fait d'enfermer les jeunes dans des collèges et lycées, à subir un traitement consistant à les y obliger à rester assis toute leur jeunesse environ 6 heures par jour aux côtés de toujours le même groupe d'élèves arbitrairement fixé, à rester obnubilés à écouter tous les mêmes cours répétés par le prof (sans égard aux différences de compréhensions entre élèves) et à gratter du papier; entrecoupé d'intervalles à être tous lâchés à se défouler les uns sur les autres de la tension ainsi créée, comme des fauves dans une arêne, avec le même plus grand groupe pendant le quart d'heure de récré.

Pervers encore est le fait de trouver normal de faire financer par les contribuables des filières d'études supérieures sans débouchés professionnels.

Perverse est l'attitude qui consiste à mener, sous les meilleurs prétextes du monde, une forte et inébranlable pression psychologique (sans tolérer la moindre contradiction) sur les quelques jeunes (à partir du lycée...) manifestant leur vocation et leur don pour la recherche en mathématiques ou physique théorique mais se sentant mal à l'aise dans le système scolaire, pour les obliger à laisser de côté leurs réflexions libres et autonomes sur les sciences pour s'investir pleinement dans le cursus scolaire, universitaire, de classes préparatoires scientifiques et tout ce qui suit, conformément à une lutte guerrière totale des années de leur jeunesse, qui vise uniquement pour ces jeunes à décrocher examen sur examen, concours sur concours contre la résistance des institutions officielles (sans même moindrement critiquer la politique de celles-ci), et visant uniquement à la fin à leur faire conquérir au bout de maintes années de ce calvaire absurde, le droit de se faire payer par l'Etat pour enfin avoir l'autorisation de poursuivre leurs recherches tant rêvées; au mépris du fait que cette réalisation du rêve trophée de tant d'années d'absurde calvaire était là naturellement au départ et qu'elle n'avait au contraire besoin que du droit de vivre et de respirer dans le respect de la part de l'entourage pour s'épanouir pleinement; et que, cotisation publique pour cotisation publique, il aurait été infiniment plus sain et décent de la part des proches et professeurs témoins des dons et motivations réels de ce jeune pour la science, s'ils voulaient vraiment être animés de bonnes intentions envers lui, de se cotiser volontairement (en appelant publiquement pour cela aussi loin qu'il le faudra, aux contributions financières d'autres personnes), pour fournir à ce jeune les moyens financiers de vivre sa vie en paix de manière financièrement modeste mais intellectuellement riche conformément à ses aspirations, et apporter ainsi pleinement au monde le maximum de fruits de son travail, en échappant à cet incommensurable gaspillage moral et intellectuel, personnel et collectif, sans contrepartie, que l'asservissement convenu de ce jeune aux institutions scolaires et d'enseignement supérieur auraient constitué.

Perversités philosophiques

Perverse est l'attitude qui consiste à chanter les louanges à la main de Dieu représentée par l'action du Destin, en invitant chacun à s'en remettre avec confiance à ce même Destin, au nom de tels ou tels exemples de vies que le destin a comblées de bonheur et d'amour. Car cette louange constitue intrinsèquement un mépris envers le fait qu'il arrive aussi bien à ce même Destin frappant suivant le hasard que lui laisse la dévote passivité des hommes à son égard, de torturer cruellement toute leur vie dans divers malheurs d'autres personnes qui n'ont nullement mérité un tel sort. Car la louange à Dieu vu comme auteur du destin, constitue une injure cruelle envers les victimes de ce même destin; et l'encouragement à s'en remettre passivement à l'action du destin au lieu de chercher à le dompter par exemple par des moyens organisationnels (genre invitation des célibataires sur des plateaux de télé...) ou informatiques (annonces de rencontres en ligne), constitue une participation tacite à son action cruelle.

Pervers est le fait de supporter sans être profondément scandalisé, le constat de cette incommensurable injustice du sort dans laquelle certains adolescents, sérieux, sensibles, doux et beaux, restent privés d'une relation amoureuse dont ils auraient un profond besoin, par un effet purement circonstanciel, de manque de rencontre de partenaire à leur goût, d'occupation, de timidité ou de manque d'occasion de se déclarer leur flamme, tandis que d'autres, au même âge, dévergondés voire machos, se trouvent en bénéficier largement.

Perverse est l'idée de trouver décemment acceptable de laisser passivement les célibataires qui ne parviennent pas à faire des rencontres par les moyens "traditionnels", aller se faire abuser, et mener comme du bêtail sur les plans du temps et de l'argent dépensés, par tous ces réseaux d'agences matrimoniales et de sites de rencontres, organisés par des hommes d'affaires sans scrupules, à l'efficacité toute relative comparativement au possible; démentiellement pervers est le fait de ne pas reconnaître comme une urgence humanitaire et une exigence de la plus élémentaire morale, de se lever pour aller organiser et offrir les stuctures sociales et informatiques les moins onéreuses et les plus faciles d'accès et performantes possibles, d'assistance à la rencontre amoureuse, car même une poignée de personnes bien avisées pourrait assez facilement mener une ainsi oeuvre bienfaitrice équivalente au salut de milliers voire millions de vies. Ainsi perverse est la tendance à dédaigner ces malheureux célibataires victimes d'un cruel destin comme s'ils étaient pleinement responsables de leur sort, en tort de ne pas bien penser, ou, au seul vu de ce malheur dont ils sont victimes, de n'être pas convenablement des personnes dites "sociales" conformément aux canons officiels de la normalité. Pervers est l'attitude d'acceptation, comme une chose décente, du blocage actuellement pratiqué de l'accès aux sites de rencontres dans les réseaux informatiques universitaires, dans la mesure où ces derniers constituent en pratique le seul accès au web de nombre d'étudiants.

Encore une autre perversité consiste, en face de quelqu'un qui est malheureux (par exemple à cause du célibat), à prendre systématiquement sans conteste possible de ce fait une sorte de rôle de professeur à son égard (sur le mode "je vais bien, tu vas mal et nos points de vue sont différents donc tu as un problème, ton point de vue est en tort et tu as besoin d'adopter le mien") en lui expliquant qu'il est le seul auteur de son propre malheur, expression du fait qu'il pense mal, se débrouille mal, qu'il commet une erreur de pessimisme ou quelque erreur de ce style.
Alors le conseiller va exiger à la suite de ces "bons conseils" et de ces "bonnes explications" confiance et adhésion sans conteste à la leçon prodiguée, comme nécessaire remerciement pour sa gentillesse de l'avoir prodiguée. Si l'autre ne s'y plie pas, il sera vu comme un vilain ingrat aveugle à l'infinie bonté des intentions du conseiller à son égard, et du coup méritera pleinement l'échec de cette aide. Mais, suivant les cas, il se peut que cette "leçon" ne corresponde pas à la réalité, et que celui à qui elle s'adresse avait en réalité raison, de sorte que l'évidence qu'il a en lui d'avoir raison ne lui permet pas au fond de lui d'adhérer aux erreurs prodiguées par le conseiller. Mais s'il ne sait pas se défendre en paroles voire éventuellement même envers lui-même, cela aura pour effet de doubler son malheur d'un écrasement moral sous un sentiment de culpabilité à ne pas "bien penser". Une telle démarche de tyrannisme idéologique pratiqué pour se donner bonne conscience sous des augures de "conseil charitable" en voulant voir le problème de l'autre comme étant "dans sa tête" et ainsi se dispenser d'entreprendre une aide plus concrète, voilà donc un bon gros exemple de perversité humaine.

Dans la même circonstance, perverse est l'exhortation qui s'énonce en des termes tels que "Crois-tu que tu es le seul à souffrir ainsi, et qu'il n'y a pas plus malheureux que toi ?", du genre à attendre de celui qui entend cette remarque, qu'il se réjouisse d'une joie sadique consistant à rassasier son âme de la pensée du malheur de plus malheureux que lui en guise de consolation; et à appaiser l'esprit de celui qui prodigue cette remarque, suivant la pensée de Staline: "Un mort c'est une tragédie; un million de morts c'est une statistique".

Pervers est le réflexe qui consiste, devant quelqu'un qui évoquerait l'idée de se suicider, de simplement lui dire "il ne faut pas faire cela" d'une manière à le mettre (même involontairement) en tort d'évoquer ou de faire cela; et d'affirmer comme un dogme que la vie vaut toujours la peine d'être vécue. En effet, un tel réflexe a pour effet inévitable (même s'il est involontaire) de couper le dialogue, et d'enfermer le malheureux dans le silence et la solitude de sa décision, jusqu'à ce qu'éventuellement il l'exécute, faute d'avoir véritablement fait l'effort de le comprendre et de rechercher des solutions. En effet, considérer dogmatiquement que la vie vaut forcément la peine d'être vécue, et que celui qui pense le contraire serait forcément en train de se tromper, a d'abord pour effet logiquement inéluctable, qu'on le veuille ou non, de mépriser l'opinion et l'expérience de celui-ci et ainsi de le rabaisser encore plus dans son malheur, par le fait de le "faire passer pour un idiot", surtout s'il a réellement d'excellentes raisons de considérer sa vie comme ne valant pas la peine d'être vécue. Ensuite, la pente natuellement inéluctable de la supericialisation des discussions face à l'incapacité de ce supposé tort à s'ancrer et s'attaquer à la réalité profonde du malheur à l'origine de cette considération, aboutira à rejetter ce tort sur le seul fait d'en parler. Ce qu'il faudrait faire au contraire, c'est de chercher sans a prioris à écouter le témoignage du malheureux avec un esprit d'ouverture, en essayant de comprendre les causes de son problème, pour voir s'il n'y aurait pas quelque chose que la société pourrait faire ou changer afin de mieux lui garantir une vie qui en vaille la peine.

Ou, sans aller jusqu'au cas des tentations de suicide, déjà est perverse l'attitude d'optimisme béa consistant à fermer les yeux sur le malheur de l'autre pour se donner bonne conscience en donnant tort à l'autre si ses plaintes s'avéraient réelles. Ainsi de considérer par exemple comme rien la souffrance du célibat de l'autre, en lui disant simplement "Il n'y a pas de problème car tu es jeune et tu trouveras" sans même s'engager formellement à le dédommager à hauteur d'au moins 30 000 euros après 10 ans pour le préjudice moral de cette fausse promesse et les catastrophes dues à la négligence collective qui aura pu en résulter, si jamais ce pronostic prétendument sûr s'avérait inexact.

Perversité politique

Perverse est l'idée d'appeler "solidarité intergénérationnelle" cette monstrueuse arnaque perpétrée par la génération précédente envers la génération suivante, consistant à  faire croire à cette dernière qu'en distributant à la génération des actuels retraités une pension que celle-ci n'avait pas épargnée, cela lui donnera droit "en échange" à prélever le montant de sa propre retraite à la génération qui suivra.
Sans compter tous les autres préjudices sociaux qui en résultent.

Conclusion

Ce tour d'horizon des immoralités qui dominent le comportement d'une si grande partie de la population, semble étrangement confirmer l'affirmation biblique suivant laquelle l'homme serait de nature gravement et profondément perverse, et que cette perversité humaine serait lourdement responsable d'une grande partie du malheur qui sévit sur terre.
Avec toutefois une remarque étrange à y ajouter: si le christianisme avait raison de dénoncer la nature profondément et radicalement pécheresse de la nature humaine, il est par contre demeuré lourdement incapable de discerner et de dénoncer explicitement les exemples concrets les plus graves et largement répandus de ces tares humaines.

On voit dès lors la profonde hypocrisie de cette prétention traditionnelle du christianisme à se présenter comme lui-même en rempart professionnel contre cette nature pécheresse, au nom de sa traditionnelle incantation abstraite de la dénonciation du péché et d'invitation à un mouvement de repentance spirituelle, qui ne l'ont jamais amené à pouvoir ne serait-ce que discerner les occurences effectives du mal.

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Philosophie morale