Ce texte est la conclusion de la suite de textes:
Introduction et position philosophique
Théorie libérale du pouvoir
Modèle mathématique
Ce qui reste vrai de la théorie classique sur la monnaie: la relance par l'épargne
L'équilibre monétaire.
Commentaires et critiques sur le communisme.
Appel aux associations actives sur Internet
La virtualisation à venir du travail
 

Les enjeux politiques de l'avenir

(texte de 2002 inachevé, mis à jour juillet 2019)

Les marxistes (dont je ne suis pas) parlent beaucoup des crises périodiques qui secouent le capitalisme, de la baisse tendancielle du taux de profit, de l'effondrement prochain du système, de la chute des classes dominantes et de l'avènement d'une nouvelle société enfin égalitaire et fraternelle. Voici quelques points de mon opinion sur ces questions ...

Sous la "baisse tendancielle du taux de profit", 2 choses sont à considérer : d'une part l'évolution des taux d'intérêt; d'autre part l'évolution des inégalités de richesses et revenus des capitaux. L'évolution des taux d'intérêt est liée d'une part à celle de la masse des capitaux présents, en rapport avec la masse des capitaux dont l'économie a besoin: si les capitaux s'accumulent sous forme de biens productifs, le taux d'intérêt par rapport à la croissance peut finir par tendre vers zéro. Mais le progrès économique apporte une autre cause d'évolution, à savoir la baisse du cout des biens de production (machines). Par contre la surpopulation renchérit la valeur de "biens" seulement reflets de la finitude de l'espace et des ressources, ni mieux produits ni plus productifs qu'avant.

Le système capitaliste qui a été en vigueur jusqu'à maintenant a plusieurs défauts:
1) Il est injuste (car il fait l'impasse sur la question du pouvoir), laissant s'établir des classes dominantes sur la politique et l'économie, outrancièrement riches sans l'avoir mérité, dont les intérêts diffèrent de l'intérêt général, et qui instaurent ainsi leurs propres règles du jeu et les imposent à toute la population; il laisse pénétrer les mafias et la corruption.
2) Ne prend pas suffisamment soin des problèmes environnementaux
3) Son système financier est corrompu et manque encore de stabilité, même si niveau stabilité il y a eu de grands progrès depuis les années 1930...

Le système actuel perdurera-t-il encore longtemps ou non ? Qu'est-ce qui peut le remplacer, et par quel processus: transition progressive ou soudaine... ? Certains imaginent le changement comme passant par une élection, une crise économique ou une insurrection sociale...
Je présente notamment deux concepts de solutions: une théorie libérale du pouvoir et une théorie monétaire.

La question de la stabilité financière; virtualisation de la monnaie

Il y a eu des "crises périodiques" du capitalisme vers le 19eme siecle, qui étaient dues à une faille béante précise du système financier international. Il y a de nouvelles crises mais elles ne sont plus périodiques, et ont de nouvelles causes beaucoup plus complexes dans un monde qui se complexifie; elles ne sont plus représentables par une vieille idéologie comme le marxisme.
Les "crises périodiques" n'étaient pas strictement une contradiction, mais un vide conceptuel, une absence de définition des mécanismes de marché qui seraient nécessaires, et ce vide laissait l'économie (particulièrement les valeurs monétaires) flotter au gré du vent : dans un monde fait de conventions sociales, la réalité n'est pas entièrement autonome par rapport à la théorie, et une insuffisance théorique engendre une instabilité réelle. L'étalon-or donnait aux crises financières du 19ème siècle leur forme cyclique. La stabilité monétaire n'avait pas de "raison" de s'établir avant qu'elle ne soit pris en charge par les banques centrales à partir des années 30.
Là, avec la fin de l'étalon-or, par des recettes vagues et approximatives (politiquesmonétaires, keynésiennes ou monétaristes), les crises périodiques se sont calmées parce qu'il n'y a pas non plus de raison qu'elles se produisent, aucune force ne les y pousse. Les cryptographes se faisant un fort de réinventer les systèmes monétaires primitifs du 19ème siècle habillés d'une nouvelle mode numérique, ressuscitent par leurs chères cryptomonnaies la misère des crises périodiques qui en résultait, sauf qu'à la vitesse des autoroutes de l'information ces crises sont désormais beaucoup plus rapides.

Mais actuellement, deux risques de crise financière se préparent.
Le premier est accidentel et réparable: c'est l'endettement des Etats (auquel s'ajoute la dette implicite que constitue le système de retraite par répartition qui va souffrir du papy boom).
Soit on résorbe enfin les déficits en freinant drastiquement les dépenses publiques et les gaspillages, et la crise peut être évitée.
Soit on continue dans l'inconscience et on court à la catastrophe comme en Grèce: une crise financière majeure et/ou une crise d'autorité des institutions publiques.
Ce danger n'est pourtant pas un problème fondamental: une fois la crise passée et de nombreuses personnes ruinées, le même système peut se relever et reprendre son fonctionnement sur des bases quantitatives plus saines, en se promettant (une fois de plus) de ne plus jamais sombrer dans un tel endettement.

Le deuxième est plus profond: c'est l'effet de la virtualisation prochaine de la monnaie et de l'économie. Si la liberté de communication est respectée, la nature virtuelle incontrôlable de la monnaie va bientôt rendre vaines les recettes actuelles de stabilisation monétaire en frappant d'obsolescence le concept de masse monétaire sur lequel elles reposent.
Dans la revue Alternatives Economiques hors-série n°45, p.60, on peut lire par exemple: "La monnaie a besoin d'être homogène, d'obéir à une logique de monopole pour fonctionner correctement"; "le problème, avec la monnaie électronique, c'est que ces outils [de gestion de la monnaie par l'Etat] ne s'appliquent plus: la monnaie devient capable d'échapper à l'action des banque centrales"; "Pour l'instant, il est très difficile d'imaginer comment les banques centrales pourraient conserver le contrôle de la création monétaire sur Internet. En réfléchissant, on s'aperçoit qu'il n'y a probablement guère qu'une solution: un système de paiement unique à l'échelle mondiale". Ce avec quoi je ne suis pas d'accord, puisque je pense que des monnaies libres peuvent être stables, mais à condition de les fonder sur une logique nouvelle et rigoureuse.

L'imperfection fondamentale du système monétaire sera alors intenable: ou bien il engendrera à nouveau des crises monétaires face auxquelles on n'aura plus de remèdes (faute d'étalon-or, ces crises n'auront plus de raisons d'être cycliques, elles deviendront conjoncturelles et chaotiques), ou bien on mettra en place de nouveaux mécanismes de stabilité monétaire plus fiables ; en tout cas, le système deviendra soit plus stable soit moins stable. Il me semble peu probable que les gouvernements actuels adopteront un système vraiment cohérent, du fait de leur inertie.

Bien sûr, au risque général d'instabilité peuvent toujours s'ajouter des évènements imprévus poussant effectivement telle ou telle monnaie en l'un ou l'autre sens, style attentats du WTC, tempêtes et catastrophes écologiques, etc...

La virtualisation de l'économie

L'autre cause de changement, qui est au fond de même forme et de mêmes effets que la virtualisation de la monnaie, est la virtualisation du travail. Voici ses effets prévisibles sur la politique.

Jusqu'à maintenant, l'économie était en grande partie officielle et les impôts pouvaient s'y exercer, parce que les marchés habitaient le domaine public : pour vendre il fallait un magasin, et les marchandises vendues étaient celles exposées dans le magasin.
Pour travailler, il fallait un local en forme de lieu de travail, et les travailleurs étaient les gens qui pénétraient ce lieu.

Dorénavant, il suffira d'interagir chez soi avec un appareil électronique relié aux autoroutes de l'information, aussi bien pour travailler que pour faire son shopping.
Car le shopping c'est deux choses: d'abord on fait son choix et ensuite on ramène chez soi.
Pour faire son choix, ça pourra être plus rapide de chez soi si les appareils électroniques sont assez puissants et polyvalents pour donner des objets à vendre une image réaliste complète. Pour ramener les choses chez soi, le transport effectué actuellement par le client comporte un gaspillage d'énergie assez important, puisqu'on fait l'aller à vide et qu'on ne revient qu'avec quelques objets. C'est un gaspillage de temps pour le client et d'énergie pour les véhicules. Il serait beaucoup plus rentable qu'une camionnette fasse la tournée des distributions entre plusieurs clients suivant un trajet optimisé par ordinateur.
Mais, que le transport soit fait par le client ou le vendeur, rien ne les force à le déclarer comme professionnel s'ils se sont mis d'accord là-dessus: un véhicule privé peut faire l'affaire.
Ou encore il peut y avoir des sortes de boutiques ou mini-entrepôts du coin de la rue qui recevraient en bloc des livraisons des commandes effectuées par les habitants de la rue. Ils signaleraient électroniquement aux clients qu'ils peuvent venir chercher leur marchandise (utile en cas d'absence ou d'indisposition momentanée du client)

En tout cas, le travail et les marchés risqueront d'échapper en grande partie à la surveillance des gouvernements car ils se seront réfugiés dans le secret de la vie privée de ses acteurs reliés entre eux par des flux d'informations. Ces flux d'informations, si elles sont privées, peuvent former des économies parallèles (ouvertes ou d'accès réservé à des groupes restreints) avec leurs monnaies virtuelles cachées dans le cyberespace.

Ces phénomènes de virtualisation du travail, des marchés et de la monnaie, forceront le système actuel à évoluer vers un nouveau système... ou vers le chaos.

Systèmes possibles à venir

Je ne crois pas qu'une société sans monnaie soit possible à moyen terme (le très long terme se chargera de lui-méme). L'avenir politique du monde est donc placé devant l'alternative suivante:

Ou bien les autoroutes de l'information seront fliquées et le cryptage des communications interdit pour empêcher le développement des cyberéconomies souterraines. Ce sera le règne de Big Brother et la dictature mondiale semblable à l'empire Soviétique.

Ou bien les communications privées se développeront librement, et alors le libéralisme triomphera par la méthode du fait accompli (cyberéconomies souterraines) vis-à-vis des Etats.

Il peut se développer des logiciels spécialisés dans l'arrangement automatique des déclarations de comptes faux, ajustant des oublis de travaux et de ventes, pour paraître justes devant le fisc et permettre donc l'évasion fiscale.
Les paradis fiscaux des îles off-shore "géographiques" perdront de leur attrait, concurrencés par ceux du cyberespace doués d'une omniprésence et de possibilités infinies. Tant qu'une grande partie des impôts visera des paramètres conventionnels donc facilement faussables comme le travail et les ventes, la facilité d'échapper à l'impôt en s'évadant dans le cyberespace pourra rendre bien difficile de rembourser les dettes des Etats et payer les retraites par répartition. La solution devrait être évidente: transition vers la taxe carbone et autres taxes environnementales, impôts fonciers.

Les détails dépendront de plusieurs facteurs, notamment de la masse des décisions individuelles (orientées soit vers l'individualisme soit vers la solidarité) et de la forme des logiciels qui seront développés. Suivant les cas les changements peuvent être de très positifs (cohérents et respectueux de l'intérêt général) à très négatifs: cela pourrait être le chaos, les crises et les conflits permanents, le règne des mafias, corporations, corruption, monopoles ou autres cartels, une guerre civile larvée, etc.

Philosophie du changement

(Le site Nouvelle Société présente un texte sur ce sujet, parmi d'autres très intéressants aussi)
Je ne pense pas que l'Histoire soit déterminée à l'avance, comme une fatalité. Beaucoup de gens ont tendance à prendre comme fatalité la situation du monde tel qu'il est, soit comme si on ne pouvait rien y changer (ridicule, puisqu'on sait que l'Histoire passée est pleine de bouleversement qui étaient parfois inattendus, beaucoup de carcans ont sauté) ou si la direction des changements était inéluctable.
Je pense que l'avenir dépend de ce que nous en faisons, et qu'il est du devoir de tous ceux qui le peuvent (c'est-à-dire de beaucoup, sans rapport avec la distribution des soi-disant pouvoirs du système actuel en perdition) d'y contribuer. La liberté ne s'use que si on ne s'en sert pas, et de ce point de vue elle est effroyablement usée dans le monde actuel. Je parle de la liberté intellectuelle créatice, la résistance au conformisme et à l'imbécilité actuellement de règle à l'école et à la télévision.
Un jour que j'en parlais à un inconnu, il me répondit : "Si tu veux remettre en question le fonctionnement de la société, il faut aller jusqu'au bout et supprimer l'argent".
A cela je réponds: aller jusqu'au bout c'est bien, mais jusqu'au bout de quoi ? Vouloir "supprimer l'argent" ne serait qu'une manière d'aller "jusqu'au bout en fonçant tête baissée comme un abruti", c'est-à-dire jusqu'au bout de nulle part.
Mon seul jusqu'au boutisme est celui de l'analyse réfléchie des problèmes pour pouvoir construire une solution qui tienne debout. Or, beaucoup de gens ont tendance à ne pas réfléchir et à suivre les flèches posées par la société, ou alors de les détruire en perdant tout repère; mais lorsqu'ils réfléchissent, ils appliquent des schémas préétablis, notamment suivant une idéologie politicienne (discutant de ce que l'Etat devrait faire et ne s'apercevant pas que l'Etat n'est plus rien). Mais c'est de cela qu'il faudrait sortir.

Remarque sur les pouvoirs

Il y a deux forces passives:

Et en gros deux sortes de forces actives: Ces deux forcent s'opposent par une lutte souterraine, prenant les deux forces passives comme armes et objets de conquête, qui pourra s'amplifier : lutte d'influence, d'intelligence, d'information, de secret et de désinformation, d'espionnage, d'infiltration et de capture, de logiciels, de procédures légales, de piratage informatique, une guerre financière passant par des batailles d'implémentation de systèmes monétaires virtuels, fermés (type intranet) ou non, tandis que les monnaies officielles risquent d'être secouées par des crises et des scandales.

Bien sûr, l'écologie, la justice, l'éducation, le développement, la santé, la lutte contre la faim et pour la paix dans le monde sont des enjeux très importants, mais ils sont secondaires dans ce sens que leur traitement dépend des enjeux décrits plus hauts (ou ils peuvent être également les instruments ou objets de conquête), et non l'inverse (en première approximation du moins).

Nouveaux textes

Bien plus tard, j'ai rédigé une longue série de textes sur les enjeux de l'avenir en anglais.

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