La rencontre personnelle avec Dieu

Louvain-la-Neuve, printemps 2003.  Un jour je rencontrai dans la rue deux Mormons en tournée missionnaire. Je décidai d'entamer la conversation avec eux un quart d'heure, comme une occasion de m'exprimer, de leur partager mon expérience et mes convictions, sans même espérer qu'ils puissent m'apporter encore quelque aide spirituelle utile. Cela faisait presque un an que j'avais quitté les églises évangéliques, dépité d'avoir si longtemps cherché Dieu en vain, d'y avoir cru si fortement, avoir même été très fervent pendant une période, d'avoir donné ma vie à Dieu de tout mon coeur des centaines de fois sans que jamais Il ne la ramasse, de n'avoir pas trouvé finalement dans le christianisme de solution à mes problèmes, d'avoir constaté qu'une bonne part de leur enseignement était faux, et que Dieu n'a pas été là ni pour m'aider ou me soutenir spirituellement, moralement ou pratiquement ni pour inspirer la parole des autres chrétiens et pasteurs à qui j'avais tenté de demander de l'aide. Bref, j'avais le fort sentiment comme d'avoir été vulgairement trahi par Dieu à travers l'Eglise, l'Evangile et la doctrine chrétiennes sensés Le représenter.
Etait-ce l'un des deux ou les deux de ces Mormons, je ne sais plus, mais son discours et sa manière d'être rayonnait d'une sérénité fantastique. Une paix de Dieu qui transcende tout ce qu'un homme peut rêver ou tenter de construire, et que rien au monde ne pourra jamais perturber. Or, je ne lui laissai pas facilement la parole, estimant que j'avais déjà trop reçu de leçons de morale religieuse dans ma vie et qu'il était temps que j'exprime enfin ce que j'avais sur le coeur; lui aussi faisait son possible pour tirer la parole de son côté et m'exposer sa solution (d'autant plus qu'il n'avait pas beaucoup de temps), à savoir bien sûr, devenir mormon.
Or, quelle attidude insensée, négative et ingrate envers Dieu avais-je là: moi qui étais dans le pétrin spirituellement, ayant vainement cherché Dieu et ne l'ayant pas trouvé; devant quelqu'un L'ayant visiblement trouvé et me tendant la main pour m'offrir la solution, je refusais clairement, à cause de mon expérience.
Il me dit quelque chose du style :
- Es-tu prêt à renoncer enfin à ta révolte et faire l'effort, ce soir, de t'en remettre à Dieu, Le prier de tout ton coeur en Lui demandant qu'Il se révèle à toi et te montre la voie, attendant sincèrement de Lui une réponse ?
- Cela, je l'ai fait une quantité innombrable de fois lorque j'étais évangélique, de tout mon coeur... en vain.
- Mais nous ne sommes pas évangéliques ! Nous sommes Mormons ! Il ne faut surtout pas confondre. Cela, tu ne l'as pas encore essayé.

Certes, l'argument était théoriquement imparable. Cependant je ne l'acceptai pas.
Comme il n'avait plus de temps et devait partir, Je lui dis pour conclure: "J'envie ta sérénité. Mais je ne peux y accéder, et ce n'est pas de ma faute".

Quelle signification cette aventure a-t-elle pour moi ?
D'abord, pourquoi sa sérénité ne prouve-t-elle pas que sa religion est la vraie et résoudrait mes problèmes ?
C'est simple: cela démontre seulement, dans un ensemble, l'existence d'un élément possédant deux propriétés données. De cette existence on ne peut en déduire que l'une soit la cause de l'autre en sorte que pour tout autre élément de l'ensemble, la réalisation l'une des deux propriétés entraînera celle de l'autre.
Ensuite, ça me rappelle la méthode publicitaire hyper usée consistant à montrer quelqu'un en super forme consommant tel produit, pour suggérer que la consommation de ce produit nous donnerait également la pêche à son image.
Mais en fait, ce n'est pas exactement cela non plus. En un sens, ce n'est pas que l'argument manquait de poids. Au contraire. C'était un trop bel argument. C'était une preuve de trop.
Lorsqu'ainsi un même argument peut servir à démontrer aussi bien, suivant les circonstances, deux propositions mutuellement incompatibles, c'est que finalement il n'en démontre aucune.

Vous ne saisissez toujours pas ? Alors je vous explique:

La petite histoire qu'on nous raconte d'habitude, donc, c'est que, chaque chrétien, un beau jour, pour se convertir, répand son coeur devant Dieu et reçoit Sa grâce, une sorte d'illumination, qu'on appelle aussi nouvelle naissance, baptême du St Esprit, rencontre avec le Christ, ou que sais-je encore, bref, quelque expérience spirituelle surnaturelle. Cela, je l'ai prié de nombreuses fois de tout mon coeur et ne l'ai jamais reçu. J'ai entendu un bon nombre de chrétiens dire qu'ils l'avaient reçu.
Quand j'ai demandé des explications, il n'est pas rare qu'on me réponde quelque chose du genre: d'abord, cela n'est pas donné à tous, car c'est l'oeuvre du St Esprit, dont nous ne pouvons rien exiger. Ensuite, tous n'en ont pas forcément besoin, car la foi suffit. L'oeuvre du St Esprit, c'est d'abord le miracle de la foi. Si tu as la foi, c'est que le St Esprit a déjà oeuvré en toi; cela peut être suffisant sans avoir besoin d'autre chose, et la nouvelle naissance a eu lieu sans qu'on s'en aperçoive, elle s'est produite dans le secret de l'Esprit même si elle n'est pas encore manifestée explicitement. Or, j'avais effectivement la foi, une foi fervente même.

Mais ce n'est pas la seule interprétation possible parmi les chrétiens. Il y en a une autre, qui traine parfois, traduisant en gros un certain passage biblique disant que Dieu n'est pas éloigné mais que ce sont nos péchés qui mettent une barrière entre nous et Dieu. Cela pour dire que Dieu veut nous rencontrer et que donc si cela n'arrive pas, c'est parce que nous ne le voulons pas vraiment ou nous sommes de vilains pécheurs indignes de Lui, manquant de foi et ne Lui laissant pas la place nécessaire dans notre vie.
Cela me rappelle les méthodes de l'inquisition: pour prouver la sorcellerie de quelqu'un, on lui demande d'avouer. S'il n'avoue pas, cela le rend encore plus coupable de ne pas avouer. Alors, on le soumet à la torture jusqu'à ce qu'il avoue. S'il n'avoue toujours pas, c'est qu'on ne l'a pas encore torturé assez et il faut continuer encore plus, jusqu'à ce qu'il avoue. S'il en meurt, c'est de sa faute, il l'a bien mérité.
La différence c'est qu'ici il s'agit d'une torture morale à infliger à soi-même.
Ici, les apprentis chrétiens prennent Dieu en ôtage et ne le lâcheront pas tant qu'Il ne leur aura pas dit (ou tant qu'ils ne croiront pas entendre de Sa part) ce qu'ils veulent qu'Il leur dise, à savoir que Jésus est leur sauveur. Ils n'en ont rien à foutre que Jésus ait existé ou non et que la Bible entière ne soit qu'une grosse foutaise: ils veulent que Dieu leur dise que la Bible est de Lui et ne toléreront aucune contradiction de Sa part sur ce point. De toute façon, Il n'a pas le choix: on n'a que cela à proposer à Dieu pour réclamer un acquiecement de Sa part, et toute tentative qu'Il pourrait avoir de nous faire changer de doctrine ou d'objectif est vouée a l'échec faute de support adéquat (ils ne laissent à Dieu rien d'autre que la Bible par quoi Il pourrait tenter de les faire réfléchir).
Or, devant une telle démonstration d'auto-flagellation destructrice, comment Dieu ainsi pris en ôtage du risque de manifester un cruel silence devant un tel zèle n'aurait-il pas pitié et ne viendrait-il pas apporter à la personne un zeste de réconfort ? A moins que ce soit la simple intuition naturelle de la confiance en Dieu et de l'assurance du salut personnel qui émerge lors de l'apaisement de l'esprit qui suit cette bataille des pensées, où la crainte de la perdition se dissipe en contraste avec la théorie inculquée du péché et de la perdition qui était en train de nous dévorer, et l'on croit alors au miracle.

Lorsqu'ensuite on émerge de cet état de grâce et qu'on cherche à lui donner une interprétation théorique, on a besoin de se raccrocher à quelque chose. Cette expérience magnifique semblerait absurde si l'on n'en tirait pas la leçon d'une vérité à croire et d'une voie à suivre. Pourquoi ? A cause de la doctrine du salut par la foi et du besoin légitime de réponses à nos questions existentielles. Faute d'une vérité ou d'une doctrine quelconque à se mettre en tête pour savoir où aller et quoi penser, on se sentira encore perdu, et la doctrine insiste que sans la Vérité on est perdu. Or on n'est pas perdu, on vient d'en faire la démonstration. On vient même tout juste de réaliser la démarche vers le salut. C'est donc que la doctrine qui nous a amenés jusqu'ici est la Vérité, CQFD.

Et puis, on peut se demander: si la rencontre avec Dieu, révélation du St Esprit, est si claire que cela en matière de confirmation par l'Esprit Saint de la véracité de l'Ecriture dans ses détails, comment cette révélation n'est-elle pas accompagnée d'un éclairage sur ces détails eux-mêmes en sorte qu'on n'aurait plus besoin de lire la Bible matériellement pour la connaître ? Précisément, si après la rencontre avec Dieu on se trouvait à étudier un autre livre que la Bible soigneusement conçu pour se présenter comme une Parole de Dieu, d'après quoi verrait-on la différence ?

Mais je constate que bien souvent, dans les discussions sur leur témoignage en particulier, nombre de chrétiens ont abandonné toute réflexion vivante authentique au profit d'une manie du copier-coller de passages bibliques, qui ne témoigne rien d'autre que le fait qu'ils n'ont plus aucune imagination et ne savent rien faire de mieux que de se faire le perroquet de la Bible et des autres chrétiens qui pensent comme eux. Ils pensent et vivent par personne ou livre interposé, ils vivent dans leurs fictions qui fonctionnent par leur répétition automatique et vide de sens. Il n'y a aucune vie en Dieu là-dedans, aucune spriritualité, bien au contraire. Rien qu'une poésie qui séduit par son rythme en se foutant pas mal de vouloir dire quelque chose ou pas. Ils ne vivent plus en eux-même, ils se réduisent à un écho, un haut-parleur, un répétiteur, ils ne sont que l'ombre d'eux-mêmes. Ils sont infiniment loin de Dieu, bien plus loin de Dieu que n'importe quel athée.

Pour ceux qui ne partageraient pas cet avis, je les mets au défi de m'expliquer qu'est-ce qui, dans leur propre témoignage ou dans celui de qui ils veulent, leur indique précisément qu'il comporte une véritable rencontre avec Dieu et pas seulement du pipo, des mots en l'air et du sensationnel miraculeux à deux balles. Quels sont les critères ou autres manifestations par lesquels ils voient ça ?

Bien sûr, je ne demande pas une "preuve" en un sens formel et réductionniste, comme certains m'accuseraient de demander en m'accusant d'une sorte de matérialisme a priori. Mais je demande un "témoignage" en un sens authentique et spirituel, à savoir une véritable indication qu'il s'est passé quelque chose de profond, même si bien sûr on ne peut pas définir rigoureusement ce dont il s'agit. Pour préciser ma question, je me réfèrerais aux différents témoignages de NDE, dans lesquels certains témoins rencontrent une lumière d'amour d'une intensité fantastique. Là au moins, il apparaît que ces témoignages ont un contenu, alors même que ce contenu ne peut pas pleinement s'exprimer dans nos mots humains. Faute de pouvoir exprimer pleinement ce qu'ils ont vécu, les témoins arrivent à en dire quelque chose, un vague aperçu. Y compris, le fait qu'ils n'ont pas de mots suffisants pour exprimer ce qu'ils ont vécu. Ce qui, faute d'exprimer effectivement le contenu réel de ce témoignage, a au moins le mérite d'exprimer l'existence d'un contenu qu'ils n'arrivent pas à exprimer, ce qui est déjà quelque chose. Et, le peu qu'ils arrivent à en dire, faute de nous transmettre leur expérience, nous permet du moins d'en avoir une petite idée, et cette petite idée nous raconte qu'il s'est passé quelque chose d'extrêment grand et de fantastique. Ils n'emploient pas l'expression "rencontrer Dieu" car ces mots leur paraissent dérisoires ou inappropriés. Ils cherchent à exprimer leur vécu plus précisément, quitte à ne pas y arriver. Et cela a bouleversé leur vie, qu'ils se mettent à voir autrement. Et cela risque de les plonger dans une forme d'isolement et une difficulté à se réadapter à la vie, car ils ont découvert qu'il y a une autre vie que notre vie actuelle et qui remet en question les préoccupations quotidiennes, et que la plupart des autres humains ne connaissent pas. Et ils ont peine à raconter ce qu'ils ont vécu, étant confrontés à cette difficulté d'expression. Cette difficulté peut engendrer une frustration dans les relations à autrui. Mais les autres ne sont nullement reprochables ni reprochés de cette incompréhension. Néanmoins ces témoins arrivent généralement à compenser cela par une nouvelle manière d'être, une manière d'aimer sans chercher à exprimer ce qui honnêtement et profondément est inexprimable, et cette manière d'être est ce qui finalement leur sert de moyen d'expression de leur vécu au-delà des mots.

Les prétendus témoignages chrétiens sont, il me semble, très différents de cela. Il ne s'y trouve rien d'indiscible, car tout y est trivial: ils ont rencontré Dieu (ou Jésus), c'est trivial. Cette affirmation se suffit à elle-même et il n'y a rien de plus à en dire, pas d'autre détail ou commentaire à y ajouter, c'est trivial aussi. Ils nous assènent leur vérité sur un ton qui ne tolère aucun doute (le doute serait reproché comme une faute), d'une manière qui se prétend auto-suffisante. Ils ne cherchent même pas à discuter de ce que les mots "Dieu" ou "rencontrer Dieu" peuvent vouloir dire, ils sont très satisfaits de ces mots et supposent sans se poser de question que tout le monde les comprendra. Rien ne les bloque donc dans le récit de leur témoignage qu'ils se croient obligés de répéter en le criant sur les toits en demandant à tous de les croire.
Quant à la manière dont cela aurait changé leur vie, je demande à voir. Certes, souvent ils mettent en avant certains changement positifs, mais ont tendance à éviter d'entrer dans les détails d'analyse pourtant nécessaires pour que les autres puissent sérieusement en faire leur propre évaluation.  Cette contradiction entre proclamation d'un évènement prétendument infini et transcendant (impliquant Dieu) et la trivialité de son récit (quel rapport précis avec Dieu ont-ils eu, au fait ? Sont-ils devenus Ses potes ou ont-ils seulement entre-aperçu l'ombre de Son manteau ???), récit qui n'exprime finalement rien de spécial au sujet de ce Dieu, voilà ce qui me fait douter sérieusement qu'il s'y soit véritablement passé quelque chose de profond et d'authentique dans cette prétendue rencontre. Plus précisément, vue leur attitude systématique de "choisir de croire" tout ce qu'ils racontent et en particulier tout ce qui est écrit dans la Bible au lieu d'en faire leur propre estimation, auraient-ils seulement, en guise de rencontre, choisi de croire qu'ils ont rencontré Dieu ? La Bible semble tellement insinuer que la foi ne peut exister que par l'oeuvre de Dieu, et que celui qui croit au Fils a la vie, qu'ils se sont peut-être contentés de voir s'ils avaient la foi, et de faire confiance à la Bible disant que la foi sauve et constitue une vie avec Dieu, en sorte qu'ils ont cru pouvoir appeler "rencontre avec Dieu" cette foi ? Ne parlent-ils pas de "rencontrer Dieu par la foi", menant à la confusion des termes entre foi et rencontre avec Dieu ? Surtout qu'il s'agit de la foi dans un texte qui n'a visiblement rien de Dieu, mais de la foi dans l'idée que ce texte serait de Dieu; dans un texte trompeur, qui invite à des démarches d'auto-persuasions biaisées, plein de confusions entre concepts, et entre ce texte lui-même et Dieu.

Constatant ainsi que les témoignages chrétiens de "rencontre avec Dieu" se manifestent comme étant beaucoup moins vivants que les témoignages d'expériences proches de la mort, je demande donc des explications du sens profond de ce qui pourrait se passer sur un plan vraiment spirituel dans cette "rencontre", ou de fruits qui en seraient dignes et de véritables témoignages, au-delà des diverses superficialités qui malgré ma longue expérience de vie chrétienne et d'écoute de prétendus témoignages chrétiens, sont tout ce dont j'ai eu l'honneur d'entendre parler.

Car, qu'ai-je vu passer jusqu'a présent ? Quand on entend ou lit des "témoignages" chrétiens de rencontres avec Dieu, il peut certes y en avoir qui sont intéressants, réjouissants, remarquables. Des gens qui auparavant souffraient d'orgueil, d'un mauvais caractère, d'une mauvaise vie, et puis qui un jour ont été changes. Et alors ?
"c'est la lumière de Dieu dans leur vie qui leur a révélé, qui leur a montré qu'ils avaient en eux mêmes cette puissance d'héridité depuis la chute"
Il y a des gens qui souffrent d'un mauvais caractère dont ils ont du mal à se débarrasser effectivement. Voir sur ce point les commentaires ci-dessous. Il y en a d'autres (ou les mêmes) qui, confrontés à l'expérience de la vie, seraient sur le point de réaliser l'évidence que la Bible est un noeud d'absurdités insoutenables, et qui ont un mal de chien à nier cette évidence et à fermer les yeux dessus afin de garder leur foi. Dans les deux cas, pas besoin d'être Dieu pour comprendre les causes, la mesure et la difficulté de la lutte "spirituelle" qu'ils mènent, sauf du point de vue de la personne concernée qui peut se sentir dépassée par les évènements effectivement. En tout cas, je trouve ce Dieu bien petit dans ses "révélations spirituelles". Autrement dit:
"c'est si simple !!! mettons la parole de Dieu en pratique et nous verrons si à l'intérieur de nous même, il y a pas un combat, quand on est pas régénérés bien sur"
C'est ça, avalons et pratiquons les absurdités bibliques sans réfléchir et nous verrons si à l'intérieur de nous-même on ne sentira pas quelque chose qui cloche, quand on est pas encore réduit par cette doctrine et les esprits qui planent dans les airs à l'état d'abruti fini bien sûr.

Un problème important est la tentation à laquelle succombent beaucoup de gens mais plus particulièrement les chrétiens, de prendre leur cas pour une généralité. Si des gens étaient autrefois mauvais, orgueilleux et révoltés contre Dieu et contre tout, puis qui se sont convertis et ont été guéris de certains travers, puis qui voient d'autres personnes critiquer sévèrement leur foi, ils risquent facilement de s'imaginer connaître cela et l'avoir vécu, mais cela est faux. Effectivement cette critique sévère peut avoir une certaine ressemblance superficielle avec leur situation d'autrefois, et ils font le rapprochement parce que c'est ce qui dans leur expérience a l'air de ressembler le plus à cette attitude. Mais en réalité ça n'a rien à voir.
Pour expliquer encore: un aspect de ce que j'aurais à dire des fameux témoignages chrétiens qui changent la vie se trouve "comme par hasard" exprimé dans les Evangiles (qui ne sont pas une référence pour moi, juste un moyen d'exprimer mon idée). En effet, il y est écrit: ce ne sont pas les gens bien portant qui ont besoin de médecins, mais les malades. (Jésus) n'est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Mt 9.9-13; Mc 2.13-17; Lc 5.27-32). Effectivement ils ont pu être "malades" d'orgueil et de mauvais caractère. Et le christianisme a été un remède efficace à ce mal, sans doute le remède le plus efficace dont on pouvait disposer dans le contexte du monde actuel. Mais un remède n'est pas une nourriture, et il n'est un bien que face à une maladie. Or, la maladie étant ici l'orgueil et le mauvais caractère, elle a la particularité de refuser son propre diagnostic et donc de refuser la guérison. Face à cela, il serait contre-productif de dire la vérité, à savoir que cette maladie n'affecte pas tout le monde, ni tous les hommes de manière égale. S'il s'agissait d'évaluer la maladie par des mesures honnêtement humaines, l'orgueil répondrait: moi aussi j'ai droit à la parole, moi aussi je sais, et je conteste le diagnostic que d'autres hommes m'adressent. L'orgueil dirait: puisque tout le monde n'est pas orgueilleux, eh bien ça n'arrive qu'à d'autres, et moi non plus je ne suis pas orgueilleux. Pour que l'orgueil puisse s'avouer et se guérir, il s'avère en pratique très utile de lui asséner des mensonges salvateurs, en prétendant que oui tu es orgueilleux et mauvais parce que c'est Dieu qui le dit, et que tout le monde est aussi mauvais et donc tu ne peux pas être une exception. Il faut lui faire croire que c'est grave, en agitant la menace de l'enfer, jusqu'à ce qu'il cède. Ensuite, il peut y avoir le témoignage d'une joie profonde lors de cette libération. Je comprends que la guérison de ce mal puisse grandement soulager, et qu'elle ait paru surnaturelle pour ces gens, relativement à l'incapacité de s'en délivrer à laquelle ils étaient soumis. En effet, ce qui est hors de portée des efforts d'une personne et que finalement elle atteint de manière inespérée peut lui sembler une chose surnaturelle, surhumaine. Mais c'est seulement une chose surhumaine pour elle, relativement à sa vie passée. Cela ne prouve pas que cela soit surnaturel ou surhumain dans l'absolu, et il est tout-à-fait possible que ce soit des choses naturelles pour d'autres, y compris des non-chrétiens, des gens qui n'ont pas entendu parler de l'Evangile ou qui le rejettent, y compris des athées.
Quant à moi, je me suis assez repenti quand j'étais chrétien, mon orgueil a été suffisamment brisé en sorte que je n'ai plus besoin de ce remède de cheval. J'ai acquis une bonne expérience de discernement de la réalité, et même s'il peut encore m'arriver de commettre quelques erreurs et de m'emporter dans certaines discussions en allant droit au but de la vérité oubliant la politesse et autres égards pour la difficulté que les autres ont de la rejoindre, dans l'ensemble je ne commets plus d'erreur majeure, sinon qu'on me le dise j'en suis curieux, mais cela n'arrive pas.

D'autre part, il y a des chrétiens qui disent que le christianisme n'est pas une religion mais une relation à Dieu. Prétention vide de sens, comme n'importe quelle religion peut prétendre exactement la même chose pour les mêmes raisons. Cette manière de mépriser ceux qui ne pensent pas exactement la même chose en les traitant de "religieux" par opposion à soi-même qui aurait le monopole de la vraie relation à Dieu est une autre occurence de ce que j'ai expliqué ici. Ces gens se fourrent le doigt dans l'oeil en croyant que ce Jésus avec qui ils prétendent avoir une relation serait autre chose qu'une doctrine religieuse. Je dis cela tel que je le vois clairement. Je sais que les chrétiens sont allergiques à cette assimilation, ils croient qu'il y a une distinction fondamentale. Mais j'ai examiné les choses et je témoigne qu'il n'y a pas de differénce, que leur distinction est vide de sens, l'idée d'un plus n'est qu'une vaine prétention et une supposition qu'ils ont dans la tête, un faux concept qui leur sert de jocker magique, une manière pratique de dénigrer leurs contradicteurs (accusés de critiquer seulement la religion sans accéder au fond du problème qui serait ce Christ qu'ils ne connaissent pas) ainsi que leurs frères chrétiens qui ne rentrent pas dans leur conception personnelle de la vie avec le Christ. C'est là encore une savante technique de malhonnêteté intellectuelle propre au christianisme évangélique. Une prétention de parler de quelque chose qui soit leur secret hors d'atteinte du dialogue critique, pour se placer au-dessus des autres, se laver les mains gratuitement de tous leurs travers et rendre jaloux leurs voisins. Mais si on commence à se demander ce que ça veut dire exactement, c'est du vide. La preuve, tout ce que ces fous du Christ en racontent ne décolle pas de la même platitude et banalité. Rien qu'un baratin prétendant qu'ils ont quelque chose d'unique en entrée, mais en sortie ils n'en tirent aucune oeuvre ni aucune idée originale qui en témoigne, que leurs vaines proclamations. Comme il est écrit: vous jugerez les arbres à leurs fruits. J'ai regardé les fruits du christianisme, et je les ai trouvés faibles voire négatifs sous certains aspects. Je parle des fruits de ceux qui se revendiquent de leur "rencontre réelle avec le Christ par opposition au christianisme" évidemment.

En conclusion: la conversion, accompagnée éventuellement de ce qui apparaît comme une rencontre personnelle avec Dieu plus ou moins profonde, quelle que soit sa profondeur réelle ou au contraire illusoire mais portant néanmoins le mérite de constituer un jaillissement de ferveur et de bonne volonté dans une perspective plus vaste que le quotidien personnel, peut être une expérience spirituelle merveilleuse, ce n'est pas moi qui dirai le contraire.
Il est d'autant plus primordial de veiller à ne pas l'asservir à une idéologie rétrograde comme celle de l'Evangile.


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