PREFACE

 

                      Après avoir été enseignée pendant de nombreuses années dès le CP, «tuant» ainsi toute une génération d'élèves en les dégoûtant à jamais des mathématiques et de tout ce qui s'y rapporte de près ou de loin, la théorie des ensembles a aujourd'hui totalement disparu des programmes du secondaire, voire même du supérieur. Plus grave : le recul progressif, puis la disparition quasi-totale de l'«impérialisme» des maths en ont fait, dans la plupart des formations post-bac, une discipline destinée à être utilisée dans d'autres domaines scientifiques ou technologiques. Cette politique a eu une répercussion sensible sur l'état d'esprit général dans lequel on doit aborder l'enseignement de certaines notions fondamentales. Il est en effet beaucoup plus utile, à l'aube du troisième millénaire, de connaître sur le bout des doigts les formules donnant la transformée de Laplace des fonctions usuelles ainsi que ses principales propriétés directement applicables, que de comprendre et de maîtriser la définition exacte, à coups d'epsilons, de la limite d'une suite quand n tend vers plus l'infini.

           On voit mal pourquoi ce phénomène de société se limiterait au lycée et aux deux premières années de formation universitaire (le terme «universitaire» étant compris, ici, dans son acception la plus large). Cela fait bien longtemps, en effet, que je n'ai plus entendu parler d'une fac dispensant, en licence ou en maîtrise, une U.V. de théorie des ensembles. Si toutefois une telle bizarrerie existait, on s'empresserait d'expliquer aux étudiants que le suivi de cette unité n'est nullement indispensable aux futurs candidats au CAPES ou à l'Agrégation, comme on l'a déjà fait pour les U.V. de topologie. Serait-il donc nuisible à un enseignant, même s'il ne dépasse pas, dans ses cours, le niveau de l'intégration par parties, d'avoir quelques notions sur les formalismes fondamentaux qui, historiquement, ont permis d'écrire les mathématiques comme on les écrit aujourd'hui?

           En diagonale de ce phénomène paranormal, on constate avec quelque étonnement des exigences de plus en plus drastiques concernant l'accès aux formations de troisième cycle. On retrouve bien là, dans toute sa splendeur, l'aberration légendaire du système français. Surtout ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de défendre les pratiques états-uniennes, loin de là au contraire je les réprouve. Nous au moins on a le mérite de prôner l'égalité des chances, mais il faut bien reconnaître qu'il y en a des qui sont plus égaux que les autres. Je m'explique. De mon temps il suffisait d'être titulaire d'une maîtrise pour pouvoir s'inscrire en DEA. Maintenant, il faut remplir un formulaire de préinscription au mois d'avril, et on est convoqué à une sorte d'audition, baptisée pompeusement «concours sur titres», durant laquelle on doit justifier de ses motivations et où on est attaqué gravement sur la médiocrité de ses résultats antérieurs. J 'en veux pour exemple celui d'un ami à moi qui, étant en possession d'une maîtrise de maths en béton, s'est vu chercher des poux dans la tête parce qu'il n'avait eu que treize à une U.V. de mécanique quantique à moitié bidon. Moralité on enseigne de la merde à nos étudiants, et ensuite on leur reproche de n'y avoir point excellé...

           Voilà quelques-unes des raisons qui m'ont poussé à rédiger ce petit fascicule d'introduction à la théorie des ensembles. Il ne s'agit en aucun cas d'un cours exhaustif sur la question, d'excellents ouvrages sur ce thème étant disponibles en bibliothèque, essentiellement en anglais. Ce travail ne contient que les premiers rudiments de la théorie, ne supposant aucune connaissance spécifique en dehors d'une certaine habitude de «faire des maths», même à un niveau élémentaire. On y trouvera également une discussion «animée» autour de l'axiome du choix et de ses conséquences les plus classiques.

           J'ai essayé, dans ces quelques pages, en étant le moins obscur possible, de développer ce qui pourrait en gros constituer les ingrédients d'un module de théorie des ensembles en licence-maîtrise, si un tel besoin revenait un jour à la surface.

           Cet «ouvrage» s'adresse en priorité à des étudiants de second cycle désireux d'aborder en première lecture le monde du formalisme mathématique, ainsi qu'à des enseignants soucieux de revenir en arrière sur une partie du programme qu'ils ont peut-être étudiée trop rapidement ou de façon trop fractionnaire. Des étudiants «curieux»,actuellement en sup-spé ou en premier cycle universitaire pourront également y trouver leur compte.

           Si ce travail permet à quelques lecteurs de redorer, dans leur tête, le blason de la mathématique formalisée en général, et de la théorie des ensembles en particulier, alors l'objectif fixé au départ par l'auteur sera largement atteint...

 

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