L'alternative au nihilisme et les conversions "miraculeuses".
Il arrive souvent que les chrétiens fassent leur apologie sous
forme d'une critique de la partie adverse, en particulier du
matérialisme athée. Ils ont beau jeu alors de
décrire le grand vide par rapport à la mort, l'absence de
transcendance et de véritable sens de la vie auxquels ces gens
adhèrent, ainsi qu'un vague relativisme assimilé à
une absence de fondement solide aux valeurs morales. C'est clair
(superficiellement), la littérature évangélique se
plaît à en dresser le sombre portrait : ces gens passent
à côté du sens de la vie, ils errent comme des
ombres dans le néant
et ne savent pas où ils vont, sur cette terre et dans
l'éternité.
Ainsi la foi chrétienne se présente comme la seule
alternative viable au nihilisme, la seule religion qui offre une sens
à la vie, la perspective d'une transcendance, d'un Dieu qui
dépasse les forces humaines et nous guide vers la vie
éternelle (et aussi pendant qu'on y est, religion qui
prêche l'amour envers le prochain). Il est facile pour cela de
balayer les quelques
malheureuses religions concurrentes en présence, le
judaïsme pour quelques raisons diverses (les horreurs de ses récits, ses préceptes légaux, le fait qu'il n'y a de toute manière personne pour le precher...), ainsi que l'Islam de par sa mauvaise réputation
de fanatisme, sa haine des infidèles et les pratiques
absurdement rigoureuses qu'elle promeut, l'absence de la valeur du
pardon de Dieu ou autres. Sans avoir à s'occuper des religions orientales qu'on n'a de toute manière que peu de chances de rencontrer en Occident, sauf le Hare Chrisna qui brille par son ridicule.
Il semble ainsi n'y avoir qu'un moyen plausible de donner un sens
à sa vie, un seul échappatoire viable aux divers
degrés de nihilisme qui planent sur le monde actuel: adopter
la foi chrétienne.
Ceux qui élèvent leur voix contre cela sont le plus
souvent des matérialistes athées, cherchant
à montrer que Dieu n'existe pas ou que du moins on ne peut pas
le savoir et que les raisons d'y croire sont fausses.
Mais s'ils le font, c'est parce qu'ils ne leur est pas
arrivé de saisir l'intuition métaphysique de l'existence
de Dieu et de l'immortalité de l'âme. En voulant
réfuter
ce point, ils se trompent de cible.
Au Foyer Evangélique Universitaire de Grenoble,
j'ai connu un gars qui était devenu chrétien parce
qu'étant athée il était venu là pour
argumenter
avec les chrétiens et essayer de leur faire perdre leur foi.
Mais à force d'argumentations et d'études bibliques,
c'est lui qui s'était finalement fait convertir.
Je ne vois là rien d'étonnant. Quand on n'a pas compris
l'existence de Dieu et l'existence d'une vie après la mort et qu'un
beau jour on comprend, cela peut sembler une découverte
fantastique, faisant vasciller
toutes les résistances qu'on pouvait avoir auparavant contre
le christianisme. Cela engendre subitement un besoin de Dieu, d'en
savoir plus, et, face aux interrogations profondes, au malaise
ci-dessus
expliqué se révélant brusquement en
conséquence de cette découverte, il est tentant d'adopter
les réponses
proposées. La nature a horreur du vide.
Et tout cela, parce qu'il n'y a pas de mouvements significatifs de gens
qui élèvent la voix pour les contredire et proposer de
meilleures réponses à ces questions sur le sens de la
vie, une fois les principes métaphysiques établis. Dans
le jargon économique, ce genre de phénomène
s'appelle une situation de quasi monopole ou de position dominante
: les religions établies règnent sur une grande partie
de la population croyant en Dieu et en quête de
vérités spirituelles essentielles, faute de concurrence
sérieuse et viable. On peut également comparer cela au
phénomène qui
se retrouve un peu partout ailleurs, comme en politique où le
programme de la droite est de faire barrage à la gauche et
réciproquement: on excuse facilement sa propre bêtise en
attirant l'attention sur
la bêtise de l'opposant pour le discréditer. Il suffit
qu'on
ait raison sur une chose à la différence de l'autre, pour
qu'en attirant l'attention dessus on parvienne à convaincre.
Ainsi
la foi chrétienne prend prétexte de sa juste conscience
de quelques
vérités métaphysiques pour parader devant ceux qui
les ont également saisies et discréditer ceux qui ont cru
bon
de s'y opposer, lesquels le font au nom de leur opposion à
toutes
les méthodes de pensée manifestement perverses,
infondées, abusives et intellectuellement malhonnêtes des
chrétiens dont ces vérités sont le symbole.
Et à quoi est donc due cette situation de monopole réel ou apparent ? D'où vient que la Bible soit le plus merveilleux livre qui nous soit parvenu de temps si reculés ? C'est simple: ça vient du fait que tous les autres ont été brûlés dans les incendies de bibliothèques perpétrés par l'Eglise des premiers siècles, puis que ce sale travail d'effacement de l'histoire a été ensuite complété par l'Islam.
Bien sûr, on pourrait répondre qu'il y a en fait beaucoup
de concurrence, toutes les sectes qui pullulent à droite et
à gauche. Et bien sûr, cette réponse ne satisfera pas dans la mesure où nombre de ces concurrents sont pires que les grandes religions en place; et s'il y en a de bien meilleurs, il est si facile de ne jamais avoir l'occasion de les rencontrer. Du moins peut-on
remarquer
que la présence de mauvaises sectes peut s'interpréter comme l'expression
d'un manque, une insatisfaction par rapport aux religions en place.
L'expression d'un signal de détresse d'un certain nombre de gens
pour qui
la société ambiante, religions comprises, semble froide
et vide de sens. L'expression d'une interrogation légitime sous
la forme d'un élan vers d'autres réponses, qui à
défaut d'être meilleures, sont du moins l'occasion
d'exercer
leur élan vers une recherche d'un nouveau sens et leur
dépit face au monde actuel.
Avant d'aller plus loin, voici deux remarques supplémentaires
à l'appui de la position qui vient d'être
énoncée.
- Face aux chrétiens qui pensent que tout va bien comme
ça et qu'on aurait tort de ne pas se satisfaire de l'Eglise
parce que tout cela a été ainsi voulu par Dieu qui
n'aurait pas la cruauté de nous priver de ce dont nous avons
besoin: qu'auriez-vous pu dire si vous étiez né avant
l'époque chrétienne, ou dans une autre peuplade qui
n'aurait pas entendu parler du christianisme ? La reconnaissance d'un
tel désarroi, abandon par Dieu et manque de voies spirituelles
nécessaires à l'épanouissement de l'âme
languissant de l'attente désespérée d'une
génération future qui pourrait enfin amorcer une
véritable marche vers Dieu, n'aurait-elle pas été
une attitude légitime ? Pourquoi donc cette attitude
devrait-elle alors être proscrite de nos jours ?
- A l'inverse, nombreux sont les individus qui estiment qu'il n'y a pas
lieu de désirer quelque forme d'organisation ou d'enseignement
que ce soit de type religieux, parce que la vraie démarche
spirituelle serait une démarche individuelle
indépendante. On peut effectivement défendre que dans les
circonstances actuelles ce soit pour l'individu une des meilleures
voies possibles. Je pense que, même si dans l'idéal cela
peut être effectivement
le mieux pour certains, il n'en est pas de même pour tous.
Notamment,
le besoin de développer l'amour et la solidarité, les
besoins de ceux qui se sentent seuls et manquent de repères,
nous montrent que l'idée de se contenter de démarches spirituelles
individuelles, n'est pas non plus un absolu universel satisfaisant.
Ainsi, le christianisme exploite sa position dominante dans
l'espace des doctrines et pratiques religieuses disponibles, d'une part
de manière passive en récupérant les gens qui
croyant
en Dieu cherchent un sens à leur vie respectant Sa
volonté
et ne trouvent pas de meilleure communauté (comme cela
été
mon cas: j'étais devenu chrétien faute de connaître
des critiques viables de ce choix et une meilleure solution), d'autre
part de manière active en tentant de se justifier par la
proclamation de l'inexistence d'une vérité viable en
dehors d'eux.
Cohérence "miraculeuse" et élégance
théorique
Un propos que j'ai pu entendre à l'appui de l'idée que la
Bible est la Parole de Dieu, est que son contenu serait magnifique et
ses parties se complèteraient les unes les autres
harmonieusement et miraculeusement, d'une manière que seul Dieu
était capable d'élaborer, montrant ainsi que cela ne
pouvait pas être une oeuvre humaine. Ayant ensuite lu
personnellement la Bible, cela m'a semblé parfois très
beau, et j'ai entendu d'autres chrétiens dire qu'en la relisant
à nouveau, ils en tiraient encore de nouveaux enseignements
qu'ils n'avaient pas saisi d'abord. Mais finalement je ne partage pas
ce constat. Du moins en proportion de l'investissement fourni
pour lire quelque chose d'aussi épais. Il y
a une part de conditionnement là-dedans, du fait qu'on vous
explique que c'est la Parole de Dieu, du coup vous faites une fixation
dessus et vous vivez dedans, alors à chaque fois que vous
trouvez une inspiration dans la vie vous estimerez que cela vient de là. Parce que vous ne vous etes laissé aucune chance de croissance de votre etre par d'autres moyens, vous croyez qu'il n'y en a pas de possible.
Mais en matière d'élégance conceptuelle et
d'harmonie de l'ensemble, là encore je dirais que cela
relève d'un abus de position dominante. Les gens ne sont pas
familiers avec les belles théories du style qu'on rencontre en
mathématiques pures ou en physique théorique. Le monde
est dominé par la médiocrité, c'est pourquoi tout
ce qui semble s'élever un peu au-dessus de la simple
médiocrité n'a pas de mal à sembler fantastique et
exceptionnel. Mais ici, il n'est pas si étonnant que cela que
les livres de la Bible aient une cohérence entre eux, puisque
l'auteur de chaque livre baignait dans la culture des livres
précédents, et tous ces livres ont été
sélectionnés et rassemblés en fonction des
mêmes critères. Mais la véritable cohérence
de tout cela vient de son efficacité à convaincre. C'est
logique: sans aucune cohérence, cela n'aurait pas
été cru par tant de gens et cela aurait disparu. Donc
nous ne pouvons recevoir que ce qui a été cru, et qui
donc évidemment paraît crédible. Or, il y a une propriété universelle de la médiocrité humaine, suivant laquelle, on ne peut pas courir 2 lièvres à la fois: faire quelque chose de vraiment cohérent, ou bien faire quelque chose qui a la propriété de mieux sembler cohérent aux yeux d'un large public qui sait si mal réfléchir et juger de la cohérence réelle de quelque chose. Ainsi, il y a bien, quelque part dans la Bible et les doctrines chrétiennes, une certaine forme spéciale de cohérence: celle d'avoir la propriété d'amener le plus possible l'adhésion des gens (principe de sélection naturelle des doctrines qui a mené la doctrine la plus "persuasive" à se répandre).
Progressivement, l'expérience m'a montré que la doctrine chrétienne n'était pas vraiment harmonieuse. Cela n'a pas pu
apporter de réponses à mes problèmes, et
l'expérience de la vie m'a amené progressivement à
trouver un certain nombre de points de doctrine choquants et absurdes.
Finalement, s'il y a de l'harmonie dans la Bible, cela
ressemble plutôt à l'harmonie d'une chanson provenant de
sa mélodie, aidant à en faire avaler en douceur les
paroles
malgré leur absurdité. D'ailleurs, s'il y a tant de
sectes
qui éprouvent le besoin de dire que la Bible n'est pas
complète
ni satisfaisante et qu'il y a besoin de l'interpréter ou de la
compléter par une nouvelle révélation, ce n'est pas pour des prunes.
Mais l'eventuelle réelle cohérence interne de la Bible
n'est pas la seule chose qui contribue à faire dire aux gens qu'elle est
cohérente. En fait, les gens ne s'interessent pas vraiment à la
cohérence, ce serait trop compliqué pour eux. Tout ce qui les
intéresse, c'est de croire un livre qui se prétend de Dieu afin de
s'épargner la peine de penser par eux-memes et de prendre leur
responsabilité. Du moment que Dieu dit quelque chose, ou simplement
qu'on a de bons prétextes de croire que c'est Dieu qui le dit, alors
tout va beaucoup mieux: il nous suffit de tenter de le suivre pour
pouvoir tranquillement cesser de réfléchir et nous laver les mains de
toutes nos décisions à venir. C'est tellement plus pratique de se dire
qu'on suit la volonté de Dieu suivant des règles simples, plutot que de
partir à la recherche de notre vraie mission dans toute sa complexité.
A partir de là, c'est très simple: on peut se permettre de proclamer
que c'est cohérent, puisque c'est de Dieu, qu'une parole de Dieu
devrait etre cohérente, et qu'accuser Dieu de dire des choses
incohérentes serait lui faire injure; pas la peine de s'attacher à
l'évaluer serieusement. Des lors, on peut aussi bien proclamer à tort
et à travers que ceux qui ne sont pas d'accord se trompent ou ne l'ont
pas comprise, puisqu'une cohérence n'apparait que quand on la comprend,
et que ceux qui ne sont pas d'accord doivent ne l'avoir pas comprise.
Ainsi, il est trop facile de dire qu'il n'y a pas d'autre livre plus
célèbre que celui-là qui se presente comme oeuvre humaine: non
seulement faire "un gros livre" de plusieurs auteurs serait une tache
collossale qui nécessiterait une forme d'organisation et de mise en
cohérence (ce que les esprits libres font moins facilement que les
moutons), mais meme si des gens le faisaient, on ne serait probablement
pas au courant faute de lecteurs fanatiques pour y adhérer et
évangeliser le monde "pour le sauver" par ce qui aurait l'honneteté de se presenter comme
une simple oeuvre humaine.
Mais si on l'examine vraiment, on s'aperçoit que la doctrine évangélique n'est pas du tout cohérente. Pour citer en effet ce témoignage:
"Then I started reading books and articles that critiqued Christianity. I learned that the version of Christianity that I had believed in was called “Christian Fundamentalism.” I was amazed at how many arguments there were against it, and also at how many irreconcilable contradictions there were in it. Before, I thought there were no good arguments against it. Now I realized that there were as many arguments against it as there were crops in a field! Whoa! The more and more I researched, the more came out. Just when I thought that was all there was, more kept popping out! I was amazed.
Now I realized why most non-Christians were so turned off by Evangelistic preaching. As a Christian it used to baffle me why anyone would turn down the Gospel and reject free eternal life. It was like they were rejecting a million dollars offered them for free. Now I realized that it wasn't as free as I thought. To non-Christians, the Gospel asked them to adhere to extreme beliefs, took away freedom of thought, used fear of punishment to invoke compliance, and forced values onto people that they didn't agree with. As I Christian I never realized this because my beliefs put me in such a warped frame of mind as to not see this. Now I realized that while non-Christians couldn't really relate to the Christian perspective, it was also true that Christians had lost the ability to relate to the perspective of non-Christians. "
Il y a dans ce site et dans bien d'autres sites ailleurs, tout plein d'exemples de contradictions bibliques. Encore une petite citation de cette page en passant: "By the way, I spent some years leading Bible studies, and I find it is much easier to defend unbelief now than it was to defend belief then. Has anyone else had the same experience?"
Enfin, la lecture des témoignages d'expériences de
mort imminente et la morale qui s'en dégage me semblent rayonner
une passion, une harmonie supérieure à celle des lectures bibliques, même si des mystères demeurent.
Que faire ?
Ayant ainsi exposé le problème, on est ainsi amené
face à la question: que faire ? A quoi pourrait bien ressembler
cette religion véritable qui manque à notre monde, qui en
fasse quelque chose de vraiment meilleur que n'importe quelle secte ?
Voir quelques pistes de réflexion: construire la civilisation - pistes pour une quête de sens authentique
Lien
http://universist.org/
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