Les problèmes de l'économie roumaine

L'économie roumaine ne marche pas, on le sait bien, les statistiques le montrent  (http://espace-europe.upmf-grenoble.fr/GTD/accueil.htm). Mais les statistiques ne me satisfont pas, et je suis curieux de comprendre pourquoi c'est ainsi. Alors je pose des questions à différentes personnes au hasard des rencontres, afin de faire un portrait de la situation.

Et voici les informations que j'ai récoltées. Certes, le nombre de problèmes existants doit être immense, je n'en connaîs qu'un bout, et encore, de manière pas toujours très sûre. J'ai entendu dire une fois qu'il y a sur place en Roumanie beaucoup de livres et d'émissions de télévision qui exposent les problèmes de corruption franchement, en long, en large et en travers, pour se terminer toujours par ce terrible point d'interrogation: enfin, que peut-on faire ? On ne voit pas de solution. Je voudrais me mettre au courant de ces débâts. Le problème est que celui qui m'a dit cela ne connaît de tels livres qu'en langue roumaine. Si je pouvais en trouver un en français ou en anglais, je serais très intéressé.

Il y a en gros trois types de causes: les causes liées aux mentalités, les causes institutionnelles, et celles liées au contexte international.

Avant de les présenter, voici quelques une petite description de quelques détails de la vie ici à Iasi.

Quelques aspects de la vie en Roumanie

J'ai enseigné pendant deux mois et demie dans deux lycées, sans exister officiellement, car pour exister il faut aller à Bucarest au ministère de l'enseignement, et un représentant de l'école doit aller au ministère du Travail avec une liste précise de papiers incluant extrait de casier judiciaire, que je n'ai su qu'après un mois et demie, pour obtenir un permis de travailler, en payant une taxe de 200$ pour avoir le droit de recevoir de l'Etat un salaire de 60$/mois si je faisais un nombre d'heures d'enseignement complet (18h/semaine), sinon je serai payé en proportion. J'ai préparé les 200$ mais je ne les ai pas payés parce j'ai su que le ministère de l'éducation n'était pas d'accord, la veille de l'expiration de mon visa.
Les taxis à Iasi se paient 1F/km. Il y a aussi des "maxi-taxi" de nature privée, de la taille d'une camionnette et qui fonctionent comme un bus, avec un itinéraire fixé dans la ville mais qui s'arrête là où on veut. Cela coûte à peine plus d'un franc. On peut aussi s'acheter une glace ou une crèpe au chocolat pour à peine plus d'un franc; un feuilleté aux champignons pour à peine deux francs. L'heure de café Internet coûte 3F à un certain endroit. (Décidément, ils sont plus modernes qu'en France ! Au Havre il n'y a que deux misérables petits cafés Internet, l'un coûte 30F de l'heure, et n'est ouvert que 50 heures par semaines, là-bas il y en a une dizaine, c'est plus peuplé et non-stop). Pourtant les ordinateurs coûtent le même prix, et la communication locale aussi (c'est-à-dire des prix exorbitants pour eux). La seule explication, quand même maigre, c'est que les quelques français qui veulent Internet ont  la connexion à domicile, alors que les roumains trouvant chère la communication locale (mais ayant quand même des ordinateurs chez eux) font des économies dessus au cybercafé.
Mais d'autres choses ont un prix occidental...
Dans la rue principale de la ville, on rencontre environ un bureau de change tous les 20m, avec des taux de change qui ne sont pas les mêmes, et il arrive même parfois qu'on puisse quelque part acheter une devise moins cher que le prix qu'on peut la vendre un peu plus loin, mais en fait ce n'est pas tout-à-fait vrai, car certains bureaux sous-évaluent le prix d'une devisent sans en avoir en réserve: quand on leur en demande, "nous n'en avons pas". (Il existe aussi suivant les endroits en Roumanie un marché noir des changes). Pour changer les francs en lei et les lei en dollars, il est avantageux d'aller dans une banque, et pour le contraire il est avantageux de s'adresser à un bureau de change.
Il y a beaucoup de chiens; non loin du centre ville (dans une ville de plus de 300 000 habitants), se trouvent des jardins potagers, des poules, cochons et chevaux. La ville n'est pas du tout bien ronde avec un centre dense et une banlieue autour, mais il n'y a pas de banlieue, et à quelques minutes à pied de l'artère centrale pourtant relativement propre se trouvent des taudis sans eau courante.
Egalement près du centre ville, les bords de la rivière servent parfois de paturage à un troupeau de vaches.
Il y a des maisons et aussi des immeubles, dont le style n'est pas différent en soi du style occidental; la différence pourrait s'exprimer à peu près ainsi : prenez la France des années 60, laissez-la tomber en ruines pendant 40 ans et vous obtiendrez quelque chose qui ressemble assez bien à la Roumanie d'aujourd'hui en ce qui concerne les villes (mais dans les campagnes la misère est plus manifeste...). Dans les ascenceurs les portes intérieures se ferment à la main.
Des charettes à cheval circulent parfois en pleine ville (minoritaires par rapport aux voitures mais non exceptionnelles).
Les rues sont en mauvais état, avec parfois des trous.
Beaucoup de kiosques vendent un peu de tout.
Dans l'immeuble où j'ai habité une semaine début novembre il y avait dans la cage d'escalier une mauvaise odeur et un bon millier de moustiques, avec une forte densité en particulier dans l'ascenseur (quelques dizaines dans deux mètres cube). On m'en a expliqué la raison: ils vivent au sous-sol, profitant l'hiver de la chaleur des installations de chauffage, et se nourissant des déchets versés dans le dévidoir de chaque étage de l'escalier sans aucune paroi protectrice.
Dans les magasins, où les produits sont moins variés qu'en Occident et parfois aussi chers, il y a beaucoup de personnel pour surveiller qu'on ne vole pas.
Il y a quand même une bonne liberté de parole et de mouvements, et des journaux qui dénoncent haut et fort les scandales, ce qui ne sert à rien puisque les tribunaux n'en sont pas saisis. (Ainsi ils expérimentent pleinement l'adage bien connu des français: la dictature c'est ferme ta gueule, et la démocratie c'est cause toujours).
Un truc nouveau, du même style que beaucoup d'autres trucs qui sont sortis dans le passé: un petit livret que les profs sont obligés de payer de leur salaire, qui prétend leur apprendre comment bien faire leur métier et comprend un long questionnaire d'auto-évaluation, à remplir aussi obligatoirement. Ils ne peuvent espérer que leur protestation contre cette absurdité ridicule soit relayée par les inspecteurs. En effet, la plupart de ceux-ci, ainsi que quelques professeurs, ayant comme par hasard reçu les félicitations de leur cher ministre comme étant des "personnes exceptionnelles" en sont très flattées et ne voudraient pas troubler cet état de grâce verbal.
A la gare de Bucarest, pour manger on a le choix entre le MacDo (salle bien chauffée avec un décor en forme de façades de bâtiments) et un bar plus petit portant encore des marques occidentales.
Dans les trains et dans certains concerts, quand toutes les places sont vendues, pas de problème: il reste à vendre les places debout en nombre illimité.
Peu avant Noel, j'ai pris le train de Iasi a Suceava (un train allant jusqu'à Timisoara). Mon ticket indiquait une certaine place, mais en fait j'ai du rester a la porte parce que le train etait bondé. A un arrêt, des gens sont montés avec un sapin de Noel d'au moins 2,50 mètres de haut, qui encombrait le passage. Je n'ai presque rien compris des conversations mais il m'a semblé comprendre qu'ils voulaient l'emmener ainsi jusqu'à Timisoara. Finalement, alors que le train était à pleine vitesse, le monsieur qui était là a ouvert en grand la porte extérieure et a jeté le sapin sur la voie, déclenchant une dispute verbale. Espérons que cela n'a pas fait dérailler le train suivant venant en sens inverse.

A propos des visas

Maintenant le système des visas n'existe plus; mais le tampon qu'on reçoit gratuitement sur le passeport à la frontière donne droit à 30 jours. Donc si on veut rester plus il faut franchir la frontière avec la Hongrie et revenir, au moins tous les 30 jours.
La première fois, j'en ai profité pour apprendre que Budapest est une ville prospère: après que la Hongrie a maintenu ses échanges avec l'Occident à l'époque communiste, un certain quartier de Budapest se développe en matière d'informatique, des universités créant leurs entreprises et inversement: sa vocation est de devenir un haut lieu de l'informatique européenne.
De Satu Mare quelqu'un m'a conduit en voiture à la frontière, et j'ai pu franchir la frontière à pied et revenir aussitôt. Je l'ai annoncé d'emblée, il n'y a pas de problème.
Si on veut rester plus longtemps sans franchir une frontière c'est très compliqué de faire les formalités, même si on a de bonnes raisons.

Ce qu'il faut savoir pour ne pas se faire entuber à Bucarest

A Bucarest, les taxis constituent une mafia qui vous harcelle à l'aéroport ou à la gare. Leurs prix sont comparables aux prix occidentaux, c'est-à-dire exorbitants relativement au prix normal roumain, et il est facile de se faire avoir. Par exemple depuis la gare si vous ne savez pas, on peut vous emmener seulement à l'aéroport Tarom qui est à mi-chemin entre la gare et l'aéroport international Otopeni où se trouvent les compagnies aériennes internationales. Il est nettement moins cher de prendre le bus (avec un changement), mais c'est dangereux: comme il arrive souvent, si vous avez l'air d'un touriste et qu'au moment de monter dans le bus vous n'êtes pas entouré de très près par des gens bien mais que vous voyez quelques inconnus vous guetter de l'intérieur du bus et d'autres s'apprêtant à y monter après vous, soyez presque sûr qu'il s'agit d'une équipe de pickpockets cherchant à vous encercler pour vous presser de toutes parts comme une sardine (comme si les uns voulaient descendre et les autres monter, ou comme si vous n'auriez pas dû monter par là), et ainsi à vous voler, profitant de la fermeture des portes du bus pour se séparer de vous.
Il est avantageux de changer les francs en lei au bureau de change+visa qui se trouve à la descente de l'avion (de la BRD), contrairement à un autre bureau de change de l'aéorport. Pour les dollars la situation est différente. (Maintenant que le système des visas n'existe plus pour les européens restant maximum 30 jours je ne sais pas si ce bureau existe encore).
En ce qui concerne les hôtels, il y en a deux pas cher immédiatement à la sortie de la Gare du Nord, à droite, str. Witing, l'un au numéro 2 pour l'équivalent de 12 $/jour (tel. (01)2126641), l'autre en face à peine plus cher. Bien sûr, à ce prix le confort est très modeste. Je n'ai pas d'information sur leur sûreté ni sur d'autres hotels bon marché.
Au sujet des taxis, on peut faire appel à une compagnie honnête: Cobalcescu (tel.9451) avec laquelle il y a eu un trajet de la gare a l'aéroport Otopeni pour 4$ seulement. Ou encore Cristaxi (9466 ou 9461 ?).

Bien sûr j'ai glané ces quelques informations au hasard, alors si vous avez d'autres informations pour compléter (ou corriger) celles-ci, vous pouvez me les indiquer (si vous en faites aussi une page web je mettrai un lien)
 

Les chiffres en quelques mots

Le salaire moyen est de 100$/mois, et le niveau des prix est globalement plus bas qu'en Occident, du point de vue du taux de change (mais les proportions des prix des différents produits sont bien différentes). La moitié de la population travaille dans l'agriculture.
La situation de l'agriculture roumaine est catastrophique, alors qu'il y a un sciècle la Roumanie était connue pour être le grenier de l'Europe. On exporte par exemple des champignons mais globalement la production agricole ne suffit plus à couvrir les besoins du pays, ce qui nécessite des importations de produits alimentaires, avec des taux de change défavorables. La nourriture est ce qui pèse le plus lourd dans le budget des ménages, minimum 160F/mois et facilement le double; le salaire minimum est de 220 F/mois, le salaire médian est le double. Après la nourriture viennent le loyer (pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement) et le chauffage, dans un pays aux hivers longs et rudes où la température atteint facilement -20°. La modernisation de la production est également rendue difficile par un taux de change défavorable à l'importation de services et technologies étrangers. Cependant les ordinateurs sont présents (généralement d'occasion mais pas trop vieux). Le potentiel d'intérêt touristique existe mais est méconnu de l'étranger.
Tout coûte nettement plus cher à Bucarest qu'ailleurs en Roumanie. On raconte qu'un paysan a fait une belle affaire en allant vendre sa marchandise à Bucarest au lieu de la vendre dans la ville la plus proche. Mais en général, le commerce du pays vers la capitale n'est pas si rentable, à cause de la difficulté de rassembler en un camion les micro-productions de nombreux paysans.
Il y a aussi commerce des aliments de Hongrie vers la Roumanie, où les lourdes taxes douanières sont habituellement remplacées par des pots-de-vins aux douaniers un peu moins lourds.

Causes liées aux mentalités

La chute du communisme n'a pas eu les mêmes effets en ville et à la campagne, mais dans le mauvais sens.

A la campagne, le communisme et la dictature sont tombés, vivent la liberté et la propriété privée ! Alors, des installations des grandes coopératives agricoles chacun a pris son petit morceau qui séparément des autres, ne peut plus servir à rien; chacun a aussi enfin repris son petit bout de terre de rien du tout bien à lui pour le travailler à la main, après avoir été si profondément frustré d'en être privé pendant toutes ces années de communisme. On fait des dizaines de kilomètres en charette vers la ville pour acheter les engrais. Les tuyaux d'irrigation ont également été volés, ce qui expose l'agriculture aux risques de sécheresse. Ne pensons pas à installer de nouveaux tuyaux d'irrigation, ils seraient volés encore une fois. Les autres risques sont : vol de récolte (qui oblige à monter la garde et dissuade d'investir dans une production plus rentable), inondations, tremblements de terre et glissements de terrain. Les impots sont élevés et il n'y a pas de subventions à l'agriculture.
Certains ne travaillent pas sérieusement, et donc restent dans leur pauvreté. D'autres travaillent dur mais sans intelligence, d'autres enfin travaillent sérieusement et intelligeamment et parviennent à s'en sortir.

En ville, l'esprit du communisme perdure: les gens font semblant de travailler et l'Etat fait semblant de les payer. C'est surtout vrai pour la vieille génération, celle des gens qui tiennent le système à toutes les échelles, pour la plupart incurables de conformisme et méprisant les avis extérieurs et la jeune génération. (Il y a des jeunes ouverts au changement, d'où un conflit de générations. Sauf que beaucoup changent facilement le conformisme roumain pour le conformisme occidental, en émigrant...). On vient au travail et on reste présent, faisant semblant de travailler, n'étant d'aucune manière encouragé à travailler vraiment. Dans le privé, ceux qui font ainsi sont renvoyés, alors ils retrouvent un travail dans une administration où ils pourront continuer. Surtout, on est satisfaits de cette sitation de paresse, de non-fonctionnement de la société et on ne veut pas en changer, et il est très mal vu de chercher ou de proposer des solutions aux problèmes (par exemple, la presse commence par chercher tous les défauts de la personnalité de celui qui propose quelque chose).

L'esprit de mensonge subsiste, hérité du communisme, où la Sécurité ("Securitate") espionnait les gens, et où ceux-ci devaient mentir pour s'en protéger. Enfin, cela dépend: quelqu'un m'a dit avoir appris sous Ceaucescu un esprit de travail et de droiture, qui le pousse maintenant à voter à droite; quelqu'un d'autre, qu'on pouvait se moquer de Ceaucescu sans crainte pratique de représailles.
Maintenant, la malhonnêteté régnant au sommet de l'Etat, rien ne motive les gens à l'honnêteté. La corruption est infiltrée dans toutes les structures de l'Etat et de la société (contrairement à la France où elle ne concerne essentiellement que les sommets de l'Etat). L'opinion commune veut que tout le monde soit forcé de se compromettre pour "sauver sa peau", que c'est une chose normale et qu'on ne peut pas s'y opposer.
Par exemple, les contrôleurs de tramway, lorsqu'ils trouvent quelqu'un sans ticket, se font couramment payer personnellement une somme inferieure a l'amende reglementaire, pour ne pas mettre cette amende. Aussi, il existe des professeurs d'université qui demandent de l'argent à des étudiants pour qu'ils aient leur examen nécessaire au passage à l'année suivante.
Aussi, pour obtenir un emploi dans une entreprise il faut souvent se faire pistonner ou corrompre le recruteur. Cependant de nombreux candidats se trompent en essayant de paraître meilleurs qu'ils ne sont: les recruteurs ne sont pas dupes et faute de confiance refusent le candidat.
En pratique, on peut même avoir l'occasion de se compromettre sans en faire exprès: par exemple une fois qu'il y avait trop de queue à la gare pour acheter le billet de train et que je m'inquiètais donc de le rater, quelqu'un, pour m'aider, m'a dit partir "se renseigner". De retour, "c'est arrangé". Je pouvais donc monter dans le train et payer directement au contrôleur. Le prix normal du billet étant de 52000, on s'est contenté de 50000. Aucun problème. Faut pas chercher à comprendre... Et puis c'est de leur faute, ils auraient dû ouvrir plus de guichets.
Il y a comme ça certaines catégories de professions où on peut arrondir ses fins de mois de manière pas conventionnelle. On comprend, les pauvres, vue la faiblesse de leur salaire normal (comme partout en Roumanie), qu'ils passent au système D pour mieux s'en sortir.
L'évasion fiscale est un sport national, justifiée par un taux d'imposition trop élevé et la mauvaise utilisation de l'argent public (corruption). On emprunte et ne rembourse pas. On vole du gaz dans les tuyaux des usines ou sous terre (ce qui appartient à l'Etat). Certains prix sont en fait plus élevés que ceux qui sont affichés, ou des réductions affichées ne sont pas valables; des pots-de-vins et du piston sont souvent nécessaires aux embauches. Il faut se méfier des petites annonces d'appartements à louer, il est arrivé par exemple que des propriétaires exigent de payer six mois à l'avance puis expulsent le locataire au bout d'un mois.
Un roumain conduisant une voiture étrangère peut se faire arrêter par la police qui lui demande ses papiers et les dit faux bien qu'en fait ils sont bons, et se fait payer une forte somme au noir (1 million de lei, soit 300FF, un demi-salaire) pour éviter la procédure qu'il a le pouvoir de provoquer, procédure coûteuse (avec confiscation du véhicule deux mois...) aux frais du conducteur qui n'en serait en aucun cas dédommagé même s'il obtient finalement gain de cause.
Le niveau des élèves de lycée, qui était excellent, s'est dégradé depuis la chute de Ceaucescu, par la démotivation des élèves, due en partie au manque de débouchés à la sortie des études (qui sont une condition nécessaire mais pas du tout suffisante à l'obtention d'un emploi correct); en partie à cause de l'autorisation des chaînes de télévision occidentales et des chaînes roumaines imitées du style occidental qui font des ravages dans les jeunes cervelles (avec par exemple des émissions où on gagne beaucoup d'argent en répondant à des questions...), ne donnant de L'Occident que ses pires aspects et une image très superficielle, celle de l'abondance de la consommation et de ses envies (dans une classe de lycée où j'ai posé la question, seuls deux élèves ne regardent pas beaucoup la télévision). Sans parler de la misère du statut de professeur.

On manque d'initiative, on a peur de prendre des risques, on veut être payé rapidement sans attendre des résultats à long terme.

Il y a un financement européen, Phare, en prêts à bas taux d'intérêts ou en dons, pour des projets d'investissement économique, qu'on peut obtenir par Internet, mais peu de gens sont au courant, ou n'ont pas accès à Internet, ou ont trop peur du risque de l'investissement, bien que l'espérance de profit soit importante; de plus, ce financement s'est fait noyauter par l'administration roumaine corrompue qui, par des structures de gestions centralisées nationalement et régionalement, exige un pourcentage en pots-de-vin pour chaque bourse ainsi obtenue.

On peut exprimer ainsi une différence importante de mentalité entre la Roumanie et la France: les Français sont honnêtes et individualistes, ne s'intéressant pas aux autres mais n'ayant non plus aucune tendance à vouloir profiter d'eux (du moins sur le plan conscient). Les Roumains s'intéressent plus aux relations, que ce soit par bonté d'âme pour certains, ou pour tricher et profiter des autres sournoisement pour d'autres.

Causes structurelles

L'Etat est irréformable, les partis politiques sont tous corrompus, formés par l'ancienne securitate. Même si un chef d'Etat veut initier des progrès, cela ne peut pas être suivi d'effet dans l'Etat au-dessous de lui, il ne peut rien faire que démissionner. On apprend un jour qu'un fils d'homme d'Etat fait du trafic de drogue et on n'en parle plus le lendemain. Il n'y a quasiment pas une classe moyenne pour tirer l'économie vers le haut, mais il y a les riches le plus souvent corrompus, et les pauvres. Sous Ceaucescu, les gens ayant de l'initiative on été forcés de collaborer avec le pouvoir sous peine d'être exterminés. Aujourd'hui encore, la plupart des cerveaux ont fui à l'étranger, faute de structures pour les employer ici. Les riches font du grand trafic, par exemple celui d'importation d'alcool ou de tabac comportant de faux timbres fiscaux, ou sans timbres fiscaux du tout. Les subventions que les Etats occidentaux, de manière cynique ou irresponsable, confient aux administrations locales sans s'intéresser aux réalités du terrain, sont bien évidemment détournées par la corruption. Le système bancaire est catastrophique, beaucoup de prets ayant été accordés à tort (non remboursés), les banques ne veulent plus prêter facilement, des garanties importantes sont indispensables, et celui qui a pu emprunter est regardé de travers, car il a probablement du corrompre un employé pour l'obtenir. Souvent, des banques ont fait faillite, ruinant un grand nombre d'épargnants. L'inflation est énorme, due principalement à l'Etat mais un peu aussi à la fausse monnaie.
Quelqu'un estime qu'environ 3% du budget de l'Etat est perdu dans la corruption. Il trouve que c'est beaucoup (étant donnée la pauvreté du pays).
A Bucarest, pour monter son entreprise il faut avoir une voiture pour circuler entre une quarantaine de bureaux administratifs pour remplir toutes les formalités. Les investisseurs étrangers sont dissuadés de venir, à cause des impôts élevés, de la lourdeur des formalités et des lois qui changent tout le temps. Des usines qui ne produisent quasiment rien continuent à vivre de subventions. Une certaine entreprise tire une bonne part de ses revenus du blanchiment d'argent issu des mafias russes.
Dans les immeubles, le chauffage, cher, est payé à l'administration qui en détient le monopole de fait (à cause des obstacles à l'apparition de concurrents privés: montant de l'investissement initial et lois qui changent tout le temps). Si un des locataires ne paie pas son chauffage, c'est tout l'immeuble qui en est privé.
La rupture du pacte de Varsovie a entraîné la rupture des échanges économiques avec d'autres pays de l'Est, échanges qui n'ont actuellement pas pu être remplacés par des échanges privés pour des raisons structurelles.
La privatisation, en effet, a été très mal effectuée, dominée par la bêtise et la corruption. Des entreprises ont été rachetés par leurs propres dirigeants qui venaient d'en mettre à mal la production pour en minimiser le prix avant de tirer le bénéfice de son redémarrage. Ou bien, rachetées par des entreprises étrangères désireuses de se débarrasser ainsi d'un concurrent potentiellement gênant vu le bas niveau des salaires roumains (entreprise occidentale, ou d'un autre pays de l'Est). L'acheteur se contente parfois de piller l'entreprise pour la mettre ensuite en faillite.

Causes liées au contexte international

Après la guerre, l'Europe occidentale a bénéfcié du plan Marshall tandis que la Roumanie a dû payer les frais à la Russie.
Depuis 10 ans, la Roumanie a subi de plein fouet les conséquences des guerres du Golfe et de la Yougoslavie (que les Etats Occidentaux sans scrupules ont orchestré à grands renforts de désinformation pour les intérêts de leurs grands capitaux, les intérêts roumains étant comptés comme quantité négligeable), brisant les partenariats économiques que la Roumanie avait établis: d'importantes ventes à l'Irak n'ont pas été payées; le partenariat avec la Serbie était très fort et a été brisé par l'embargo, le transport fluvial sur le Danube a été interrompu.
Une personne influente a eu l'idée d'une solution consistant à faire de la publicité dans les médias occidentaux pour la Roumanie et en particulier son intérêt touristique actuellement méconnu, mais n'a pas pu la réaliser.
Quelqu'un m'a dit que la Roumanie a besoin de l'OTAN car en République Moldave, l'enclave autonome de Tiraspol renferme de l'armée russe qui menace d'envahir la région moldave de Roumanie si la République Moldave tentait de devenir roumaine.
Le pays est forcé de se vendre aux capitaux étrangers, les contraintes posées par l'Occident les empêchant généralement de développer leurs propres capitaux, sauf pour la mafia évidemment.
Par les normes à l'importation dans la Communauté Européenne qu'ils ont établies, les Etats occidentaux interdisent à la Roumanie d'exporter ses produits à des prix raisonnables. La Roumanie exporte beaucoup, mais ne peut le faire qu'à des prix cassés à cause de cela. Cela se justifierait par la faible qualité des produits roumains, qui est due au manque de modernisation des industries. C'est en tout cas une cause du taux de change défavorable à la modernisation du pays.
Beaucoup de jeunes Roumains partent en Europe de l'Ouest illégalement (franchissant la frontière clandestinement ou en restant au-delà de la durée du visa), pour travailler au noir, en particulier dans le bâtiment. Ou encore pour certains, pour voler dans les magasins.
La meilleure aide que pourrait apporter l'Occident, m'a dit quelqu'un, simple et efficace, consisterait à autoriser en masse les Roumains à venir travailler en Occident, en enlevant les contraintes actuelles en matière de visa. En effet, cela permettrait à beaucoup de pauvres de mieux vivre, et d'acquérir une expérience professionnelle ainsi que des capitaux qu'ils pourraient ensuite réinvestir en Roumanie, sous forme de petites entreprises ou de meilleurs logements pour leurs familles. Cela ne serait pas une porte ouverte aux mafias: les mafias qui sont là ne sont pas intéressées pour venir en Occident, leurs affaires sont dans le pays.
L'impression est grande pour beaucoup de Roumains d'être les laissés-pour-compte de l'Occident, la Roumanie étant exclue d'une étape de l'intégration européenne accordée à d'autres pays de l'Est.
L'intégration européenne veut que le système éducatif roumain se conforme aux normes européennes. Un vrai gâchis dicté à ce pays où le niveau, la qualité de l'enseignement en mathématique et physique (je ne suis pas au courant des autres matières) surpassait de beaucoup, et surpassera donc de moins en moins, la moyenne européenne.

Et la moldavie ?

Le corruption domine l'Etat, les gens disent que la police dépend de la mafia. On entend beaucoup parler de mafia comme cause de tous les problèmes, et même que la police ne peut rien faire sans l'aval de la mafia. On m'a raconté par exemple que s'il y avait un magasin d'ordinateurs, il risquerait fort de se faire dévaliser le plus simplement du monde: les gars viennent, en plein jour et à visage découvert. Ils demandent de l'argent. Si on ne leur en donne pas, ils embarquent le matériel. Ils peuvent menacer d'un révolver. Mais je ne l'ai rien vu de près. La domination de la mafia est-elle réelle ou une histoire que les gens racontent comme excuses à leurs propres échecs ? Difficile de savoir, mais un peu d'expérience laisse à penser que du moins nombre d'obstacles à leur développement résident dans des blocages psychologiques et un manque d'esprit d'organisation, problèmes plus graves qu'ils ne le pensent et qui me semblent constituer des fléaux aux conséquences bien pires que cette fameuse mafia.
J'ai entendu dire que la mafia fait son argent par son monopole de commerce avec l'étranger (Russie et Ukraine en particulier): des marchandises sont importées d'Ukraine avec une diférence de prix  importante, mais celui qui voudrait les concurrencer serait en grave danger pour sa peau.
Un grand obstacle au développement est l'absence de libre-échange avec l'étranger: les taxes douanières sont très importantes dans tous les sens de transport (avec l'Ukraine ou avec la Roumanie), d'ailleurs parfois au bénéfices des douaniers. Ceci maintient des prix à la consommation élevés pour certains produits, et entrave les exportations.

J'ai entendu dire qu'au cours des siècles passés, la Moldavie a énormément souffert des guerres, et a vaillamment fait barage à des envahisseurs venus de l'Est, permettant à une Europe de l'Ouest en paix relative de développer sa culture, ses sciences et son économie, sans remerciements. A vérifier...

Des roumains disent que l'ennemi du pays, ce sont les Russes qui tiennent la réalité du pouvoir (financièrement...), la mafia est russe, c'est la Russie qui depuis des siècles maintient là son empire pour exploiter la population qui est roumaine à la base (la Moldavie est un pays bilingue roumain-russe; il y a des minorités russes et ukrainiennes entre autres, venus en colonisateurs). Les Russes seraient majoritairement un peuple, paresseux, ne pensant qu'à la vodka, bête et méchant et qui se débrouille pour s'enrichir sans travailler (ce serait ainsi à Moscou, mais non à Saint-Petersbourg qui est un grand centre universitaire et culturel). On cherche donc à se délivrer du joug russe, par des rapprochements avec l'Ouest. On idéalise pas mal les USA.

Mais il y a des avis contraires, comme quoi il y a une tendance à ce que les roumains soient de faux amis qui font plein de promesses et se racontent des histoires, et qui font croire que tous les autres sont des méchants; tandis que les russes seraient des gens plus francs....

Un Occidental doit, pour entrer en Moldavie, acheter un visa pour 30 jours de 60$ s'il est fait en urgence (=dans la journée), ou 40$ s'il est fait en 2 jours (passeport laissé un matin et récupéré le lendemain après-midi). Si on est en Roumanie, le visa pour la Moldavie ne peut se faire qu'à Bucarest. Par contre, les Roumains peuvent librement voyager en Moldavie et les Moldaves en Roumanie, munis d'un simple passeport (avant, c'était plus simple, la carte d'identité suffisait).
Puis, il faut à la frontière déclarer si on a beaucoup d'argent et si on a notamment du matériel électronique. Officiellement, c'est parce qu'à la sortie du pays on peut se faire contrôler et si on est découvert avec ces valeurs on est soupçonné de les avoir volées dans le pays.
Puis, on a l'obligation de faire enregistrer son adresse à la police dans les trois jours après son arrivée (en fait on n'a pas de problème si on ne le fait pas, à condition de ne pas subir de contrôle d'identité à l'intérieur du pays, ni d'avoir besoin de faire une formalité à la police comme une demande de renouvellement de visa).

Il y a une mentalité à refaire: si quelqu'un a de l'argent (revenant de travailler en Ukraine par exemple), son utilisation de cet argent pour sa famille consiste souvent en première priorité en habillement pour soigner le look, puis en loisirs, et enfin en amélioration de l'alimentation, alors qu'il ferait mieux de donner la priorité à une alimentation équilibrée.
L'occidentalisation n'est pas toujours un bien: les gens sont beaucoup trop influencés par les marques et la publicité: voyant les réclames montrant des gens ayant des cheveux superbes utilisant tel shampooing de marque internationale, veulent l'acheter alors qu'il n'est pas meilleur qu'un shampooing moins cher de production locale. Cela n'est bien sûr pas spécifique à ce pays, mais voilà, comme il est plus répide et facile de compier de l'étranger ce qui est mauvais que ce qui est bien, la transition est douloureuse. Ce genre de phénomène a sa part de responsabilité dans la destruction des emplois (donc, chômage et baisse des salaires).
A l'inverse, ils achètent des vêtement pas cher de mauvaise qualité qui se déchirent au bout d'une semaine.
Beaucoup de gens n'ont pas le niveau de culture et d'intelligence suffisant pour une activité de business c'est-à-dire par exemple de production agricole moderne (qui requiert des connaissances et un effort intellectuel important), ou encore, si on les y employait, chercheraient à y voler ce qu'ils peuvent au lieu de travailler sérieusement.
Le niveau d'enseignement est nettement plus faible en Moldavie qu'en Roumanie, par manque de professeurs compétents (le salaire des professeurs est misérable, seuls les cours particuliers peuvent le compléter pour le rendre vivable...). Contrairement à la Roumanie, les Moldaves ne sont pas conscients de l'utilité potentielle d'Internet, ce qui freine son développement.

Depuis la chute de l'URSS, les Moldaves ont souffert d'apprendre la vérité, après avoir été si longtemps soumis aux mensonges des Soviétiques. On leur avait dit que l'Ouest était misérable (pendant que les communistes français chantaient les louanges du paradis soviétique). Autre exemple: peu après la deuxième guerre mondiale, il y eut une année de sécheresse qui avait entraîné une grande famine de tout le pays, réduisant les gens au cannibalisme pour survivre. Ce qu'ils n'ont appris que récemment, c'est que cette année-là, la Moldavie avait exporté une grande quantité de blé vers l'URSS.

La Moldavie manque beaucoup de relations avec l'Europe de l'Ouest. Relations humaines, culturelles, économiques, etc. Il y a une Alliance Française à Chisinau, c'est bien mais les besoins d'échange sont plus grands (ce sont les gens simples qui le disent). Contrairement à la Roumanie où toutes les chaînes internationales sont largement diffusées, en Moldavie la télévision est un luxe pour beaucoup, à cause notamment du prix des téléviseurs (beaucoup ont des téléviseurs qui fonctionnent mal). On m'a dit que ce sont les pauvretés (matérielle, intellectuelle, culturelle) qui permettent à la mafia de maintenir son joug sur la population. Il suffirait que le pays se développe ou se cultive pour que la mafia perde pied. Egalement, si la Roumanie se développait économiquement, ce serait une solution : beaucoup de Moldaves iraient y travailler, l'économie moldave serait tirée vers le haut... en dépit du renforcement progressif de ce nouveau rideau de fer qui coupe en deux un même peuple, intégration européenne oblige.
Il y a des simulacres de projets et d'organisations d'aide au développement. S'ils ne sont pas directement organisés par les anciens communistes pour canaliser et neutraliser les bonnes volontés individuelles, ils ne tardent pas, menacés par la mafia, à cesser leurs activités d'utilité populaire pour les remplacer par des projets au service des administrations (qui, eux, fonctionnent bien).

Mes conclusions

Pour un certain nombre d'aspects, j'aurais envie de dire que la situation de la Roumanie n'est pas très différente de celle de la France, elle n'en est qu'une caricature, qui en présente les défauts au grand jour. La différence étant qu'en Roumanie, ses effets en sont plus graves et bien moins recouverts d'hypocrisie qu'en France.
Par contre, la Roumanie a d'importants atouts: un système moins formellement rigoureux (absentéisme important) mais de qualité très supérieure (bien que le niveau des élèves a malheureusement baissé récemment), sans se croire obligé d'entretenir pour autant un caractère carcéral comme celui du système français (les établissements sont ouverts aux visites et interventions extérieures sans complications bureaucratiques, et il y a de nombreuses fêtes scolaires qui entretiennent un rapport d'humanité entre professeurs et élèves), ainsi qu'un peuple ouvert, fraternel, très civilisé bien que de mentalité tordue pour beaucoup, mais aussi capable de sérieux et concerné par les problèmes socio-économiques. Il n'y a pas de graves problèmes de santé.
Beaucoup de Roumains savent qu'il y a de gros problèmes, mais ils sont découragés parce qu'ils n'ont pas les moyens d'agir. Les mêmes causes en France ne dérangeant pas vraiment les gens, et les médias étant mieux et plus subtilement muselés, les Français se fichent complètement des problèmes de société, sauf bien sûr pour revendiquer les 35 heures sans diminution de salaire et autres idioties de la même espèce; ils se prennent en vain pour les champions de l'intelligence et de la démocratie de par le monde, se flattant du chaleureux soutien et des dons généreux que leurs chers élus apportent si fraternellement aux mafias gouvernementales de tant de pays sous-développés; ou au contraire des conditions posées à cette aide, conditions superficiellement inspirées du shéma de la réussite occidentale et superficiellement appliquées, et orientées pour l'intérêt de nos investisseurs ou de nos entreprises jalouses de leur monopole, et non celui des populations concernées.



 Retour: opinions - liens sur la Roumanie