Fondements des mathématiques

1. Théorie des ensembles (démarrage)

1.1. Introduction au fondement des mathématiques

Les mathématiques sont l'étude des systèmes d'objets élémentaires, dont l'existence est abstraite (indépendante du monde physique), et dont chaque constituant (élément, relation) a pour seule nature le fait d'être exact, sans ambiguïté : deux objets sont égaux ou différents, reliés ou non, une opération donne un résultat exactement, etc.
La logique mathématique est l'étude du fondement des mathématiques, description mathématique du monde des mathématiques lui-même. Les mathématiques se divisent en théories, cadres implicites ou explicites de tout travail mathématique. Chaque théorie est l'étude des systèmes (ou «mondes»...) de forme décrite d'une manière précise (mathématique) appelée son fondement : listes de types de constituants, structures qui les relient, et formules de propriétés à satisfaire appelées axiomes.
Il y a aussi une hiérarchie entre théories, certaines pouvant en fonder d'autres. Notamment, les fondements de plusieurs théories peuvent avoir une partie commune formant une théorie plus simple, dont les développements sont réapplicables à toutes.
Les mathématiques, et chaque théorie, peuvent être vues de manière soit réaliste, soit formaliste.
Le point de vue réaliste (aussi appelé idéaliste ou platonicien) s'attache aux mondes ou systèmes étudiés, vus comme réalités préexistantes dont l'étude serait une exploration (Platon l'appelait un ressouvenir). C'est l'approche de l'intuition qui flaire l'ordre global des choses.
Le point de vue formaliste est l'approche syntaxique et rigoureuse d'une théorie, partant de son fondement (expression formelle), et cheminant conformément aux règles.
D'abord et à chaque instant, le fondement des mathématiques, ou d'une théorie, est ce qu'on en connait ou qu'on a choisi d'accepter, d'après quoi on peut avancer. On avance en choisissant des développements possibles, nouvelles notions et connaissances qui résultent du fondement précédent et s'y ajoutent pour former le fondement suivant. Ce qui n'est pas développé à un instant pourra toujours l'être plus tard car le fondement qui pouvait l'engendrer subsiste. Dès lors les développements sont au moins l'exploration d'une réalité définie comme totalité des développements possibles.
Généralement, un travail fondamental est de développer, à partir d'un fondement initial simple, un fondement plus complet facilitant le mieux d'autres développements intéressants.
Bien sûr, la pensée humaine ne peut pas opérer de manière totalement réaliste, mais seulement effectuer des raisonnements traduisibles en développement formel à partir d'un fondement (protégeant des erreurs de l'intuition). De plus, la réalité du monde mathématique dépasse toute conception réaliste qu'on peut en avoir: toute invocation d'une réalité doit être précisée par une théorie, mais aucune théorie ne pourra épuiser la réalité mathématique capable de s'élargir au-delà de toute totalité un instant supposée. Heureusement, certaines théories relativement simples peuvent modéliser des réalités d'étendue largement suffisante pour la plupart des besoins.
Mais le formalisme n'est pas non plus absolu, chaque formalisme n'ayant de clarté et d'élémentarité que relative: il a dû être choisi, défini et motivé plus ou moins arbitrairement de l'extérieur, quelque part dans la réalité mathématique, intuitivement ou par un formalisme préexistant. Une vision intuitive d'un problème peut sembler plus claire qu'un raisonnement rigoureux. En pratique, on utilise des preuves semi-formelles, juste assez rigoureuses pour une intuition qui «sent» qu'une formalisation totale serait possible, sans l'avoir explicitée complètement.
Malgré l'élémentarité des objets mathématiques, le fondement des mathématiques (avec recherche du fondement de chaque fondement trouvé, à l'inverse d'un travail mathématique ordinaire qui admet son fondement), s'avère assez complexe (quoique bien moins qu'une théorie du tout de la physique dont la complexité s'annonce monstrueuse): au lieu d'un point de départ, il ressemble à une vaste dynamique quasiment bouclée sur elle-même, formée d'étapes plus ou moins difficiles.
Cette situation ressemble à celle des dictionnaires définissant chaque mot par d'autres mots, ou de cette autre science des systèmes finis qu'est l'informatique. On peut en effet simplement utiliser les ordinateurs, sachant ce qu'on fait sans savoir pourquoi cela fonctionne. Leur fonctionnement se fonde sur des logiciels qui furent rédigés dans un certain langage puis compilés par des logiciels, ainsi que sur le matériel et l'architecture du processeur dont la conception et la fabrication furent assistées par ordinateur. Et c'est nettement mieux ainsi qu'à la naissance de cette discipline.
Ce cycle des fondements des mathématiques, est véritablement fondateur, ses parties étant riches de notions utiles à différentes branches des mathématiques. Il est dominé par deux théories:
La théorie des ensembles étudie les objets mathématiques, des plus simples aux plus complexes comme les systèmes infinis (dans un langage fini). Mais il y a une diversité (potentiellement infinie) de théories des ensembles possibles (non équivalentes).
La théorie des modèles est la théorie des théories avec leur formalisme (les règles du langage mathématique: structure des formules comme systèmes de symboles, règles de démonstration), et des systèmes (mondes), aussi appelés modèles, pouvant constituer leur objet d'étude (leur signification). Elle est essentiellement unique, donnant une signification claire et définitive aux concepts de théorie et de théorème de chaque théorie (et mériterait d'être introduite au niveau licence, en laissant intuitives les notions de formules et de démonstrations).
Chacune est le cadre convenable pour formaliser l'autre: toute théorie des ensembles se formalise naturellement comme théorie axiomatique décrite par la théorie des modèles; laquelle s'obtient par développement de la théorie des ensembles (construisant théories et modèles comme objets particuliers, ce qui est bien plus raisonnable que d'axiomatiser la théorie des modèles directement). Mais ces formalisations nécessiteront un long travail pour être complétées.
Les logiciens ont conçu et adopté une théorie axiomatique des ensembles dite de Zermelo-Fraenkel (ZF, ou ZFC avec axiome du choix) convenant à leur besoin de théorie puissante dans un cycle fondateur élargi, permettant de démontrer beaucoup d'énoncés difficiles ou leur indémontrabilité.
Les mathématiques démarrent en introduisant certaines notions simples (dans le cycle fondateur), qui puissent sembler ne pas s'appuyer sur d'autres notions. Il est notamment naturel de démarrer par une théorie des ensembles dite naïve car non totalement formalisée axiomatiquement.
Les théories naïves des ensembles sont habituellement présentées comme forme vulgarisée ou implicite de ZFC, aux axiomes supposés nécessaires ou évidents. Mais le sens et l'usage des axiomes viennent d'autres évidences (la théorie des modèles), à quoi ils visent à ajouter des informations supplémentaires. Or ZFC n'est pas une reférence idéale pour une théorie naïve. Ses axiomes sont moins naturels qu'ils peuvent sembler; leur pleine justification est plus subtile qu'une simple intuituion historiquement sélectionnée pour la cohérence et la commodité du système qui en résulte.
Les multiples outils (notions et théorèmes) nécessaires à la pratique des mathématiques n'en résultent que par des développements complexes. Il suppose aussi que tout objet est un ensemble, et donc un ensemble d'ensembles indéfiniment, construits sur l'ensemble vide; mais en pratique, beaucoup d'objets ne s'utilisent que comme purs éléments. Le rôle de ces éléments pouvant être joué par des ensembles, cet usage n'a pas besoin d'être formalisé, mais constitue une dissemblance entre la «théorie» et la pratique des mathématiques.
 

Sommaire
>     1.2.
Variables, ensembles, fonctions et opérations