La fin du 20ème sciècle a été dominée par les grands médias centralisés: télévision, radio, grands journaux. Le citoyen moyen n'avait aucun contrôle là-dessus mais toutes les manipulations étaient possibles. Il n'avait que le choix de regarder sa télé ou ne pas la regarder. Il ne pouvait ni vérifier que les informations qu'on lui fournissait étaient correctes, ni agir sur les évènements. Par exemple, face à la famine dans le monde il ne pouvait pas faire grand-chose: comment trouver un organisme agissant pour l'aide aux pays pauvres en etant sûr que l'argent qu'il donne ne sera pas détourné ou perdu en courrier publicitaire, et que les dépenses seront faites intelligeamment pour aider ces pays à se construire ? Par exemple l'association Médecins du Monde à qui j'avais donné quelque chose m'a renvoyé une quantité de courrier publicitaire excessive. D'autre part, comme beaucoup le savent, la censure existe réellement dans la plupart des médias, lorsqu'il s'agit d'affaires risquant d'entraver les intérêts de personnes bien placées. De même les débats politiques restaient souvent superficiels, à cause un peu de la limitation du temps d'antenne et surtout du fait que seule la classe politique avait la parole, le citoyen de base n'ayant que le droit d'écouter. Or comment pourrait-il y avoir un débât vraiment constructif entre des gens principalement motivés à convaincre les téléspectateurs qu'ils ont raison contre leurs adversaires afin de gagner les élections, et non motivés par le bien public, l'honnêteté, la recherche de la vérité et de la compréhension de l'opinion de l'autre ? Mais là, il y a tout de même une part de responsabilité des citoyens qui se contentent de juger d'après ce qu'ils voient à la télé et négligent d'en discuter avec leurs honnêtes voisins lorsque ceux-ci sont d'avis contraire. Plus précisément, s'il n'est pas question d'en débattre (ou seulement avec des gens du même parti), qu'on n'en juge pas non plus car cela n'avance à rien.
Mais avec l'avènement d'Internet, tout change: pour des raisons simplement techniques, la censure n'est plus possible. Chacun a désormais le pouvoir de chercher les informations intéressantes, s'il le veut vraiment; de diffuser au monde toute information qu'il juge utile, de développer ses arguments et de répandre des pétitions. Cet avènement de la société de l'information n'est pas une simple mode ou un gadget de plus; mais cela répond à un besoin flagrant de notre société. Cela peut être un formidable outil de liberté. Et désormais le citoyen de base n'est plus condamné à subir passivement le flot d'information qu'il reçoit. Cependant chacun est libre d'utiliser cet instrument pour le bien, ou bien pour perdre son temps ou chercher son intérêt personnel (comme client du cybercommerce...).
En tout cas, la question est là: que les gens prennent conscience du fait que désormais, les grands problèmes du monde (idées politiques, injustices, corruptions, misère, absurdités en tous genres etc..) ne sont pas de simples infos dont il n'y a qu'à recevoir passivement ce qu'on veut bien nous dire, pour à l'occasion s'en indigner sagement assis devant le poste de télévision. Désormais chaque citoyen en sera en partie responsable, car il a le pouvoir d'agir. Cependant, rien ne l'y oblige et c'est bien ainsi, car chacun est seul à même de décider ce qu'il a à faire suivant sa situation, ce qu'il connaît et les projets qu'il conçoit. Mais alors il n'y a rien de nécessaire dans cette évolution: Internet n'est d'abord qu'un outil; mais ensuite, il sera ce que chacun décidera d'en faire !
Les gens ont l'air de manquer de temps pour faire autre chose en dehors de leur boulot. Cependant, on bénéficie dans nos pays développés d'un niveau de vie environ dix fois supérieur à ce qu'il était au sciècle dernier, et à ce qu'il est encore dans de nombreux pays. Alors, dire qu'on n'a aucune marge de liberté est au moins un peu exagéré: il ne faudrait tout de même pas trop se plaindre ! La technique devrait être un outil de l'homme pour organiser librement son destin, et on a réussi à l'utiliser pour asservir l'homme à coup de flashs de publicité l'amenant à dépenser toujours plus, et donc à travailler toujours autant pour cela.
Il y a des gens qui disent que c'est la publicité qui fait marcher l'économie, en favorisant la consommation. Non: la publicité est pour l'essentiel un parasite de l'économie, particulièrement lorsqu'elle est bête et qu'elle marche. Car non seulement elle pollue l'intelligence de la population (cette intelligence qui est le moteur de l'innovation et donc de l'économie), mais, soit elle n'est qu'un rapt de part de marché (supposons au pif 80%), soit elle entraîne une vraie augmentation de la consommation (pour 20%), entraînant soit une diminution de l'épargne et donc une diminution des capitaux productifs générateurs d'emplois (je sais, la propagande keynésianniste nous martelle sans cesse l'opinion contraire, pas la peine de me le répéter), soit une stagnation de la durée de travail assez lourde, par laquelle les gens n'ont pas le temps ! De plus, le fait que la télévision soit financée par la publicité entraîne la conséquence suivante: les publicitaires veulent augmenter le taux d'écoute des téléspectateurs susceptibles d'accrocher à leurs bêtises. Par conséquent ils sont favorables aux émissions bêtes, attirant les gens influençables. Finalement, la télévision n'est qu'une machine à abrutir les gens pour qu'ils soient de plus en plus influençables. Pas à 100%, certes, je reconnais que les émissions bien existent, mais elles sont rares.
Non, la publicité n'est pas le moteur de l'économie de marché: c'est un phénomène annexe et parasite, et il est de la responsabilité de chacun de ne pas avoir de télé, ou de couper le son et se détourner lors des messages publicitaires, ou alors de boycotter délibérément toute marque dont on aurait vu une publicité que l'on estime idiote (si on est encore capable d'en juger).
Mais à la place, il faudrait développer une véritable information sur les produits, conduite par des associations de consommateurs qui garderaient une totale indépendance en refusant de recevoir des financements conditionnels de la part des entreprises.
Notre société a remplacé l'esclavage naturel de
l'homme luttant pour ses moyens de subsistance, par un esclavage artificiel
de l'homme rouage de la société, paralysé dans sa
jeunesse par un système parfois absurde qui accapare toute son énergie
intellectuelle.
En général (peu importe de quoi il s'agit), je remarque
que certains disent: l'homme est asservi par la machine. Je ne le dirais
pas ainsi. La machine n'est rien que ce qu'on en fait. D'une part, des
gens utilisent la machine pour s'asservir eux-mêmes; mais ce n'est
là que l'expression d'une tendance qu'ils avaient potentiellement
au départ. D'autre part, une certaine minorité utilisent
la machine pour asservir la majorité : c'est le cas par exemple
des groupes de marketing qui asservissent les téléspectateurs
par leurs publicité et leur influence sur les programmes. Parfois,
la société dans son ensemble utilise la machine pour s'asservir
elle-même (cas de la "machine" bureaucratique).
Mais des techniques, parfois les mêmes utilisées autrement,
ou parfois différentes, permettraient à l'homme de se libérer.
Non, cet esclavage artificiel et absurde n'est pas une fatalité,
car les moyens techniques dont dispose l'homme lui laissent objectivement
une marge de manoeuvre qui lui permettrait de s'organiser d'une manière
sensée, S'IL LE VOULAIT VRAIMENT. Certes, cela ne peut concerner
dans un premier temps qu'un petit nombre, et le prix à payer pour
cela sera certes une marginalisation, mais marginalisation n'implique pas
famine ou impossibilité de continuer, grâce aux moyens techniques
dont on dispose.