L'université disparaîtra, bon débarras


Que l'on m'excuse de plagier ainsi le titre du livre d'Yves Paccalet "L'humanité disparaîtra, bon débarras" que je respecte beaucoup par ailleurs, bien que ne l'ayant pas lu. En fait, on peut y voir plusieurs points communs.

Bien sûr, un fort pessimisme face à un état des lieux affligeant, et que contrairement à tant de gens qui soit veulent maintenir les choses en l'état, soit espèrent une réforme salvatrice, je tourne le dos résolument à tout espoir de réforme (tant dans les 2 sens du mot "espoir": possibilité et valeur).

De même un diagnostic complexe et plein de paradoxes au-delà du niveau de réflexion de la plupart des gens et de la manière par laquelle ils construisent habituellement leurs valeurs. Bien difficile, et surtout contraire aux habitudes, de remettre les choses à leur place et ainsi de dire quoi souhaiter ou non, lorsque tout semble concourir à nous faire adopter des catégorisations erronées. Que penser donc des préoccupations humanitaires visant à sauver des gens qui vont contribuer à la surpopulation destructrice de la planète ? Comment concevoir l'humanité comme le symbole de la barbarie ? Comment peut-on oser présenter le système académique comme l'ennemi de la science ?

De même une perspective apparemment tragique et contraire à la nature de la population dominante attachée à sa domination. Ainsi l'humanité ne pourra jamais se réjouir de la perspective de sa propre disparition (seuls des animaux le pourraient), de même les institutions académiques n'accepteront jamais la perspective de leur disparition, et, bien que des hommes sains d'esprits devraient le pouvoir sans problème, on trouvera toujours des fous (peut-être même une majorité) pour en défendre le maintien jusqu'à leur dernière goutte de sang, envers et contre toute évidence de leur obsolescence.

Mais voilà, je prévois de fortes chances que le système éducatif se trouve pour le moins fortement ébranlé de l'extérieur dans les prochaines décennies, et n'en faisant pas moi-même partie en esprit, je m'en réjouis envers et contre tous ceux qui en seront aussi consternés et horrifiés que de la perspective d'une disparition du genre humain.

En voici les causes

4 scénarios pour la mort des institutions académiques.

Scénario 1: la faillite des Etats par endettement croissant

Comme je l'avais indiqué il y a quelques années (mais tout le monde se foutait de moi parce que j'avais la prétention d'avoir quelque chose à dire en politique), le monde fonce vers 2 problèmes majeurs: la destruction de l'environnement (c'était déjà à la mode) et la faillite des Etats par le dérapage de l'endettement (là par contre en en parlait beaucoup moins, ça intéressait beaucoup moins de donneurs de leçons de morale, sauf bien sûr les libertariens qui par contre niaient l'existence des problèmes écologiques).
Et voilà, patatras, c'est désormais un sujet d'actualité. Les dettes publiques n'étant pas prêtes de se résorber, il faut s'attendre à un budget de dépenses publiques ne plus en plus réduit, sauf à continuer de dépenser sans compter jusqu'au moment où la faillite sera complète et où on ne pourra plus payer aucun fonctionnaire. Sérieusement, faute de pouvoir supprimer police, justice, fisc et quelques autres dépenses des plus vitales, il faudra bien tailler dans ce qui est moins absolument vital. Il y a bien sûr de la marge de manoeuvres dans quelques autres domaines, mais faute de pouvoir supprimer l'école primaire par exemple, il faudra bien tailler quelque part, et l'enseignement secondaire et supérieur risquent de se retrouver dans la ligne de mire.
Je repense à ma prof d'économie de lycée dont l'enseignement, hyperkeynésien, consistait en gros à répéter à longueur de temps que les politiques de relance n'ont que des qualités et que les politiques de rigueur n'ont que des défauts. Et que le seul intérêt de la situation de chacun ne consiste bien évidemment à rien d'autre qu'à gagner autant ou mieux plus encore que le voisin; et que donc la seule chose qui compte pour faire une bonne politique est d'assurer l'"égalité des chances" (toujours uniquement entre "origines sociales" et jamais entre types psychologiques) et de tout redistribuer pour ne pas faire de jaloux. Et bien sûr, les enseignants n'ont jamais eu de problème avec le système de retraite par répartition ainsi qu'à l'abaissement de l'âge de la retraite qui constitue implicitement une dette publique supplémentaire, bombe à retardement qui allait inéluctablement creuser les déficits à l'approche du papy boom.

Les voilà donc, ces maîtres de la pensée qui se targuent de former de bons citoyens avisés, et qui ont toujours réclamé plus de sous de la manière la plus démagogique et irresponsable, sans se soucier des trous que cela allait engendrer dans les finances publiques. Elles étaient où leur conscience et leur intelligence citoyennes quand les caisses de l'Etat se vidaient joyeusement, engendrant un fardeau gigantesque sur les générations futures ?

Scénario 2: le retard grandissant de productivité

Le métier d'enseignant (en particulier de prépa et du supérieur) est des métiers les plus idiots qui soient dans la mesure où il exclut toute perspective d'innovation et de gain de rentabilité, et campe sur une supposée nécessité de dépenser toujours la même quantité de travail d'enseignement par étudiant et par sujet enseigné; un travail standardisé, fossilisé sur une pratique et un contenu qui, jusqu'au niveau licence, n'ont pas varié depuis des décennies, et personne ne se pose jamais la question d'une éventuelle rénovation (en particulier du fait qu'en réalité, la rénovation serait possible, notamment au niveau du supérieur, tant en direction de l'autodidactisme que de la révision des contenus).
Il serait possible en principe d'éviter la mort par endettement croissant des Etats si, par un quelconque miracle (de réduction d'autres postes de dépenses), on parvenait à redresser les comptes des Etats. Pour rendre cela durable, il faudrait sans doute, après un électrochoc, réduire les dettes.
Or, les dettes croissantes des Etats, qui allait fatalement les mener à la faillite, constituait le principal frein à la croissance économique. Un redressement des comptes signifie la garantie d'une croissance durable du revenu de l'heure travaillée, même si elle est toujours lente.
Puis, quelles seront les conséquences de cette croissance économique (des rendements) ?

D'une part, que les autres métiers seront en moyenne de plus en plus qualifiés et nécessiteront de plus en plus de formation. Il n'y aurait en soi aucune nécessité à augmenter les coûts de formation, mais le système académique étant programmé pour rendre impossible toute croissance de sa propre productivité, les coûts de formation seront croissants, en nombre d'heure de travail d'enseignant ainsi qu'en perte de temps des étudiants.

D'autre part, que dans l'ensemble de la société la quantité de travail productif nécessaire hors enseignement pour produire la quantité de richesse utile par personne sera décroissante, tandis que la quantité de travail d'enseignement (et aussi d'étude) par personne ne diminuera pas, voire sera croissante.
Coût croissant contre PIB décroissant (en nombre d'heures de travail par personne): tous les ingrédients d'un système non viable à terme.

A moins bien sûr que le nombre d'heures travaillées par personne dans la société ne diminue pas, en dépit de cette croissance inévitable de la productivité. Donc, par personne, toujours plus de production, toujours plus de consommation. Et là, à moins d'une chute spectaculaire de la démographie par on ne sait quel miracle, ou d'une virtualisation spectaculaire de l'économie, c'est l'humanité qui disparaîtra par surexploitation de la planète.

Scénario 3: la baisse de niveau, le discrédit, la désaffection

C'est une loi quasi-universelle: dans un monde changeant, tout ce qui ne progresse pas régresse.
L'université ayant pratiquement banni toute idée de progrès de son activité, la régression s'en trouve quasi-inévitable. Ainsi c'est quasiment un dogme qui veut que le contenu enseignable au lycée et dans les premières années universitaires soit bien établi depuis longtemps, et que dès lors, tout ce qu'il y a à faire est de le répéter tel quel indéfiniment. Or, qui peut encore accepter de s'y soumettre malgré le développement de meilleures opportunité de développement intellectuel par ailleurs, si ce n'est les esprits les plus bas et médiocres ?
L'université est d'abord victime de son succès: l'accroissement du nombre d'étudiants a engendré une baisse de niveau, d'une part pour s'adapter à un public moins bon en moyenne, d'autre part du fait de la nécessité de recruter un personnel plus large et donc moins bon pour les encadrer.
Puis, une fois que cela a fait baisser le niveau de connaissances transmises, plus moyen de redresser la barre. Les meilleurs étudiants peuvent difficilement survivre dans un milieu hostile à l'intelligence. Les professeurs médiocres ne peuvent plus être refusés pour continuer à transmettre un cours inintéressant.
Les professeurs ayant tant à faire à répéter des choses déjà connues et inintéressantes, il ne leur reste plus d'énergie pour se demander si quelque chose pourrait être amélioré; et si l'un d'eux souhaiterait faire un meilleur usage de son esprit, il devrait aller voir ailleurs pour cela. Les étudiants ne viennent plus aussi nombreux, et ce pour de bonnes raisons. Ceux qui viennent, ne viennent pas pour la science, mais pour les diplômes. Dont des diplômes de professeurs. Quand bien même un étudiant souhaitait venir pour la science, il devrait rapidement renoncer à tout idéal s'il veut effectivement résussir ses diplômes et se faire accepter.
Bien des professeurs affichent une forte préoccupation envers la désaffection des filières scientifiques à l'université. Mais qu'espèrent-ils en réalité, tout en continuant à accueillir leurs étudiants avec les épines de la difficulté en forme de masochisme, de l'ennui, du gaspillage d'effort intellectuel, de la médiocrité et de l'absurde ? Leur idéal est-il que la société aille faire une nouvelle débauche de publicité mensongère, en allant prétendre que leur enseignement est intéressant ?
Ce sont eux-mêmes qui trouvent normal et juste de pratiquer un enseignement des sciences ennuyeux, sans jamais se poser de question à cet égard. En effet pour un professeur, toute idée de progrès de son enseignement est nulle et non-avenue. Car les professeurs ne sont payés que pour faire de nouvelles découvertes pour intéresser d'autres scientifiques, pas pour intéresser les étudiants; et personne ne cherche à y redire. Pour un professeur, et pour le système tout entier, il ne saurait être question de chercher à améliorer l'enseignement, puisque ce n'est pas de la recherche mais des domaines "déjà connus".
Pour ce que j'ai pu en voir, la filière scientifique n'a pas grand-chose de l'intérêt fantastique qu'elle pourrait et devrait avoir par ailleurs. Ce qu'il y aurait d'intéressant est caché, difficilement trouvable dans les cours, qui ne sont pour la plupart que des pâles copies les uns des autres. La formation scientifique n'étant ainsi finalement qu'une sorte de moulinette de renoncement à l'idéal, difficile de trouver à la fin des chercheurs et professeurs ayant encore véritablement la flamme d'une vie intellectuelle digne de ce qu'elle devrait être.
Comme l'enseignement supérieur est de plus en plus un système à perdre son temps, les meilleurs esprits ont véritablement intérêt à aller voir ailleurs, comme informaticien autodidacte par exemple.

Mais le système ne veut pas et ne peut pas le voir. Il se contente d'une approche comptable du nombre d'étudiants inscrits, se réjouit de voir ce nombre croître, et pousse des cris d'horreur à le voir décroître. Toute cette mascarade continue de se prendre au sérieux, apparemment sans contredit, dans la mesure où qui n'y adhère pas est naturellement situé hors de ses rangs. Pour combien de temps ?

Scénario 4: l'évasion fiscale à grande échelle

Voilà un des caractères du progrès: la transition d'une économie archaïque, formelle, bureaucratique, avec ses rituels d'emplois du temps et de présence physique en un "lieu de travail"; vers une économie informelle, virtualisée, officieuse, en ligne et en réseau, intégrée à la vie privée, où le fond prime sur la forme. Cette évolution est bonne, naturelle, et finalement nécessaire à l'amélioration de la productivité éonomique. Or, une de ses conséquences est que le travail et la production devenant virtuels deviennent de moins en moins naturellement taxables. Cela pourrait et devrait être compensé par une autre évolution bonne et naturelle qui est le passage à une fiscalité environnementale, appliquée à tout ce qui exploite ou nuit à la nature, et qui par définition même est concret et non virtualisable. Qu'attend-on pour opérer massivement cette transition fiscale, je l'ignore, à part bien sûr, comme d'habitude, la peur des cris de tous les gens qui ont choisi telle ou telle activité nuisible plus que la moyenne à l'environnement, s'y sont fixés comme une habitude, et qui, incapables de concevoir l'idée d'un changement ou d'une adaptation, lutteront jusqu'à la mort pour que rien ne change.

Ce qui est clair, c'est que le statut quo de la nature des impôts porte le double inconvénient de contribuer à détruire la planète et de rater le coche de la transition économique, ceci aboutissant à une réduction progressive de la part de l'économie taxée en proportion de l'activité économique totale, et donc à un déséquilibre des comptes publics, poussant là encore dans la même direction que les mécanismes précédents: le financement à disposition du système académique diminuera.

Or, un monde scientifique doué de bon sens et disposé au progrès ne serait pas ainsi affecté par la situation, car la même transition aurait besoin de s'appliquer au monde académique lui-même.
Seulement, une université enfin délivrée du carcan de la bureaucratie, ne serait tout simplement plus une université. Le refus d'un tel progrès est actuellement lourdement inscrit dans les institutions académiques. Il en va ainsi par définition de ces institutions, à savoir par leur nature d'institutions locales, avec des étudiants inscrits et présents en cours, des équipes locales, des laboratoires locaux, et les diplômes délivrés.
Les universités définies comme locales contribuent à la consommation des resources en obligeant les étudiants à se déplacer vers leurs lieux d'étude (perte de temps, usage des transports et des habitations plus que nécessaire).
Il suffirait au monde scientifique de rejoindre le progrès en devenant lui-même informel, informatisé, en réseau, délivré des obligations d'inscription et de présence pour des étudiants capables de s'instruire ainsi de manière autonome. Il deviendrait un ensemble de libres individus s'instruisant et travaillant librement, de chez eux, en réseau avec le monde entier.  Les regroupements ne subsisteraient que lorsqu'il y a une bonne raison: projets collectifs précis, notamment lorsqu'ils utilisent des équipements précis.
Ses coûts de transmission du savoir diminueraient fortement, par la disponibilité illimitée des meilleurs cours qui n'auraient pas à être répétés par les professeurs pour continuer à instruire tous les étudiants du monde qui s'y intéresseront. La qualité de l'enseignement serait fortement privilégiée, et n'aurait plus à être financée que sur le petit nombre des meilleurs enseignants pour un enseignement toujours amélioré. Le travail serait ainsi réorienté vers des activités plus productives économiquement (recherche...) tout en étant de qualité (la qualité intellectuelle n'étant plus paspillée sur une activité improductive).

Viendra donc un jour où le prétendu modèle universitaire actuel aura bien du mal à encore se financer...
Mais il n'y a pas que la finance: les processus ci-dessus s'accompagneront probablement de:

Scénario 5 : Réseaux de confiance et de compétence alternatifs

Un avantage de l'économie informelle et du développement des technologies de l'information, c'est la possibilité de fournir des solutions alternatives aux diplômes, pour la question de l'évaluation des compétences professionnelles en vue du recrutement, ou plus généralement le développement de toute activité professionnelle pour les gens ayant développé des compétences hors des structures académiques standard. Pour plus de détails, voir les idées à long terme en ce sens de mon projet de logiciel.

Conclusion

Cette perspective de la disparition de l'Université est une excellente nouvelle qui mérite bien d'être proclamée, car elle est même source de grands bénéfices potentiels pour la science par anticipation avant même sa réalisation effective, pour la raison suivante.

Souvenons-nous du drame qui se produit en permanence, même s'il ne concerne qu'une minorité. Mais une minorité cruciale. Celle des jeunes esprits animés d'une vocation scientifique.
Eh bien, cette minorité cruciale dont dépendent les capacités d'innovation futurs du pays (ou du monde), ou du moins une fraction significative de celle minorité, se trouve en permanence massacrée dans cette sorte de guerre nucléaire qui oppose d'un côté leur désir d'épanouissement, de l'autre la force d'oppression du culte des diplômes dont leurs parents sont adeptes. Ce culte des diplômes est en fait un avatar du dieu Bêtise, inconscient de ses actes, qui réussit à se faire passer pour le symbole incontesté de l'intelligence bien qu'il soit essentiellement véhiculé par des imbéciles. Son action consiste essentiellement à massacrer les esprits créateurs tout en se faisant passer pour la source de ceux-ci auxquels ils doivent être perpétuellement redevables. La prétention de ce culte des diplômes à être la source exclusive et indispensable de tout Esprit, n'abuse généralement que quelques imbéciles, mais seulement à moitié. Sa plus grande force est d'obliger les gens à continuer à faire comme si ils y croyaient quand bien même elle se trouverait totalement discréditée, en privant tout contestataire potientiel de toute ressource alternative sur le plan financier dès lors qu'il aurait l'audace de vouloir s'en passer. Or, le truc est qu'un certain nombre de parents décervelés, alors même qu'ils savent que leur enfant est un génie, se trouvent conditionnés par ce culte, à se croire infiniment plus malins qu'eux pour le seul fait d'affirmer contre eux la nécessité de la poursuite des études et des diplômes. Ces parents décervelés ne voyant que ces symboles creux, et dépourvus de toute compréhension envers le coeur de la vie de leur enfant, à savoir son intelligence, en arrivent à ne voir aucun problème à massacrer celle-ci (qu'ils ne peuvent en aucun cas concevoir en profondeur) au profit d'une supposée réussite sociale basée sur une accumulation de diplômes et autres médailles extérieures.
Et le problème est que ces jeunes esprits créateurs, quand bien même ils auraient déjà la forte intuition du non-sens d'une telle course aux diplômes (qui ne sert en fin de compte qu'à gagner le droit de travailler au service d'organismes et institutions suffisamment stupides pour recruter son personnel sur la base de ce critère-là, laissant présager des activités professionnelles cadrant bien mal avec leur vocation naturelle) se trouvent souvent en position de faiblesse pour des raisons de hiérarchie et d'autorité familiale, quasiment obligés de capituler et d'accepter ce massacre de leur vocation et de leur intelligence, comme seule alternative à un terrible harcellement moral de longue durée dont ils sont menacés par leurs parents.

Et face à cela, la Bonne Nouvelle de la mort inéluctable de l'université (et des classes préparatoires), donc, c'est de savoir enfin que le véritable réalisme ne se trouve pas dans le camp qu'on suppose habituellement. Son avantage extraordinaire est d'offrir force et espoir aux esprits opprimés, pour les aider à poursuivre la lutte et éviter de capituler trop tôt ou trop facilement face à l'adversité, en vue de pouvoir enfin préserver leur idéal, leur intégrité mentale et leur énergie créatrice.

Car, tant qu'on pouvait contempler des bureaucrates bien payés au titre de professeurs d'université ou de classes préparatoires, il était toujours possible, en théorie, de les prendre comme modèles pour essayer de persuader les esprits créateurs que le but de leur vie devrait être de tout faire pour essayer de se transformer en cela - quelle que soit l'absurdité profonde d'une telle perspective, tant comme possibilité que comme souhaitabilité. Tandis que la perspective de la faillite financière de cette caste fait perdre tout attrait matériel à cet objectif.

Certes, une si grossière propagande par la perspective de carrière n'aurait déjà jamais dû pouvoir abuser les jeunes esprits scientifiques dans leur fort intérieur. Mais voilà, le fort intérieur est une chose, tandis que les décisions pratiques en sont une autre, surtout vis-à-vis de la question des contraintes pratiques d'un monde dont les jeunes esprits, de par leur jeunesse et leur éventuelle naïveté, n'ont guère l'expérience et sont donc susceptibles d'influence de la part d'une propagande extérieure présentée comme incontestable en dépit de sa profonde absurdité.

Certes, le problème fondamental étant la pression des parents causée par leur culte des diplômes qui n'est en définitive qu'une attitude purement religieuse et irrationnelle, aucun argument rationnel tel que celui évoqué ci-dessus n'aura de toute façon la moindre chance d'infléchir cette pression. Certes, l'argument ici invoqué n'étant que de l'ordre de la perspective de "carrière", laquelle n'intéresse principalement en définitive que les parents, et ceux-ci étant par leur irrationnalité incapables de recevoir les arguments rationnels en rapport avec les idoles qu'ils vénèrent, son seul effet restant (celui sur l'énergie de résistance vitale de ces jeunes) sera modeste.

Mais enfin, il reste encore une petite chance que cette Bonne Nouvelle puisse malgré tout permettre d'infléchir l'issue du conflit en faveur du camp de l'intelligence dans quelques cas.
... ou pas.

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