samedi 15 septembre 2001, 13h44
Saddam Hussein demande à l'Occident d'éviter la force BAGDAD (Reuters) - Le président irakien Saddam Hussein exhorte les Etats-Unis et les autres pays occidentaux à éviter le recours à la force militaire contre les auteurs des attentats-suicides ayant visé mardi New York et Washington.

"Ce dont l'Amérique a besoin, c'est de sagesse, pas de force. Elle a eu recours à la force, avec les Occidentaux, dans sa forme extrême, pour s'apercevoir par la suite qu'elle n'avait pas atteint le but qu'ils s'étaient fixé", a déclaré Saddam Hussein dans une lettre ouverte aux Occidentaux, publiée par l'agence officielle INA, la télévision et la radio.

"Les dirigeants de l'Amérique vont-ils tenter de faire preuve, pour une fois, de sagesse, afin que leur peuple puisse vivre en sécurité et dans la stabilité?", s'est-il interrogé.

L'Irak avait affronté en 1991, lors de la guerre du Golfe, une coalition occidentale, après l'invasion du Koweït par ses forces armées. Saddam Hussein a dit douter que Washington réagisse par la force si les auteurs de l'attentat s'avéraient être des Occidentaux.

"Nous ne savons pas s'ils feraient la même chose s'il s'avérait que l'un des auteurs (...) de l'opération a vécu dans un pays occidental, ou en possède la nationalité", a-t-il ajouté.

"Ou alors, existe-t-il déjà des plans dirigés contre une entité islamique?", s'est-il demandé.

Saddam Hussein continue à défier les Etats-Unis après les attentats

BAGDAD, 13 sept (AFP) - Le président irakien Saddam Hussein continue de défier les Etats-Unis après les attentats sanglants sur leur sol, estimant que les Américains récoltent le fruit de la politique "criminelle" de leurs dirigeants, ennemis jurés du régime irakien depuis onze ans.

Les Américains "ont récolté les épines semées par leurs dirigeants dans le monde entier", a déclaré mercredi Saddam Hussein, dans sa première réaction aux attentats spectaculaires mardi à Washington et New York, qui ont été condamnés à l'unanimité dans le monde.

Il a ajouté que, quels que soient "les sentiments humains contradictoires" à l'égard des attentats, les Etats-Unis "n'ont laissé aucun endroit dans le monde où un monument symbolisant leurs actes criminels n'a pas été érigé, que ce soit au Japon, victime d'une destruction nucléaire, au Vietnam ou en Irak".

Le président irakien, dont l'animosité est sans égale à l'égard des administrations qui se sont succédé à la Maison blanche depuis la guerre du Golfe en 1991, est l'un des rares dirigeants du monde à n'avoir pas condamné les attentats.

"Dans l'Histoire, personne n'a franchi l'Atlantique, avec des armes, pour nuire aux Etats-Unis, mais ce sont eux qui ont traversé l'Océan pour amener la mort, la destruction dans le monde", a dit Saddam Hussein.

Il fait allusion à l'intervention américaine dans les différents conflits armés dans le monde, dont l'Irak qui avait été bouté du Koweit en février 1991 par une coalition internationale, dirigée par les Etats-Unis, après sept mois d'occupation de l'émirat.

Saddam Hussein, qui n'a montré aucun signe de compassion devant l'ampleur sans précédent des attentats, confirme son défi à l'égard de Washington, qu'il tient pour responsable du maintien des sanctions de l'ONU contre son pays et de la poursuite des raids américano-britanniques dans les zones d'exclusion aérienne dans le nord et le sud de l'Irak.

Mais la prudence reste de rigueur à Bagdad, à l'heure où Washington explore les différentes pistes pouvant conduire aux commanditaires des attentats.

Les correspondants de la presse internationale à Bagdad, empêchés depuis les attentats de mardi de faire des reportages en sondant la réaction de la population irakienne, s'en tiennent aux commentaires officiels ou de la presse.

Celle-ci a expliqué les attentats de New York et de Washington comme la conséquence de "la tyrannie" des Etats-Unis dans le monde, excluant toute implication de l'Irak et des Palestiniens.

Le quotidien Babel, dirigé par Oudaï Saddam Hussein, le fils aîné du président irakien, a accusé Israël dans ces attentats.

"Un Etat n'appartenant pas au Tiers-monde aux moyens limités doit se tenir derrière des opérations d'une telle ampleur. L'hypothèse la plus probable est le sionisme mondial, dont des espions avaient été découverts au Pentagone et dans les services de renseignements américains", ajoute le journal.

"L'Afghanistan sera le bouc émissaire", conclut le journal, en référence aux soupçons pesant sur le milliardaire islamiste Oussama Ben Laden, réfugié en Afghanistan et dont la tête est mise à prix par Washington pour les attentats contre des ambassades des Etats-Unis en Afrique en 1998.

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 samedi 15 septembre 2001, 15h11

 Saddam Hussein prône la sagesse et déconseille aux USA un recours à la force

 BAGDAD, 15 sept (AFP) - Le président irakien Saddam  Hussein, seul dirigeant arabe à ne pas avoir condamné les  attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, a déconseillé samedi à  Washington un recours à la force pour se venger. (...)  Il commentait les menaces américaines de représailles militaires contre  éventuellement l'Afghanistan où se réfugie le milliardaire islamiste Oussama ben  Laden, présenté comme suspect numéro un dans les attentats sur le sol américain.

 Tranchant avec ses diatribes habituelles contre les Etats-Unis, son ennemi juré  depuis la guerre du Golfe en 1991, le chef de l'Etat irakien a invité Américains et  Occidentaux à "encourager leurs dirigeants à faire preuve de justice et à exercer leurs  responsabilités sur la base du droit".

 Saddam Hussein, qui s'est abstenu jusqu'à présent de condamner les attentats,  unanimement dénoncés de par le monde, a admis samedi que "l'événement survenu  aux Etats-Unis n'est ni normal ni minime".

Mercredi, il déclarait que les Américains "récoltaient les épines semées par leurs  dirigeants dans le monde", ce qui lui a valu de vives critiques de la part du secrétaire  d'Etat américain Colin Powell.

 "Je n'en suis pas surpris", avait déclaré jeudi M. Powell, ajoutant que le président  irakien "est l'un des principaux terroristes à la surface du globe et je ne m'attendrais  pas à ce que la moindre goutte de bonté humaine coule dans ses veines".

 Même si l'Irak n'a pas cautionné les attentats, son ambassade à Moscou a "démenti catégoriquement" jeudi que Bagdad y soit impliqué, en réaction aux "calomnies" des  médias occidentaux à ce sujet.

 "Les Etats-Unis et l'Occident ont utilisé la force jusqu'à un degré extrême et se sont  ensuite rendus compte que la force n'avait pas réalisé ce qu'ils voulaient", a affirmé  Saddam Hussein, en allusion à la guerre du Golfe.

 "Leurs dirigeants pourront-ils, pour une fois, essayer de s'en remettre à la sagesse  pour que leurs peuples et le monde vivent en paix et en sécurité?" s'est-il interrogé.

 Il a dénoncé un "fanatisme extrême" que représente à ses yeux "la solidarité"  manifestée par les Etats-Unis et l'Occident pour "lancer une agression militaire contre un Etat islamique (...) sur la base d'une accusation qui n'a pas encore été  prouvée".

 Même ton dans la presse de samedi: "Le gouvernement américain fait preuve de  réactions non équilibrées et extrêmement impulsives", note le quotidien officiel  al-Iraq, estimant que "son comportement pourrait conduire au déclenchement d'une  guerre ou de plusieurs guerres".

Pour ce journal, les dirigeants américains, dont le président George W. Bush, "font  preuve de bêtise politique".

Son confrère Babel, dirigé par Oudaï Saddam Hussein, fils aîné du président, évoque  une piste israélienne dans les attentats de New York et de Washington.

 "Nous pourrons affirmer que les sionistes étaient impliqués dans ce qui s'est passé et  qu'ils l'avaient planifié, car l'entité sioniste en serait la seule bénéficiaire", a soutenu  le quotidien.

 Et pour preuve, d'après Babel, ces attentats ont "coïncidé" avec un projet d'Israël de "réoccuper des villes sous contrôle de l'Autorité palestinienne" en Cisjordanie et  dans la bande de Gaza.


vendredi 14 septembre 2001, 12h21

Les Iraniens expriment leur sympathie pour les Américains endeuillés

TEHERAN, 14 sept (AFP) - Au-delà des condoléances officielles, un geste déjà sans précédent, les Iraniens expriment nombreux leur sympathie pour les Américains endeuillés par les attentats, faisant subitement ressurgir les liens très forts qui unissent les deux peuples.

Le slogan "A bas l'Amérique", qui accompagne systématiquement la prière du vendredi à l'Université de Téhéran, n'a pas été lancé vendredi matin par les organisateurs, a constaté l'AFP.

Contrairement à une habitude jusqu'ici immuable, aucun religieux n'a exhorté la foule à scander quelque slogan que ce soit, ni "A bas l'Amérique", ni "A bas Israël", ni aucun autre.

Dès mardi soir le président Mohammad Khatami avait condamné les attaques terroristes qui ont frappé New York et Washington.

L'émotion des Iraniens avait été immédiate. Mardi, alors que le World Trade Center s'effondrait, les rues de la capitale iranienne se vidaient, chacun voulant savoir ce qui se passait, et se branchant sur la télévision iranienne -qui couvrait les évènements en direct depuis New York, fait sans précédent-, ou sur les télés étrangères.

Depuis, on ne parle que de ça, certains redoutant toutefois que l'Iran, toujours "terroriste" aux yeux de Washington ne soit une cible de "représailles".

"Ces attentats, c'était horrible. C'était un cauchemar. Nous avons tous pleuré", explique Behrouz, 35 ans, qui tient un "fast food" dans le quartier Pasdaran, au nord-est de Téhéran.

Coca Cola et autres boissons américaines abondent dans son commerce, comme partout ailleurs, symboles de l'américanisation galopante de l'Iran, malgré l'absence de relations entre les deux pays.

"C'est fantastique que Khatami ait condamné immédiatement. Cela va nous rapprocher des Américains", prédit un client, Attah, 46 ans, qui dit "avoir peur quand même que l'Iran soit frappé".

Jeudi soir, sur une place de Téhéran, ils étaient plus de 200 jeunes, cierges à la main, garçons et filles ensemble, venus spontanément se recueillir dans le silence, et dire leur compassion à l'égard des Américains.

La police, présente sur les lieux, n'est pas intervenu alors que ce rassemblement, d'un genre totalement inédit sous le régime islamique qui considère les Etats-Unis comme un "ennemi", n'avait pas été autorisé.

"Nous avons voulu montrer notre solidarité avec le peuple américain qui est dans la peine", a affirmé à l'AFP un des manifestants, Rostam, 19 ans. "C'est la première fois de ma vie qu'il est possible de montrer un tel sentiment", ajoute le jeune homme, né trois ans après la Révolution islamique qui a désigné les Etats-Unis comme "le grand Satan".

"Nous nous sentons proches des victimes des familles, mais cela n'a rien de politique, et n'est nullement un soutien au gouvernement américain. C'est un geste vis-à-vis du peuple américain", a tenu à se justifier Parissa, 20 ans.

Une étudiante présente, Massoumeh, 23 ans, soulignait même, comme le lui ont enseigné ses parents, que lorsqu'un Airbus d'Iran Air a été abattu dans le Golfe persique par la marine américaine en juin 1988, faisant 290 morts, dont 59 enfants, "il n'y a eu aucune sympathie de cet ordre" exprimée aux Etats-Unis.

A la fin du rassemblement, une personne a annoncé que la communauté iranienne vivant aux Etats-Unis (plus d'un million de personnes) avait sollicité ses membres pour qu'ils donnent leur sang.

"Nos liens avec les Etats-Unis, ce sont d'abord des contacts humains, à travers ces Iraniens de là-bas, riches, qui restent en contact avec le pays, reviennent souvent, envoient de l'argent", relève le politologue Iradj Rachti.


L'embargo contre l'Irak, la guerre du Golfe, le soutien apporté jadis par les Etats-Unis à Oussama Ben Laden sont très fréquemment pointés par les "anti". "Non, je ne suis pas américain, je n'affame pas des femmes et des enfants en Irak depuis dix ans, je n'ai pas financé le mouvement des talibans pour m'emparer du pétrole de la région, je n'arme pas le Pakistan, je n'ai pas formé M. Ben Laden dans les officines de la CIA, je n'empêche pas une solution pacifique au problème palestino-israélien depuis trente ans, je ne vis pas loin de la misère, protégé par deux océans et la première armée du monde", s'énerve un internaute sur le site du Monde. "Le Bien et le Mal, les valeurs de l'Occident, hé les mecs, les guerres de religion, c'est le Moyen Age", s'exclame un autre sur motàmot, la liste de discussion des Motivé-e-s.

Beaucoup s'inquiètent d'un engrenage "infernal", d'autres se font soupçonneux sur les "objectifs réels" d'une action de représailles. Certains disent tout simplement leur "peur" de la guerre. "J'ai peur de me réveiller demain après que les Américains eurent canardé l'Afghanistan, que des femmes, des enfants, des hommes soient morts, et que je me dise alors que je vais aller manifester. Mais j'ai aussi peur d'être seule, de me sentir regardée, d'être ridicule, toute seule ou presque dans la rue pour dire non à la guerre", a laissé sur le forum d'Attac une militante des Pyrénées-Atlantiques.

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3224--222292-,00.html

* LE MONDE | 17.09.01 | 16h44 | analyse POINT DE VUE Regardons la réalité en face, par Susan Sontag

Pour une Américaine et New-Yorkaise épouvantée et triste, l'Amérique n'a jamais semblé être plus éloignée de la reconnaissance de la réalité qu'en face de la monstrueuse dose de réalité du mardi 11 septembre.

Le fossé qui sépare ce qui s'est passé et ce qu'on doit en comprendre, d'une part, et la véritable duperie et les radotages satisfaits colportés par pratiquement tous les personnages de la vie publique américaine et les commentateurs de télévision, d'autre part, cette séparation est stupéfiante et déprimante.

Les voix autorisées à suivre les événements semblent s'être associées dans une campagne destinée à infantiliser le public. Qui a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une "lâche" agression contre la "civilisation" ou la "liberté", ou l'"humanité", ou encore le "monde libre", mais d'une agression contre les Etats-Unis, la superpuissance mondiale autoproclamée, une agression qui est la conséquence de certaines actions et de certains intérêts américains ? Combien d'Américains sont au courant de la poursuite des bombarde- ments américains en Irak ? Et puisque l'on emploie le mot "lâchement", ne devrait-on pas l'appliquer à ceux qui tuent hors du cadre des représailles, du haut du ciel, plutôt qu'à ceux qui acceptent de mourir pour en tuer d'autres ?

Quant au courage - une vertu moralement neutre -, quoi qu'on puisse dire de ceux qui ont perpétré le massacre de mardi, ce n'étaient pas des lâches.

Les dirigeants américains veulent absolument nous faire croire que tout va bien. L'Amérique n'a pas peur. Notre résolution n'est pas brisée. "Ils" seront pourchassés et punis (qui que soit ce "ils"). Nous avons un président-robot qui nous assure que l'Amérique a toujours la tête haute.

Tout un éventail de personnages publics, violemment opposés à la politique menée à l'étranger par cette administration, se sent apparemment libre de ne rien dire d'autre que : nous sommes tous unis derrière le président Bush.

On nous a affirmé que tout allait bien ou presque, même s'il s'agissait d'un jour qui resterait marqué par le sceau de l'infamie, et même si l'Amérique était maintenant en guerre. Pourtant, tout ne va pas bien. Et ce n'est pas Pearl Harbor. Il va falloir beaucoup réfléchir, peut-être le fait-on à Washington et ailleurs, sur le colossal échec de l'espionnage et du contre-espionnage américains, sur les choix possibles de la politique étrangère américaine, en particulier au Moyen-Orient, et sur ce qui constitue un programme de défense militaire intelligent.

Mais ceux qui occupent des fonctions officielles, ceux qui y aspirent et ceux qui en ont occupé autrefois ont décidé - avec la complicité volontaire des principaux médias - qu'on ne demanderait pas au public de porter une trop grande part du fardeau de la réalité. Les platitudes satisfaites et unanimement applaudies du Congrès d'un parti soviétique semblaient méprisables. L'unanimité de la rhétorique moralisatrice, destinée à masquer la réalité, débitée par les responsables américains et les médias au cours de ces derniers jours, est indigne d'une démocratie adulte.

Les responsables américains, et ceux qui voudraient le devenir, nous ont fait savoir qu'ils considèrent que leur tâche n'est qu'une manipulation : donner confiance et gérer la douleur. La politique, la politique d'une démocratie - qui entraîne des désaccords et qui encourage la sincérité - a été remplacée par la psychothérapie. Souffrons ensemble. Mais ne soyons pas stupides ensemble. Un peu de conscience historique peut nous aider à comprendre ce qui s'est exactement passé, et ce qui peut continuer à se passer.

"Notre pays est fort", ne cesse- t-on de nous répéter. Pour ma part, cela ne me console pas vraiment. Qui peut douter que l'Amérique soit forte ? Mais l'Amérique ne doit pas être que cela.

Susan Sontag est écrivain.Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Guiloineau. © Susan Sontag.

* ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.09.01

 mardi 18 septembre 2001, 11h45

Les Algériens voient dans les attentats un retour de bâton attendu

ALGER, 18 sept (AFP) - Les Algériens, qui subissent les affres du terrorisme depuis dix ans, voient dans les attentats aux Etats-Unis le retour de bâton d'une politique américaine ambiguë à l'égard des intégristes islamistes.

Touchés, dans leur ensemble, par l'ampleur des pertes humaines et la souffrance que les victimes ont dû endurer, nombre d'Algériens font observer que les attentats du 11 septembre à New York et à Washington constituent toutefois le boomerang d'une "politique ambiguë", pour une nation qui se veut "le phare du monde et de la démocratie", entend-on de façon récurrente.

"Ils ont voulu jouer avec le feu islamiste. Qui s'y frotte, s'y pique", souligne de manière imagée un connaisseur de la politique algérienne.

"Les Américains viennent d'apprendre à leur dépens qu'on ne joue pas impunément avec les barbus. Ils ont récolté ce qu'ils ont semé. Ben Laden, leur créature, le leur rend bien", remarque un avocat qui a souffert des foudres des islamistes algériens.

Effectivement, les commentaires ne sont pas tendres à l'égard du pays de l'oncle Sam.

"Quand l'Algérie criait au secours pour combattre le terrorisme on n'a eu que le silence pour réponse, alors que des assassins se sont réfugiés chez eux sans être inquiétés", observe un pharmacien citant à l'appui le nom d'Anouar Haddam, un dirigeant du Front Islamique du Salut (FIS, dissous), aux Etats-Unis en liberté conditionnelle après avoir effectué de la prison pour immigration illégale.

Condamné à mort par Alger, il avait notamment revendiqué en 1995 à Washington, un attentat à la voiture piégée qui avait fait une quarantaine de tués devant le commissariat central d'Alger.

"Si les Américains, qui affirment désormais vouloir lutter contre cette violence, sont sincères maintenant, ils doivent extrader ce criminel, ce sera déjà un premier pas et donnera à réfléchir à ses acolytes", estime encore une journaliste.

L'homme de la rue n'hésite pas à abonder en ce sens "Nous avons été seuls pendant dix ans, on nous a accusés de tous les maux. Maintenant, on s'aperçoit qu'on a vécu une tragédie. Que les Etats-Unis ne fassent plus semblant de verser des larmes de crocodile, qu'ils nous aident vraiment et arrêtent leurs compromissions", assure un commerçant.

Ce sentiment a été résumé par le quotidien L'Expression qui a affirmé que les Algériens "refusaient d'être les oubliés de la guerre contre l'intégrisme".

Ce journal remarque que "les Etats-Unis ont opposé une fin de non-recevoir aux demandes pressantes de l'Algérie" de lui accorder des équipements de haute technologie, notamment en vision nocturne, pour lutter contre les maquis islamistes.

Le pays continue de subir des massacres attribués aux islamistes armés qui ont fait une centaine de morts depuis début septembre, alors qu'on assiste à un retour des assassinats à Alger et dans sa banlieue, calmes depuis près de deux ans.

Ces groupes ont fait plus de 100.000 morts depuis 1992, selon des sources officielles, mais la presse parle désormais de 150.000 à 200.000 tués.

Le président Abdelaziz Bouteflika, qui a amnistié des milliers d'islamistes dans le cadre de sa politique de réconciliation nationale, s'est déclaré "horrifié" par ces "attentats sauvages" et a demandé qu'une "action universelle organisée" soit menée contre le terrorisme.

"Que les attentats aux Etats-Unis ouvrent enfin les yeux de ceux qui ont toléré et abrité la mouvance intégriste, y compris d'ailleurs en Europe", espère un professeur.

"Ce n'est pas le triomphe des éradicateurs (partisans d'une lutte à outrance contre les islamistes armés), c'est le constat d'une réalité qui s'impose chaque jour avec les massacres", ajoute-t-il.

mjp/bb/fdv t

L'obscur réseau financier d'Oussama ben Laden --par Donna Abou-Nasr--

BEYROUTH (AP) -- Elevage d'autruches au Kenya et de chameaux au Soudan, intérêts forestiers en Turquie et agricoles au Tadjikistan, sociétés de bâtiment et travaux publics, commerce de diamants en Afrique: ce sont quelques-unes des affaires que possèderait Oussama ben Laden dans le monde, lui permettant de gagner suffisamment d'argent pour financer des opérations terroristes et pour entretenir un réseau de 3.000 combattants.

De plus, le milliardaire d'origine saoudienne, principal suspect dans les attaques terroristes contre les Etats-Unis, se servirait de ses sociétés pour blanchir des donations de nombreux partisans qui le soutiennent dans le Golfe, au Maghreb et en Europe.

Le réseau de Ben Laden aurait aussi recours à l'''hawala'', ce système bancaire souterrain qui permet de fournir des liquidités importantes à des petits groupes de personnes dans de nombreux endroits. Comme tout se fait verbalement, sans documents écrits, en se basant sur des rapports de confiance, il est facile de dissimuler ces échanges financiers, selon une source gouvernementale américaine.

Après les attentats commis en 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, dans lesquels Oussama ben Laden aurait joué un rôle, des recherches ont été effectués sur les réseaux de financements du milliardaire d'origine saoudienne.

Au Soudan, des comptes bancaires liés à Ben Laden et à son réseau, Al-Kaïda, ont ainsi été examinés, ainsi qu'à la Banque Barclay's de Londres, le Girocredit à Vienne, et une banque à Dubaï.

Mais selon Vince Cannistraro, ancien chef des opérations antiterroristes à la CIA, les comptes bancaires de Ben Laden qui étaient accessibles aux gouvernements occidentaux sont maintenant fermés, dont le compte à la Barclay's. D'après lui, les transactions financières de Ben Laden s'effectuent maintenant essentiellement par l'Asie, peut-être même par la Chine.

Les attentats de la semaine dernière ont probablement été rendus possibles grâce à de l'argent émanant d'organisations de charité islamiques et de riches hommes d'affaires musulmans, selon M. Cannistraro et d'autres experts en terrorisme.

''L'argent est le dernier des soucis d'Oussama ben Laden'', estime pour sa part le journaliste Fayçal Salman, directeur du quotidien beyrouthin ''As-Safir'' et expert du monde arabe.

Si les estimations concernant la fortune de Ben Laden sont variables, un rapport commandé par le Congrès américain évalue ses avoirs à environ 300 millions de dollars (2,2 milliards de FF/330 millions d'euros). En plus de ses investissements, il a hérité d'une fortune familiale et reçu des dons de riches particuliers.

Il est difficile de calculer combien d'argent a été dépensé pour préparer les attentats-suicides contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington. Mais selon des experts, l'opération -incluant la formation des pilotes, le logement, les dépenses de voyage et les billets de première classe pour les pirates de l'air- n'a pas coûté plus d'un million de dollars, une somme que Ben Laden peut facilement se procurer.

La fortune de Ben Laden et ses liens avec de riches familles en Arabie saoudite et dans d'autres pays du Golfe ne souciaient pas les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, dans les années 1980. A l'époque, il était considéré comme un ''brave type'', utilisant les fonds pour acheter des armes et du matériel pour combattre les soviétiques en Afghanistan, une croisade soutenue par les Américains dans leur lutte contre le communisme.

Mais à cette époque, selon des experts, Ben Laden a également commencé à poser les bases d'un des réseaux financiers les plus étendus du monde, qui allait finalement financer son organisation, Al-Kaïda (La base, en arabe).

Pendant cette période, il a réussi à persuader des ecclésiastiques musulmans dans plusieurs pays arabes à émettre un décret religieux rendant légal, pour les musulmans, les dons d'argent aux combattants arabes dans la guerre en Afghanistan.

''De l'argent a afflué de millions de musulmans qui soutenaient sa quête visant à expulser les infidèles des territoires musulmans'', explique M. Salman qui pense que beaucoup de ces donateurs ont continué à fournir de l'argent à Ben Laden même après le retrait des Soviétiques d'Afghanistan en 1989.

Suite à des pressions américaines sur l'Arabie Saoudite, des hommes d'affaires saoudiens ont affirmé mardi que leur pays avait commencé à mettre un frein à de telles donations, qui rapportent habituellement un à deux millions de dollars par mois.

Ces fonds permettent à Al-Kaïda de financer plus que ses propres opérations. Alex Standish, rédacteur en chef de la publication spécialisée ''Jane's Intelligence Digest'', qualifie cette organisation de ''banque commerciale du terrorisme'', affirmant qu'elle soutient aussi de petites milices qui s'attaquent à des intérêts américains et occidentaux dans le monde.

 mercredi 19 septembre 2001, 10h59

 Pour des Africains, l'horreur est un  sentiment familier

 LAGOS, 19 sept (AFP) - Les attentats du 11  septembre aux Etats-Unis ont surpris, parfois ému  des Africains mais ces derniers soulignent que leur  Continent est régulièrement frappé par la mort, la  guerre, la misère et la maladie dans l'indifférence  quasi-générale du reste du monde.

 "C'est horrible, c'est inimaginable", s'exclame Tayo  Balogun, un fonctionnaire de Lagos, la ville la plus peuplée d'Afrique  noire, occupé à feuilleter un quotidien nigérian consacré aux attentats de  Washington et New York.

 "C'est surtout inimaginable que cela se soit passé là-bas (aux  Etats-Unis)".

 Le fait que les Etats-Unis ont été attaqués sur leur propre sol a  incontestablement frappé les esprits en Afrique comme dans le reste du  monde. Mais les souffrances des Africains semblent sans comparaison  face au 6.000 morts ou disparus après les attentats aux Etats-Unis.

 Ainsi en République démocratique du Congo (RDC), une véritable  guerre régionale a fait 2,5 millions de morts depuis 1998 selon des  sources humanitaires.

 Comme les interminables guerres civiles qui déchirent l'Angola, le  Soudan ou la Sierra Leone depuis plus de 10 ans, ce conflit s'est déroulé  dans l'indifférence totale de la communauté internationale.

 Lorsque les Etats-Unis auraient pu prévenir certains conflits,  Washington a admis récemment avoir préféré se taire, comme au  Rwanda lors du génocide de 1994 (quelque 800.000 morts).

 "L'actuel élan de solidarité internationale en faveur des Etats Unis est,  pour nous une excellente chose", a déclaré mercredi à l'AFP le ministre  rwandais des Affaires étrangères, André Bumaya, estimant que "la  communauté internationale aura tiré des leçons du génocide rwandais".

 "Si la communauté internationale n'a pas volé à notre secours en 1994,  ce n'est pas une raison pour ne pas manifester notre solidarité au peuple  américain ", a renchéri Antoine Mugesera, président d'Ibuka, la  principale association des survivants du génocide.

 L'Afrique sub-saharienne est également la région du monde la plus  touchée par le sida, avec 25,3 millions de malades ou de porteurs du virus  VIH, sur un total de 36,1 millions de personnes affectées dans le monde.  Des médicaments existent dans les pays riches. Les Africains n'y ont pas  accès.

 Face à l'ampleur des tragédies subies par le continent africain et face à  l'attitude souvent perçue comme arrogante des Etats-Unis, les chefs  d'Etat africains ont eu beau condamner les attentats anti-américains, ils  ont rarement été suivis par la population.

 Ainsi au Liberia, fondé en 1822 par d'anciens esclaves affranchis  revenus des Etats-Unis, le gouvernement libérien a fait fermer le 17  septembre une station de radio après des interventions anti-américaines  d'auditeurs.

 "L'Amérique mérite" (les attentats du 11 septembre), a notamment  déclaré un auditeur lors de l'émission tandis qu'un autre déclarait :"les  gens meurent ici (en Afrique) et l'Amérique ne s'en est jamais  préoccupée".

 "Quelle que soit votre puissance, il faut toujours penser à Dieu qui vous  l'a donnée et ne pas s'en prendre aux autres", a souligné de son côté le  président de l'Association islamique du Niger (AIN, modéré), Cheikh  Oumarou Ismaël. Sinon "un jour vous n'échapperez pas au grand  bombardier que constitue la volonté divine".

 Dans certaines zones musulmanes, les attentats aux Etats-Unis ont été  suivis de scènes isolées de joie.

 Saminu Abdullahi, un Nigerian de Kano (nord) affirme avoir "fêté"  l'événement. "L'Amérique est l'ennemi numéro un de l'Islam. Elle est  responsable de massacres de musulmans en Bosnie, en Irak, en Palestine", affirme-t-il.

 Nombre d'Algériens, qui subissent un terrorisme au quotidien depuis des  années, font également observer que les attentats de New York et  Washington sont la conséquence de la politique américaine.

 "Les Américains viennent d'apprendre à leurs dépens qu'on ne joue pas  impunément avec les barbus. Ils ont récolté ce qu'ils ont semé.  (Oussama) Ben Laden, leur créature, le leur rend bien", a ainsi remarqué  un avocat algérien.