Pour répondre à un courrier personnel de Vincent Breton
qui me demandait quelle était ma position par rapport aux tests
de QI et aussi pour tenter de revenir à la précocité
intellectuelle, (la dyslexie n'étant ni mon cheval de bataille,
ni le sujet originel de ce débat...); voici quelques réflexions
personnelles qui j'espère alimenteront la discussion:
Quand j'étais enfant, on m'a fait sauter le CE1 parce que j'ai
appris à lire
très rapidement.
D'aussi loin que remonte mes souvenirs, je me suis ennuyé à
l'école. Au début, j'avais de très bons résultats,
puis j'ai commencé à ne plus travailler. Je me suis attiré
les foudres de mes enseignants. En 4ème, on m'a fait passer des
tests psycho-techniques qui m'ont sauvé de la voie de garage dans
laquelle, je m'engouffrais. Le directeur de l'école a alors conseillé
à mes parents de me faire redoubler ma 3ème parce que j'avais
des résultats désastreux qui n'étaient pas du tout
en rapport avec le résultat des tests. Cette année là,
j'ai passé mes cours à faire tout autre chose qu'écouter
les enseignants.
Pendant un cours de Maths, j'ai découvert et démontré
que la somme des n premiers entiers naturels était = à n(n+1)/2.
J'ai montré ce théorème à mon prof de maths
qui m'a accusé de l'avoir pompé dans un bouquin de terminale.
Par la suite, toute mes petites découvertes sont restées
secrètes. Mon parcours jusqu'à la terminale s'est ponctué
de quelques rares notes excellentes relevant une moyenne médiocre.
Je ne travaillais toujours pas et tout m'ennuyait. On m'a alors orienté
fermement vers une terminale A (littéraire); je me suis opposé
à
cette décision et ai changé de lycée pour pouvoir
faire une terminale C (scientifique), parce que je savais que les enseignants
ne me comprenaient pas.
Mais ma moyenne en maths était de 6/20. Seul un 20/20 en fin
d'année sur un devoir de logique ne demandant aucune connaissance
et que j'avais traité d'une façon très originale m'a
permis de redoubler ma terminale C. Cette année là, il y
a eu un déclic, je ne travaillais toujours pas à la maison,
mais j'étais un peu plus attentif pendant les cours de Maths et
ma moyenne est devenue excellente; le prof de maths m'a alors conseillé
de faire Maths Sup. Mais Quand on n'a pas appris à travailler, Maths
Sup: c'est l'enfer. J'ai tenu 3 mois avec une moyenne de 14
et puis j'ai craqué à cause de la charge de travail.
L'université vers laquelle je me suis retranché n'était
pas faite pour moi, étant donné une tendance plus que marquée
à la dilettante. Mes études auraient du s'arrêter là,
si une fois encore des tests de QI passés dans une société
n'avait pas révélé mon potentiel. On m'a alors proposé
de me payer des études universitaires. La
première année, j'ai frolé la catastrophe avec
une moyenne de 6/20 qui m'interdisait de poursuivre mes études;
puis le dernier projet traité encore une fois d'une façon
très originale et approfondie a fait changer mes enseignants d'avis.
Par la suite, ayant légèrement muri, j'ai fourni le minimum
de travail me permettant de concilier activité professionnelle et
cours universitaires:
licence, maitrise et D.E.S.S d'Intelligence Artificielle m'ont permis
de découvrir tout un champs d'activité pour lequel j'avais
des affinités réelles.
Je ne citerais pas les exemples où j'ai particulièrement
brillé pendant cette période, mais ils étaient tous
exclusivement orientés vers l'univers logico-mathématique
qui m'a permis de compenser largement les domaines plus traditionnels de
l'informatique pour lequels j'étais plus que moyen. Plus j'avançais
dans mon parcours universitaire et plus je prenais un réel plaisir
à étudier; mais il m'aura fallu attendre si longtemps...
Puis responsabilités familiales obligent, il m'a fallu arrêter
et abandonner l'idée de faire de la recherche.
Aujourd'hui, mes aspirations professionnelles tendent vers les activités complexes dans lesquelles, je me sens beaucoup plus à l'aise que dans la routine; mais hélas, ces activités sont rares et je n'ai pas l'impression de m'épanouir pleinement en milieu professionnel.
Tout ceci, pour vous dire ce que je pense des tests de QI:
- Ils m'ont sauvé deux fois d'un parcours peu brillant promis
par le système scolaire et m'ont permis d'accéder à
une vie professionnelle raisonnablement intéressante (mais ça:
c'est strictement personnel).
- Ils ajoutent une dimension supplémentaire très intéressante
à l'appréciation des enseignants dans le sens où ils
permettent d'étendre l'amplitude du champs de sollicitation
des compétences. Un élève jugé médiocre
par ses enseignants par rapport aux activités normalisées
qui correspondent au programme scolaire de sa classe, pourra, au cours
d'un test de QI, débrider complètement son potentiel et pouvoir
enfin s'exprimer sans contraintes.
- Ils ne font peut-être qu'approcher une mesure d'une seule dimension
des différents types d'intelligence, mais ils le font certainement
très bien; et si ça ne suffit pas à balayer tous les
arguments de leurs détracteurs, c'est que ces derniers ont de "bonnes"
raisons certainement pas très avouables de s'opposer à leur
justification.
- Ils ne fourniront pas une solution pour les enfants sujets à
un ennui "morbide", mais permettront de mettre en valeur le faible pourcentage
d'élèves (que je me garderais bien de quantifier ) qui s'ennuient
à l'école parce qu'on les laisse végéter intellectuellement
et qui n'apprennent pas le goût de l'effort car tout leur parait
dérisoire...
Je crois que la plupart des enseignants, par naïveté où par manque d'expérience de ce qu'est la précocité intellectuelle ne sont, encore aujourd'hui, pas conscient des conséquences de leur attitude par rapport à un enfant précoce qu'ils ont ou n'ont pas détecté (de très sérieuses études mettent en valeur que très peu de précoces ne sont pas reconnus comme tels par leur enseignant, idem pour les non-précoces qui se voient injustement attribués cette étiquette et poussés en surrégime); et que étant donné que ce problème est statistiquement marginal, il n'est pas très démagogique d'essayer de lui trouver une solution.
Mais, bien sur, votre propre expérience de l'enseignement va
certainement statistiquement à l'encontre de la mienne, et vous
avez donc une position tout à fait différente par rapport
aux tests de QI et à la précocité intellectuelle.
Je pense comprendre effectivement pourquoi ce débat se révèle
souvent stérile, et je n'éprouve pas le besoin de convaincre
qui que ce soit, juste celui de dire ce que je pense de cette problématique.
Sun Jul 25 13:55:04 1999
Article: 41456 de fr.education.divers
From: vincbreton(at)aol.com (Vincent Breton)
Newsgroups: fr.education.divers
Subject: Re: ENFANTS INTELLECTUELLEMENT PRECOCES
Date: 15 Jul 1999 10:39:56 GMT
Message-ID: <19990715063956.18414.00000179(at)ngol06.aol.com>
Xref: news.ujf-grenoble.fr fr.education.divers:41456
Bonjour,
ericblan(at)worldnet.fr (Eric Blanchard) a écrit:
....."Tout ceci, pour vous dire ce que je pense des tests de QI:
- Ils m'ont sauvé deux fois d'un parcours peu brillant promis
par le système
scolaire et m'ont permis d'accéder à une vie professionnelle
raisonnablement
intéressante (mais ça: c'est strictement personnel)."
De ce point de vue effectivement c'est positif. Mais on peut se poser deux questions:
- les enfants précoces ont-ils toujours de bons résultats
au QI ?
- des enfants qui auraient de mauvais résultats ne risqueraient-ils
pas d'être
enfermés dans un faible score ?
"- Ils ajoutent une dimension supplémentaire très intéressante à l'appréciation des enseignants dans le sens où ils permettent d'étendre l'amplitude du champs de sollicitation des compétences. Un élève jugé médiocre par ses enseignants par rapport aux activités normalisées qui correspondent au programme scolaire de sa classe, pourra, au cours d'un test de QI, débrider complètement son potentiel et pouvoir enfin s'exprimer sans contraintes."
En réalité cette objectivation du regard sur les performances
de l'élève commence avec les évaluations nationales.
Elles existent à l'entrée au CE2 et en sixième.
Elle sont souvent contestées par les enseignants mais je les ai
toujours trouvées très utiles.
Je citerai une nouvelle fois, le cas d'une promotion d'élèves
que je trouvais globalement moins performants que ceux de l'année
précédente. L'évaluation nationale a démontré
le contraire.
Au delà, ce qui n'est pas acceptable lorsqu'on enseigne, c'est
de juger une personne médiocre. Personne ne l'est.
Un maître doit savoir (et la polyvalence en primaire sert à
cela) détecter les difficultés et proposer effectivement
une palette d'activités et d'approches qui permettront à
tout enfant de la classe de trouver "une entrée".
J'ai déjà du citer l'exemple du petit Pierre, enfant décrit comme "distrait" par ses parents et son ancien maître; qui produisait peu et mal... A l'occasion d'activités en Histoire et d'une classe de découverte dans l'Aude, il s'est découvert une passion pour l'Histoire qui continue aujourd'hui.
Il est devenu brillant sur l'Histoire cathare, a su produire des textes
riches construits et documentés, a retrouvé confiance et
c'est vrai que j'étais impressionné. De plus, il en a fait
profiter la classe, sa passion est devenue contagieuse et jubilatoire ...et
lorsque collégien, il revient me voir, nous échangeons intellectuellement
avec une connivence qui me récompense des moments de panique...
Surdoué? pas surdoué? Je m'en fiche un peu.. mais nous avons
trouvé le chemin, y compris au nom d'une différence qu'il
faut savoir assumer ou trouver en soi.
"- Ils ne font peut-être qu'approcher une mesure d'une seule dimension des différents types d'intelligence, mais ils le font certainement très bien; et si ça ne suffit pas à balayer tous les arguments de leurs détracteurs, c'est que ces derniers ont de "bonnes" raisons certainement pas très avouables de s'opposer à leur justification."
J'aimerais bien savoir lesquelles. Albert Jacquart a je crois d'assez
bonnes réponses là dessus.
Il faut prendre garde à ce que le "précoce" puisse s'exprimer..
il faut prendre garde à ne pas se contenter d'une voie moyenne pour
la grande majorité..
autrement dit, il faut inlassablement chercher en chacun ce pôle,
cette différence, cet éveil, cette marque propre... bref,
il faut croire en chacun et donner à tous le maximum.. en prenant
soin d'éviter le risque de hiérarchies abusives, d'enfermement
dans des cases...
Le nom d'élève est très beau. Il est de la famille
d'élever. Pas d'éduquer au sens strict. L'élève
c'est celui qui s'élève, monte, fait germer et grandir sa
pensée.
A nous de trouver des pistes nouvelles pour que personne ne reste
sur le côté, pour que chacun se donne de beaux enjeux.
"- Ils ne fourniront pas une solution pour les enfants sujets à un ennui "morbide", mais permettront de mettre en valeur le faible pourcentage d'élèves ( que je me garderais bien de quantifier ) qui s'ennuient à l'école parce qu'on les laisse végéter intellectuellement et qui n'apprennent pas le goût de l'effort car tout leur parait dérisoire.."
Pour une pédagogie aussi de la joie et de l'humour... et de l'énergie !
"Je crois que la plupart des enseignants, par naïveté où
par manque d'expérience de ce qu'est la précocité
intellectuelle ne sont, encore aujourd'hui, pas conscient des conséquences
de leur attitude par rapport à un enfant précoce qu'ils ont
ou n'ont pas détecté (de très sérieuses études
mettent en valeur que très peu de précoces ne sont pas reconnus
comme tels par leur enseignant, idem pour les non-précoces qui se
voient injustement attribués cette étiquette et poussés
en surrégime); et que étant donné que ce problème
est statistiquement marginal, il n'est pas très démagogique
d'essayer de lui trouver une solution."
C'est surtout de la flemme et puis une difficulté à tout remettre en question...
Il faut que chacun trouve sa place, son identité et tant de facteurs
jouent qu'il me paraît présomptueux de prétendre détenir
"la" solution... à tout le moins, nous devons veiller à n'exclure
personne et l'enseignant doit même si c'est naïf, chercher le
progrès de tous... le bon, le moyen, le passable...
Cordialement
Vincent
"La parole doit sortir du coeur et non de la bouche" ( Colette Magny)
De cette émission sur les enfants doués (ou précoces),
je ne retiendrai qu'une réflexion que je trouve géniale :
le journaliste interroge des enfants qui ont six, sept ans de moyenne d'âge
et tous au moins un an d'avance et leur demande ce qu'est pour eux l'intelligence
(ces enfants sont tous dans un établissement spécialisé
qui tient compte de leur boulimie de savoir). Leurs réponses n'apportent
pas de grandes révélations et elles sont même assez
diverses ; par contre, lorsqu'il leur demande dans quel cas ils se sentent
plus intelligent, tous répondent " lorsque l'on est
en groupe ".
J'ai trouvé cette réflexion extraordinaire dans le sens
où elle révolutionne la pédagogie française
qui vise beaucoup plus à sélectionner les aptitudes intrinsèques
d'un individu plutôt que de juger de sa capacité à
évoluer dans une ambiance de travail coopératif.