From Dominique.Belougne at dim.u-bordeaux2.fr Fri Jun 4 20:35 MET 1999 Subject: Lettre Pour une Culture de Paix No 12 (Suite KOSOVO) Cher(e) Collègue, Cher(e) Ami(e), Ceci est une lettre contenant des Infos des Mouvements Pacifistes. Si vous disposez d'informations, de points de vue à faire partager, n'hésitez pas. " LA CULTURE DE PAIX EST UN COMBAT. C'EST UN ENJEU REVOLUTIONNAIRE, UN ENJEU DE CIVILISATION POUR L'ENTREE DANS UNE NOUVELLE ETAPE DU DEVELOPPEMENT HUMAIN. C'EST LE MAINTIEN DES SOLUTIONS ARCHAIQUES ET BARBARES (MILLENAIRES) POUR RESOUDRE LES CONFLITS ENTRE HUMAINS ET PEUPLES, OU LE PASSAGE A UNE AUTRE ETAPE DE LA CIVILISATION OU LE POLITIQUE L'EMPORTERA SUR LA VIOLENCE ET LA BARBARIE. (LA GUERRE EST TOUJOURS UNE FORME BARBARE DE SOLUTION DES CONFLITS, QUELS QUE SOIENT LES MOTIFS QUI L'ENGENDRENT). " Enfin, après de longues semaines de barbarie, il semblerait que nous pourrions nous acheminer vers un règlement politique de la situation dans les BALKANS. Le Parlement Yougoslave vient d'adopter les propositions du G8. Il faut continuer à intensifier les pressions pour obtenir une réunion rapide du Conseil de Sécurité de l'ONU, et l'arrêt des Bombardements qui continuent de détruire un pays. *) - Dans plus de soixante-dix départements français, des initiatives les plus diverses ont été prises hier pour la fin de la guerre en Yougoslavie à l'appel du Mouvement de la paix et des organisations réunies dans le collectif Pour une paix durable. Premiers échos de l'action du 2 Juin en France et dans le Monde (Marche prévue et interdite vers le Pentagone aux USA). Merci de continuer à nous faire connaître le détail de cette journée dans votre commune. (E-mail : mvtpaix at globenet.org) * La Revue de Presse : (Claude Cabannes : " L'Adieu aux armes " ; " Extraits du plan de paix pour le Kosovo accepté par la Yougoslavie, selon une traduction du texte serbe effectuée par l'AFP " ; " Quelle sécurité pour l'Europe? " par Françoise Germain-Robin ; " L'inutile prix de la guerre " Michel Muller ; " Un anachronisme féroce " Par Mario Luzi ; " Sommes nous si engourdis ? " de Jean Vautrin ; " Voir par soi-même " Par Francis Pornon ; " Mortel engrenage ? " Par Andreï Gratchev ; Robert Hue " Que la France lance une initiative forte ! " *) - Un point de vue de Cyril Le Roy () à propos de l'appel de Lipietz et comte, mais surtout un eclairage sur les positions du M.A.N.(Email : manco at multimania.com) et des contacts pour la solidarité proposé par le CEDETIM( e-mail cedetim at globenet.org) Site MAN : http://www.multimania.com/manco Sur l'intervention civile, site IRNC (Institut de Recherche sur la résolution non-violente des conflits) : http://www.multimania.com/irnc *) - Un point de vue communiqué par " Problem with New World Order? No. " *) - La réaction d'un citoyen américain Thomas Rhodes Hundley *) - Quelques reflexions personnelles, développées au cours d'échanges avec quelques personnes. *) - Le MANIFESTE 2000 adopté par un groupe de prix Nobel de la Paix __________________________________________________________________________ *) - Premiers échos de l'action du 2 Juin en France et dans le Monde __________________________________________________________________________ INITIATIVES DU 2 JUIN (suite) MOBILISATION POUR LA PAIX Dans plus de soixante-dix départements français, des initiatives les plus diverses ont été prises hier pour la fin de la guerre en Yougoslavie à l'appel du Mouvement de la paix et des organisations réunies dans le collectif Pour une paix durable. · Paris, des délégations de plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant la préfecture. Lundi, toutes les associations doivent se réunir afin de donner plus d'ampleur aux actions pour la paix. Journée nationale d'actions pour "l'arrêt de l'épuration ethnique et des bombardements, des négociations pour une paix durable" Premières initiatives recensées Gap marche bleue avec plusieurs dizaines de personnes, à l'initiative du Mouvement (avec CGT, PCF, LCR et comité de chômeurs). Carcassonne, Aude une centaine de personnes au Portail des Jacobins. Marche jusqu'à la Préfecture. 25 signatures déposées. Comité pour la paix au Kosovo, animé par le Mouvement de la Paix Bordeaux, Gironde rassemblement Place des Martyrs de la Résistance, à l'initiative de PCF, CGT, FSU, Appel des cent et Mouvement de la Paix. 150 participants selon Sud-Ouest. 120 signatures recueillies à Langon devant un supermarché,..., Plus de 1000 signatures remises à la Préfecture jeudi dernier,... Rennes, Ille et Vilaine Marche du Mouvement de la Paix jusqu'à la Mairie. Avec MRAP, ARAC, CGT, UEC, PCF, LCR, JCR, AREDAP, MOC. Rassemblement suivi de signature de pétitions. Plus de 100 personnes. Saint-Etienne, Loire 150 personnes rassemblées place Jean Moulin, à l'appel d'un collectif, suite à de nombreuses initiatives de signatures. 1500 pétitions rassemblées (s'ajoutant aux 1200 précédentes) Nevers, Nièvre envoi au Président de la République et au 1er ministre d'un procès verbal de 617 pétitions. Initiative publique prévue depuis longtemps à une autre date Paris distribution de tracts dans deux gares (2 fois 4000), et à quelques stations de métro (avant leur fermeture !). Initiatives publiques le midi Place de l'Opéra et Fontaine des Innocents : tracts + pétitions. Le soir, rassemblement devant la Préfecture (400 personnes). Délégation reçue par le sous-préfet remet 1167 signatures. Prise de parole de L. Alezard pour le Mouvement et M. Aounit pour le MRAP. Trappes, Yvelines 320 signatures de la pétition. Présence du missile pacifique à la gare. 1500 tracts distribués le matin et dans les principales entreprises publiques. Hauts de Seine Initiative du comité de paix de Malakoff sur le marché. Distribution de tracts à la gare de Colombes. Signature de la pétition à l'Université de Nanterre, avec l'UNEF. Délégations à la Préfecture le soir (Mvt, CGT, PCF, UNEF, FSU). 600 pétitions déposées. Seine-Saint-Denis Bagnolet : initiative de signature sur une place publique. La Courneuve : signatures Bobigny, le soir : rassemblement devant la Préfecture. 10000 pétitions déposées. Val de Marne Une centaine de personnes ont formé une ronde de la paix devant la Préfecture (CGT-Mvt-PCF) Merci de continuer à nous faire connaître le détail de cette journée dans votre commune. E-mail : mvtpaix at globenet.org *************** From: "A Luta Contínua" Subject: En: URGENT ACTION NEEDED: permit denied Date: Wed, 2 Jun 1999 02:34:48 -0300 -----Mensagem original----- De: iacenter URGENT ACTION NEEDED: permit denied June 1, 1999 In an outrageous effort to suppress the June 5 anti-war March on the Pentagon, the police authorities have denied a permit to march on the streets to the Pentagon. We are launching a massive political and media campaign to demand the right of the protest to march in the streets of Virginia. We believe the White House and the Pentagon are colluding with local police agencies in this effort. We are appealing to all those who believe in free speech and especially to those who oppose the war in Yugoslavia to assist us in a phone, fax, and email campaign to protect the first amendment rights of all those who plan to participate in the June 5 March on the Pentagon. With just three days to go before the June 5 March on the Pentagon, the Arlington County Police have denied the June 5th demonstration the right to march on a small stretch of Virginia roadway between the Vietnam Veterans' Memorial, located in Washington DC, and the Pentagon building, located in Virginia. This is an arbitrary and political decision. It is an outrageous attempt to violate the first amendment right to free speech. It is an attempt to either stop the June 5th March on the Pentagon or to create a chaotic situation at the demonstration. While denying the right of the marchers to the roadways leading to the Pentagon, police authorities are trying to reroute the march into a narrow and dangerous bike trail that at points becomes a single-file line, crossing a major highway. The police know that this is not a safe or tenable route for a march of ten thousand or more. The Arlington County Police refuse to return phone calls from the organizers and attorneys of the June 5 march. The June 5 demonstration is the largest mobilization to date against the U.S./NATO war in Yugoslavia. We believe that it is impossible for the county of Arlington police to unilaterally try to prevent us from carrying out an orderly demonstration. We hold the Clinton White House and Virginia Governor James Gilmore responsible for this flagrant violation of our rights. We will not be stopped. The war in Yugoslavia has killed thousands of innocent civilians. We will not allow the U.S. authorities to stopthe anti-war movement from exercising its rights. Please immediately phone and/or fax to the following authorities an angry protest against the denial of our rights to march on the streets to the Pentagon. Tell the authorities, we demand the right to march on Route 27 to the Pentagon. Please phone and/or fax to the following: (1) White House--phone: (202) 456-1414, fax: (202) 456-2461, email: president@whitehouse.gov (2) Justice Department/Attorney General Janet Reno--phone: (202) 514-2000 (Dept. of Justice, ask for Janet Reno), fax: (202) 514-0323 (3) Gov. James Gilmore, Virginia--phone: (804) 786-2211, fax: (804) 371-6351 (4) Arlington County Police--phone: (703) 228-4252, (703) 558-2222; fax: (703) 228-4127, (703) 228-4192 ____________________________________________________________________________ *) - La Revue de Presse ____________________________________________________________________________ ************ 04 Juin 1999 Editorial par Claude Cabanes L'adieu aux armes Enfin ! C'est avec d'infinies précautions, à la mesure de l'espérance qu'il représente, que l'on ose enfin imaginer le dénouement de l'atroce conflit des Balkans. Il semble bien que cette fois la dynamique de la diplomatie va l'emporter sur la logique de la guerre : il n'y aura pas d'autres vainqueurs que tous les peuples de la région qui voient avec soulagement approcher l'heure de l'adieu aux armes... Et une remarque de bon sens s'impose aussitôt : les conditions réunies aujourd'hui pour que s'éteigne le feu de la violence de Pristina à Belgrade avaient déjà été réunies pour l'essentiel autour de la table de la négociation de Rambouillet au début de l'année. Déjà avait été accepté le principe de l'arrêt de l'effroyable répression des Albanais du Kosovo, du déploiement d'une force militaire internationale pour en assurer la mise en ouvre et de " l'autonomie substantielle " de cette partie de la Yougoslavie. Mais, au dernier moment, l'élaboration d'un dispositif militaire secret (révélé depuis dans nos colonnes) d'occupation de toute la Serbie par les forces de l'OTAN, que même le gouvernement le plus démocratique du monde à Belgrade n'aurait pu accepter, avait fait capoter l'accord. Bill Clinton et les Etats-Unis étaient décidés à entrer en scène avec leurs bombardiers. Dix semaines après les premières frappes aériennes sur Belgrade, quel bilan désastreux : la fuite éperdue de centaines de milliers de Kosovars martyrisés, des milliers de victimes de la capitale du Kosovo à la capitale de la Serbie, un paysage de ruines au cour de notre continent, les ravages de la haine dans les cours et les esprits, l'Organisation des nations unies humiliée, l'Europe échouée dans un rôle de comparse de la volonté de puissance américaine, des dépenses colossales affectées aux ouvres de mort, la souffrance, la faim, la peur, le dénuement à l'horizon de chaque jour qui s'est levé dans le ciel des Balkans. La fin du siècle qui finit comme il a commencé : si mal. L'Europe devra tirer pour elle-même les enseignements les plus minutieux de cette tragédie et réfléchir à cette donnée essentielle : sans l'entrée en scène de l'ONU et de la Russie, le conflit serait toujours dans l'impasse. Mais, dans l'immédiat, il n'y a qu'une question qui vaille : quand les Kosovars vont-ils pouvoir rentrer chez eux et quand les frappes de l'OTAN vont-elles cesser ? ***************************** 04 Juin 1999 - INTERNATIONAL TEL QUEL Extraits du plan de paix pour le Kosovo accepté par la Yougoslavie, selon une traduction du texte serbe effectuée par l'AFP 1. " Arrêt immédiat et vérifiable de la violence et de la répression au Kosovo. " 2. " Retrait vérifiable du Kosovo de toutes les forces militaires, policières et paramilitaires, selon un calendrier rapide. " Addenda : " Par exemple sept jours pour l'achèvement du retrait ; retrait des armes de DCA hors de la zone de sécurité mutuelle de 25 kilomètres, dans un délai de 48 heures. " 3. " Déploiement au Kosovo, sous l'égide de l'ONU, de présences internationales efficaces, civiles et de sécurité, qui agiront comme cela peut être décidé sur la base du chapitre VII de la Charte de l'ONU, et capables de garantir l'accomplissement des objectifs communs. " 4. " La présence internationale de sécurité, avec une participation substantielle de l'OTAN, doit être déployée sous un commandement et un contrôle unifiés, et autorisée à établir un environnement de sécurité pour l'ensemble de la population du Kosovo et à faciliter le retour en sécurité dans leurs foyers de tous les réfugiés et personnes déplacées. " 5. " Instauration d'une administration provisoire pour le Kosovo, comme partie de la présence internationale civile, dont décidera le Conseil de sécurité de l'ONU et sous laquelle le peuple du Kosovo pourra jouir d'une autonomie substantielle à l'intérieur de la RFY. " 6. " Après le retrait, un nombre convenu de personnels yougoslave et serbe sera autorisé à retourner afin d'accomplir les tâches suivantes : - liaison avec la mission civile internationale et la présence de sécurité internationale ; - marquage des champs de mines ; - maintien d'une présence dans les lieux du patrimoine serbe ; - maintien d'une présence aux passages-frontières clés. " Addenda : le retour de ces personnels se fera " sous la supervision de la présence internationale de sécurité et sera limité à un petit nombre convenu (des centaines et pas des milliers) ". 7. " Retour en sécurité et libre de tous les réfugiés et personnes déplacées sous la supervision du HCR (Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, NDLR) et accès sans entraves au Kosovo pour toutes les organisations humanitaires. " 8. "Processus politique tendant à la conclusion d'un accord-cadre politique intérimaire, assurant une autoadministration substantielle pour le Kosovo, en prenant pleinement en considération l'accord de Rambouillet et les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la RFY et des autres Etats de la région, ainsi que la démilitarisation de l'UCK (Armée de libération du Kosovo, NDLR). " " Les négociations entre les parties en vue d'un règlement ne devraient pas différer ou entraver l'établissement d'institutions démocratiques d'autoadministration. " 9. " Approche globale du développement économique et de la stabilisation de la région de crise. Cela inclura la mise en ouvre du Pacte de stabilité pour le sud-est de l'Europe avec une large participation internationale, afin de promouvoir la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération régionale. " 10. " L'arrêt des activités militaires exigera l'acceptation des principes énoncés ci-dessus et la conformité avec les autres éléments exigés. " Addenda : " La suspension des activités militaires interviendra après le début d'un retrait vérifiable. " " Un accord militaire et technique sera ensuite conclu rapidement, qui précisera, entre autres, les modalités additionnelles, y compris le rôle et les fonctions du personnel yougoslave-serbe au Kosovo. " **************************** 04 Juin 1999 - INTERNATIONAL Quelle sécurité pour l'Europe? La question d'une défense européenne est l'un des thèmes du sommet de Cologne qui devrait désigner, si l'on en croit les augures, l'actuel secrétaire général de l'OTAN, l'Espagnol Javier Solana, comme "M. PESC". Mais qu'est-ce que la PESC? Littéralement, c'est la Politique européenne de défense et de sécurité commune, dont les pays membre de l'Union européenne ont décidé de se doter lors du traité de Maastrich, en 1993. La question d'une organisation de défense susceptible de garantir la paix en Europe se pose depuis la Seconde Guerre mondiale. En 1948 la France, le Royaume-Uni et le Benelux signent le traité de Bruxelles. Vient ensuite, en 1952 - trois ans après la création de l'OTAN - la tentative de créer une Communauté européenne de défense (CED) avec une "armée européenne" intégrant une unité allemande. Communistes et gaullistes s'y opposèrent au nom de l'indépendance nationale et l'Assemblée française enterra le traité en refusant de le ratifier. Deux ans plus tard, en pleine guerre froide, naissait l'UEO (Union de l'Europe occidentale) conçue comme le relais européen de l'OTAN, sans moyens militaires autonomes. En 1984 est créée la brigade franco-allemande qui débouchera en 1992 sur la première unité militaire européenne: l'Eurocorps. Aujourd'hui, l'Eurocorps comprend des troupes de cinq pays: Allemagne, Belgique, Espagne, France et Luxembourg. Elle peut mobiliser 50 000 hommes et apporter sa contribution à des opérations décidées par l'OTAN, l'UEO ou l'ONU. Elle a effectué pour la première fois cette semaine des manouvres sous commandement de l'OTAN, visiblement dans le cadre d'une préparation à une intervention terrestre en ex-Yougoslavie. Quant à la PESC, elle est, pour l'instant, du domaine des intentions. Le traité d'Amsterdam lui donne comme objectif "à terme" une "défense commune". C'est le Conseil européen qui en définit les orientations. Celui de Vienne, en décembre, avait retenu quatre "stratégies prioritaires": Russie, Ukraine, région méditerranéenne et Balkans. Mais depuis deux mois, avec la guerre lancée par l'OTAN contre la Yougoslavie, le problème du rôle de l'Europe et des moyens dont elle pourrait disposer pour régler elle-même ce genre de crise est devenu aigu. Les questions se posent en rafale : si une véritable PESC existait, aurait-on eu recours aux frappes de l'OTAN ? Une diplomatie commune - qui est l'un des éléments de la PESC - aurait-elle pu éviter cette guerre? La sécurité en Europe suppose-t-elle une "armée européenne"? Peut-on imaginer, comme le suggérait Robert Hue le 2 mai, "une coordination des politiques de défense européennes (...) impliquant les forces de l'Union, les pays de l'Union et un certain nombre de pays comme la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine". Comment la PESC situerait-elle l'Europe vis-à-vis de l'OTAN? Le nom de Javier Solana, évoqué pour être le premier "Monsieur PESC" - chargé de "représenter l'Europe au plan international" - n'a rien de rassurant. Car, à en croire sondages et enquêtes, si une majorité d'Européens se prononcent pour une politique de défense commune, voire pour une armée européenne, c'est précisément pour que l'Europe se dote des moyens d'une politique indépendante à l'égard des Etats-Unis et cesse d'être dépendante de l'Alliance atlantique. Cela pose, outre la question de l'indépendance de chaque nation, celle des moyens à mettre en ouvre. Le sommet de Cologne pourrait décider de l'intégration de l'UEO à l'Union. La semaine dernière à Toulouse, Paris et Bonn se sont prononcés pour un "corps de réaction rapide européen" ayant pour socle l'Eurocorps. Encore faut-il que les Quinze se mettent d'accord pour le doter de moyens militaires et d'un commandement. Sans parler, évidemment, du choix des armes. Vaste sujet qui touche à la restructuration en cours des industries européennes de l'armement et aux combats farouches que se livrent les marchands de canon de part et d'autre de l'Atlantique. FRANÇOISE GERMAIN-ROBIN **************************** 04 Juin 1999 - INTERNATIONAL L'INUTILE PRIX DE LA GUERRE Le plan de paix diffère du texte de Rambouillet par le fait qu'il sera mis en ouvre sous la conduite de l'ONU, avec notamment la participation de la Russie à la force de sécurité. Que ne l'a-t-on proposé plus tôt, avant les bombardements ! Soixante-douze jours de guerre dans les Balkans séparent les négociations avortées de Rambouillet et le plan de paix conclu hier à Belgrade. Etait-ce nécessaire ? Menées par un groupe de contact composé des Etats-Unis, de la Russie, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et de l'Allemagne, les discussions du début de l'année, avec les autorités yougoslaves et des représentants des Kosovars albanais, avaient été rapidement phagocytées par la secrétaire d'Etat américaine, Madeleine Albright. Ce qui avait été faussement qualifié d'accord n'était en fait qu'un diktat imposé par les Etats-Unis et accepté par les Européens. Sous couvert d'un projet destiné à assurer aux Kosovars albanais le droit de vivre libres et en sécurité dans leur province, la chef de la diplomatie américaine avait convaincu l'élément dur de la délégation kosovar, l'UCK, de signer le 18 mars le projet présenté aux deux parties. · partir de ce moment-là Belgrade était mis dans la situation d'approuver ou de rejeter. Et, en cas de rejet, la " punition " otanesque était mise en marche. Le texte de Rambouillet prévoyait " une autonomie substantielle " du Kosovo au sein de la Fédération yougoslave pour une période de trois ans après laquelle de nouvelles dispositions pouvaient être envisagées. Le 15 mars, le président serbe, Milan Milutinovic, représentant Belgrade dans ces conversations, déclarait : " Nous avons seulement parlé d'un accord politique et rien n'est conclu. Les négociations se poursuivent dans une bonne atmosphère. " Et, ajoutait-il, " nous sommes prêts à signer un accord politique (je dis bien : politique), mais à la condition bien sûr que les amendements que nous avons présentés soient acceptés ". En réalité, le document, qui était à prendre ou à laisser, prévoyait des modalités de mise en ouvre inacceptables par les autorités yougoslaves. Officiellement, selon le ministère français des Affaires étrangères, " une force militaire internationale (KFOR) sous commandement de l'OTAN " chargée de contrôler le retrait des forces serbes du Kosovo et la démilitarisation de l'UCK " au besoin en ayant recours à la force ". En fait il s'agissait de tout autre chose : le volet B du document - révélé par l'Humanité hebdo du 30 avril - dans son article 8 que " le personnel de l'OTAN, ses véhicules, vaisseaux, avions et équipements devront bénéficier d'un passage libre et sans restriction à travers la RFY et d'un accès sans entrave à son espace aérien et fluvial ". Le piège était donc en place. Et, en toute connaissance de cause, le président Milosevic acceptait de jouer, avec l'OTAN, à cette partie de tout-ou-rien dont les victimes seront les populations. Le 19 mars, le président Clinton avait mis les cartes sur la table en proclamant : " Si nous n'agissons pas, la guerre va s'étendre. Si elle s'étend, nous ne serons pas en mesure de la contenir sans de plus grands risques et coûts [...] ". Le 24 mars, les appareils des pays membres de l'OTAN larguaient leurs premiers missiles et bombes sur la Yougoslavie et essentiellement sur Pristina, comme nous l'annonçait le soir même notre correspondant Roger Chambaud, présent dans la capitale du Kosovo. Le même jour, l'AFP écrivait : " De nombreux habitants serbes et albanais de Pristina, chef-lieu du Kosovo, ont déserté mercredi leur ville, redoutant les bombardements de l'OTAN ainsi qu'une nouvelle flambée de violences entre les deux communautés. " Depuis ce jour-là, près de 780 000 Kosovars albanais ont fui ou ont été chassés par les forces serbes. Le 10 mai, la Commission européenne estimait déjà que la reconstruction du Kosovo coûtera de 2 à 3,5 milliards de dollars (soit environ 20 milliards de francs). L'assistance économique aux pays des Balkans, indirectement victimes de la destruction de l'économie yougoslave, pourrait coûter une somme équivalente. Qui va payer la reconstruction de la Yougoslavie ?. Pour les Etats-Unis, cette guerre devait être le triomphe de l'OTAN dont, affirmait Bill Clinton, la crédibilité était en jeu. Il s'agissait, ajoutait-il, d'une question de " valeurs " et de " démocratie " que les Etats-Unis " en tant que superpuissance mondiale " se devaient de défendre. Dans le même temps, chaque missile, chaque bombe larguée sur la Yougoslavie a renforcé la chape de plomb du régime Milosevic sur la population yougoslave et l'exode forcé des Kosovars. Aujourd'hui, le diktat de Rambouillet a été remplacé par un accord dont le contenu politique est le même dans ses principes généraux. En revanche, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie a été reconnue. Et la force internationale chargée de mettre en ouvre l'accord n'est plus sous la seule autorité de l'OTAN mais sous celle de l'ONU, avec la participation russe et d'autres pays. Ceci n'aurait-il pas pu être obtenu sans guerre ? N'aurait-il pas été préférable de pousser les feux de la négociation alors qu'il en était encore temps ? A-t-il fallu un champ de ruines pour confirmer que la guerre est un moyen décidément obsolète de résoudre un conflit ?. Michel Muller. ************************** 03 Juin 1999 - TRIBUNE LIBRE Un anachronisme féroce Par Mario Luzi. Ecrivain (*). L'Europe n'a pas de consistance politique, elle n'a pas d'autorité pour prendre des décisions ; mais elle existe dans sa maturité civique, à laquelle nul ne peut renoncer. Celle-ci est commune à tous les pays qui la composent, elle transcende toute différence d'opinion ou de militantisme politique. Le moindre élément constitutif, la plus infime fibre vivante de la culture européenne refuse la guerre en cours au cour de l'Europe comme un anachronisme féroce et une régression indécente dans l'échelle de l'évolution de la civilisation. Il y a un rejet général dans la conscience européenne et une humiliation intolérable de l'esprit européen présent à l'intérieur même de chaque citoyen du continent, qu'il en soit conscient ou pas. L'expulsion, ou l'exode, brutalement mis en ouvre par la direction yougoslave et dramatiquement aggravée par l'action belliqueuse de l'OTAN, projette cette tragédie dans un fond d'apocalypse et constitue un défi à la raison et à l'esprit de l'homme moderne. La situation est en même temps irréelle. Comme un boxeur sonné, l'OTAN (c'est-à-dire les Etats-Unis avec l'apport de quelques pays d'Europe) continue à cogner comme un automate contre un adversaire monstrueux et absolument insensible à la douleur humaine, individuelle et collective. Nous devons, avant même la justice, retrouver la réalité, sortir de l'absurde, de l'hallucination, de la folie sanguinaire. Tout de suite, immédiatement. Le reste viendra après. (*) Considéré comme l'un des plus grands poètes italiens actuels, Mario Luzi a publié de nombreux recueils, la plupart traduits en français, et dernièrement le Présent de Leopardi, Ed. Verdier, 1998. ************************** 14 Mai 99 - TRIBUNE LIBRE Sommes-nous si engourdis ? Par Jean Vautrin. Ecrivain. (*) En cette période de pantalonnade corse où l'incendie des paillotes prend le pas sur la catastrophe humanitaire qui s'est jouée à nos portes, en cette époque désabusée pour le citoyen, frileuse pour l'Etat, mangée par les ombres du déshonneur, en ces temps de désillusion et sans doute conviendrait-il de dire de désaffection pour la chose politique, il est sain, il est loisible et salutaire de faire le point sur le cap de nos idées, sur l'acuité de notre révolte, sur notre capacité à nous motiver et peut-être à repartir d'un meilleur pas sur la carte embrouillée de nos perspectives contemporaines. Il y a quelques semaines, m'eussiez-vous posé la question de savoir les raisons de mon engagement politique aux côtés de Robert Hue, je vous aurais répondu sans détour ni langue de bois : " Parce qu'il est un des seuls hommes de bonne volonté, de passion et de courage que j'ai rencontrés ces dernières années. " J'aurais évoqué sa faculté d'interrogation, sa juste remise en question des aspects fondamentaux d'un nouveau socialisme " à la française ", j'aurais abordé la façon qu'il a eue, et avec lui des centaines de communistes, de se remettre en cause et d'ouvrir le débat avec des gens, qui, comme moi, tout en restant à l'extérieur du parti, avaient encore la rage de dialoguer sur l'essentiel d'une société moribonde qui s'emboucane au progrès, se shoote au rendement et étouffe faute de combustions nouvelles et d'un projet capable de l'oxygéner. J'aurais également reconnu aux communistes le mérite d'avoir admis à leurs côtés des compagnons de route qui soient aussi éventuellement des compagnons de DOUTE. · cet égard, la liste Bouge l'Europe ! constituée de gens surprenants, réfléchis, ouverts, branchés sur la vie, est un exemple d'hommes et de femmes ayant vraiment à cour de placer l'humain au centre de leur projet commun. J'aurais prêché aussi pour ma paroisse. J'aurais dit que les hommes de culture avaient certainement leur rôle à jouer dans cette affaire. Que nous devions reprendre l'initiative de la parole. Sans condescendance. Avec fraternité. Que nous devions à nouveau nous dresser. Qu'il fallait que de nouvelles voix s'élèvent. Que la perte de la parole sous toutes ses formes, sa confiscation ou l'oubli même des mots, de leur signification, de leur sève et de la santé qu'ils contiennent, que l'éloignement, l'appauvrissement du vocabulaire, l'illettrisme, la désaffection du public pour des textes au profit d'images calibrées, orientées, blanchies en quelque sorte, sont un déficit terrible pour la démocratie. Que pour qu'un nouvel état d'esprit libre s'épanouisse, il fallait ressusciter l'opinion. Qu'il fallait être capable de résister à l'Evangile selon saint Poivre ou au prêt-à-penser qu'on nous instille jour après jour sur les étranges lucarnes. Qu'il fallait multiplier les endroits comme ici, à Uzeste, forum rural inventif et festif, libre agora des bruits, des sons, de l'image et du texte. J'aurais expliqué pourquoi je me rangeais volontiers dans les rangs de ceux qui privilégient l'Europe sociale plutôt que celle de l'argent. J'aurais insisté sur la création d'un espace culturel fraternel cimenté de pays à pays, une sorte d'internationale de la création, une passerelle universelle vers des pensées confrontées, réconciliées, intelligibles, compatibles. Un liant indispensable à la fusion des différents peuples européens. Une première pierre fondatrice de l'Europe des esprits. En cette fin de siècle, j'aurais demandé à tous les peuples d'Europe : qu'avons-nous fait depuis cent ans pour la réussite du petit de l'homme ? Quel futur avons-nous bâti pour nos gosses ? Quelle belle raison de respirer la terre leur avons-nous fourni ? En quelle plénitude du corps et de l'esprit accueillerons-nous celui qui est notre fils, ceux qui seront nos enfants et nos semblables et que je reconnais comme les vrais, les universels voyageurs du temps ? J'aurais répété que l'euro n'est pas la priorité des priorités. J'aurais réaffirmé que l'urgence est ailleurs et frappe inlassablement à notre porte. Que partout, autour de nous, le temps s'échauffe et dérape. Que l'homme écorché, rebuté, penaillé - abandonné parfois - ou trimballé en des férocités de guerre, en des fatalités de chômage, en des rejets de racisme, continue chaque jour à nous tendre une main suppliante à tous les carrefours du quotidien. J'aurais dit tout cela et bien d'autres choses encore... Et puis voilà que la guerre justement et son insupportable cortège de cacophonies est allée plus vite que je n'escomptais. Voilà que la guerre abjecte était devant chez nous. Et voilà que la France la faisait. Voilà qu'aussitôt l'image de l'Europe reculait en hurlant. Voilà que la campagne pour les élections européennes était subitement remisée au placard. Voilà que nous étions gorgés d'images insupportables, saturés d'informations contradictoires, alertés par les croûtes et blessures du genre humain, alors que notre société se contentait de continuer son traintrain, son ronron fricailleurs à la Bourse, que nous continuions encore et encore d'emboîter le pas à la superpuissance dominatrice, que nous envisagions sans fausse honte la seule chirurgie de l'argent - frappant de haut, ennemi sans autre visage que nos masques furtifs, simple tentacule de la pieuvre multinationale, serviteurs zélés de la force impériale et aveugle - terribles chiens de guerre. Quel cri pousser ? Je n'entends pas me situer sur l'échiquier des redresseurs de torts, ni sur celui, plus périlleux encore, des théoriciens, mais je sais que nous ne sommes pas faits pour rester le front appuyé à la vitre à regarder passer le temps. Alors, encore une fois je m'éraille, je dis mon fait, je ne me résigne pas à penser qu'il faille laisser notre destin à la main invisible qui veut tout régir, l'ultralibéralisme, et, usant de mon libre chemin d'artiste, je veux joindre le tambour de ma colère aux voix de ceux qui pensent qu'il faut éteindre cette guerre inutile. On me rétorquera : " Vous oubliez la folie sanguinaire de Milosevic. " C'est faux ! On n'oublie pas un crotale de sa stature. L'exemple de la Bosnie est encore frais ! Pas plus que je n'oublie - et voilà qui nous rapproche insensiblement de la culture - que les écrivains ont trois prédateurs naturels : l'indifférence, les critiques littéraires et les tyrans, justement. Les tyrans sont ceux qui interdisent nos mots, brûlent nos livres, rêvent de nous assassiner, toujours nous déportent et nous coffrent. Vieille chanson ! Très vieille épure ! Milosevic est de leur trempe ! Indéniable ! Les fachos de leur pointure discriminent, trient, fusillent, torturent, violent. Grandeur nature ! Nous y sommes ! Reste que la guerre sera laide quoi qu'on fasse. Parce qu'elle est menée par le fric. Parce que l'Amérique voit l'Europe d'un mauvais oil. Parce qu'elle avait besoin de déstabiliser l'entente précaire qui commençait à s'instaurer. Parce que les Etats-Unis n'ont jamais pu souffrir l'idée d'une Europe de Brest à Vladivostok. Comptez les parts de marché ! Vous comprendrez mieux que la guerre du Kosovo n'est qu'une devanture, un bûcher allumé pour réactiver le grand brasier cryptique de la Grande Guerre économique qui fait rage bien au-dessus de nos têtes. On nous dit que l'économie des USA se porte bien. On oublie de nous dire qu'elle s'appuie largement sur le crédit. Sur le consumérisme. Qu'elle est faible dès lors qu'elle perd sa clientèle. Que sans cesse l'hydre de l'expansion a faim, que sans cesse il faut proposer à son appétit de nouveaux marchés. De nouveaux terrains de jeux. Accepterons-nous comme d'autres avant nous la fatalité d'une société de profit, de crédit, d'endettement ? Pour en revenir au conflit avec l'ex-Yougoslavie, l'expérience nous a appris qu'il n'est de remèdes aux Balkans que dans la négociation. Espérons que l'OTAN en usera ainsi. Mais, quoi qu'il advienne, une réalité doit s'imposer le plus vite possible aux dirigeants européens : pour faire bouclier à l'unique voie dessinée par l'impérialisme capitaliste, il est urgent, il est nécessaire, il est thérapeutique que se forge entre les nations européennes une autre conviction. Il est urgent qu'à l'heure inéluctable du métissage entre les peuples, nous ne vivions pas dans la perspective d'une pensée unique. Sinon, nous adopterons les tics des autres. Nous les singerons. McDo à tous les coins de rue. Nous aurons du sucre plein les dents. Nous deviendrons moutonniers. Nous oublierons notre propre richesse d'expression, l'originalité de notre peuple, nos grands principes libertaires. Gardons-nous d'être la moitié du dollar ! D'être une patte du mille-pattes capitaliste ! Happy Dow Jones, Mister Blair ! Nous, nous n'aimerions pas que notre gauche soit aveuglée par la logique expansionniste du dogmatisme économique ! Les mauvais coucheurs me diront que c'est déjà hélas entré dans les faits ! Coca-Cola fait l'olympisme. CNN met en scène la guerre. Les multinationales s'entre-bouffent chez nous comme ailleurs. Monsieur Dupont bade devant Nagui et se laisse tondre par sa bagnole. La Lyonnaise des eaux règne à la télé, elle préside aux destinées du commerce des Pompes funèbres, de l'eau pure, de l'immobilier et j'en oublie. La vie entière des familles est repeinte au soap opéra. Au ragot satellite. · la sur-réalité du wargame. · la connerie compensatoire. Les gosses sont cernés par un monde onirique. Ils finissent leur viande folle, boivent un coke et tuent leur professeur pour le dessert. Voilà le nougat où nous sommes : la mort est banale et virtuelle, le frigo des riches est toujours plein. Je sens tanguer le sol noir. Vous me direz que ce n'est pas plus choquant que lorsqu'on prétend sortir de leur néant social les recalés de la vie pour les recaser dans des emplois qui n'existent pas. Qui n'existent plus. Car on ne veut pas admettre la vérité essentielle, bien sûr. La société n'est pas seulement en crise, elle est en mutation. Rien ne sera plus jamais " comme avant ". Hors jeu ! Dès lors, le leurre est de taille ! Quelle est la place des nouveaux venus sur le marché du travail ? Au pays des décideurs, comment pourrait-on envisager l'avenir d'une vie de jeune, si lui-même ne distingue pas très bien la fin de sa semaine ? Et les êtres nés au cours de cette marche forcée vers un en-avant que personne ne connaît, à quel grand bal d'apocalypse les conduit-on ? Roses bébés-éprouvette, petites julies in vitro, enfants donnés, portés, adoptés, en quels destins allez-vous percer vos dents ? On manipule. On divise. On clone. On greffe. On force. On centrifuge. Sous des ciels bas et traînants, l'humanité se démène. Mais en même temps le fond de la barbarie est inusable. Elle est la même qu'il y a deux mille ans. L'homme broyé par l'homme n'a pas de limites. Comme si l'expérience était intransmissible, le fossé se creuse entre les pauvres et les riches. Entre un SDF et une multinationale, le gouffre n'a plus de fond. La sirène d'injustice hurle sur toute la planète ! Plus que jamais se dessine le camp des festoyeurs, des margoulins, des planqués de l'ordre social, de l'autre, le peuple des dérouillés, des exclus, des différents. Les paris perdus de la société libérale avancée nous conduisent au fameux processus de déstructuration dont nous sommes depuis trente ans les acteurs et les otages impuissants. Alors, pourquoi brûler les étapes ? Vers quel voyage pressé nous hâtons-nous d'où nous ne reviendrons pas indemnes ? Pourquoi ne pas s'attendre ? Et si c'était à cela aussi que pourrait servir l'Europe ? S'attendre. Réfléchir. Légiférer pour une éthique nouvelle. Nous voilà revenus à la question aiguë de la fracture du temps. Jamais, en cette période dénuée de paliers de réflexion, nous n'avons eu autant besoin de mémoire et de bornes. Jamais nous n'avons tous été plus conscients de la nécessité de redessiner le monde. Même si la tâche paraît insurmontable. Même si elle relève du défi d'un impénitent rêveur d'idéal. Après tout, c'est de l'aventure des hommes, celle que nous partageons tous par naissance qu'il s'agit. Réfléchissez ! Sommes-nous si engourdis, si désabusés, si infectés par la course au profit que nous soyons devenus inertes ? Sommes-nous incapables de dessiner les contours d'une société plus juste ? C'est ici sans doute que la proue de la culture est faite pour briser l'inertie de l'époque. Elle est une matière vivante et innovante. Un artiste qui mérite ce nom n'est comptable que devant lui-même. En prenant le pouvoir de l'imagination, en le communiquant, il se voue à devenir l'annonciateur du futur, le balancier des civilisations, à devancer à éclairer les politiques de son temps. Puisque la politique est malade, puisque tout est à vendre, puisque l'humanité titube, puisque la grandeur est morte, il faut refabriquer par petites touches patientes un tissu citoyen, un nouveau mode de réussite sociale. Il faut réapprendre par le bas à dialoguer avec l'art. Il faut donner de l'autonomie aux personnes. Il faut faire de la culture une source de convivialité, de libre choix, et, partant, un élément déterminant de la démocratie, qui se reprendra à rêver ses rapports avec les autres. Mieux, à inventer son chemin de vie. Le libre chantier perpétuel démarré par Bernard Lubat, il y a une vingtaine d'années dans cette magique commune gasconne où nous sommes, est à l'image de l'atelier dont je vous parle et qui prépare à la vie citoyenne. Bernard a compris qu'il pouvait non seulement inventer ses propres outils d'expression, mais aussi apprendre aux enfants d'Uzeste à forger la liberté de leurs gestes, à découvrir leurs propres possibilités, leurs limites. En somme, il avalise une idée simple : l'itinéraire d'accompagnement de la Culture est CREATEUR DE CIVISME. Qu'il s'agisse d'ignorance, de tâtonnement, de doute ou même de rejet pur et simple, chacun d'entre nous cristallise à son insu un besoin archaïque de création. La culture est l'affaire de tous. C'est un dû. Il n'est pas de citoyen qui n'ait le droit d'accéder aux joies, aux bénéfices, à la plénitude de la connaissance. La culture est un cri d'existence. Une exaltation radieuse. Un témoignage de vie. Une façon d'être AVEC les autres, d'être DIFFERENT ET ENSEMBLE. C'est cette étrange façon d'avancer à l'unisson de l'humanité entière, un peu en avant, et de participer à l'obscur voyage au bout de la connaissance de soi et des autres. La culture commence à l'école. Elle est un signal d'alarme pour la société. Nos enfants ne doivent pas devenir des citoyens robotisés ou tenus au bout d'une laisse électronique. La culture requiert un accès libre et sans tabous. La culture est un foisonnement en marche. Elle ne s'hérite pas. Elle se conquiert. Elle ne saurait fertiliser les hommes que si sa matière est vivante. Jamais en cage, elle pose question et, souvent, sa réponse est une question. Elle ne saurait s'approfondir, prêcher révolte, se diffuser ou resplendir que si elle devient respiratoire. Que si elle est synonyme de liberté de l'esprit. Elle répète à l'évidence que ce dont manque l'homme de cette fin de siècle c'est plus d'instinct, d'enthousiasme, de bon sens, de solidarité et de passion que de calculs ou de méfiances, de prospectives d'énarques ou de spéculations de Bourse. L'homme de la fin du XXe siècle a besoin de trouver sa vraie place à côté de la machine. Il a besoin de reprendre le pas sur l'automatisme, sur le prévisionnel, sur la robotique et de faire réentendre haut et fort la liberté de son corps, la force de son âme, les accidents de sa pensée, bref, il a besoin pour respirer les bienfaits du progrès de redire au besoin par la force, sa volonté du partage des biens, des bénéfices et des services, son droit universel à la nourriture, à l'instruction, à la retraite, à la culture et à la paix. (*) Prix Goncourt 1989. Ce texte a été prononcé à Uzeste, le 9 mai, à l'occasion de la rencontre à laquelle participaient aussi André Benedetto, Robert Hue, Bernard Lubat et Stanislas Nordey (voir l'Humanité du 10 mai 1999). ******************** 27 Mai 1999 - TRIBUNE LIBRE Voir par soi-même Par Francis Pornon. Ecrivain (*) Depuis deux mois, la nausée me rend incapable de m'insérer dans le débat sur la situation du Kosovo et de la Yougoslavie. Pire, si j'aime qu'on prenne position, je suis parois navré à lire ce que signent mes pareils. Moins navré, sans doute, que notre réduction à l'état de condamnés sommés de choisir entre être responsables par défaut d'un Moyen ge de crimes, viols, déportations et holocauste, et être complices d'une guerre illégitime et impériale et, pléonasme indispensable, meurtrière. C'est ainsi que je comprends l'attitude de Régis Debray. On peut émettre des réserves sur les conditions de son voyage et sur ses résultats. Mais je suis stupéfait par la levée de boucliers qu'il a provoquée. Quelle réaction plus humaine, tandis qu'on glose dans les cafés et sur les ondes, que d'aller voir par soi-même? L'an dernier, je me suis rendu en Algérie. Certains amis ont eu peine à croire que j'y aie vu un pays non seulement terrain de terrorisme mais encore terre de vie et d'amour. Cette année, je me rends au Maroc et publie à nouveau dans l'Humanité. Un lecteur s'offusque que je n'aie pas vu le Maroc des années de plomb. Et si je n'ai pas envie, moi, de me rendre outre-mer pour conforter les opinions régnantes! Régis Debray rapporte que lorsqu'une dépêche annonçait le bombardement des civils par l'OTAN à Djakovieza, Tony Blair répondait que, connaissant les Serbes, cela devait être eux. On se souvient des scolastiques qui, invités par Galilée à regarder dans sa lunette astronomique, refusaient afin que cela ne leur troublât point l'entendement. Descartes prévint que les voyages ne forment pas la jeunesse, mais la distraient tout au plus, ce qui ne l'empêcha pas de pérégriner en de nombreux pays d'Europe. Qui a raison, de Delacroix se documentant chez lui et de Byron se rendant en Grèce en pleine guerre? On pourrait en disputer longtemps. Mais une chose me semble claire, criante même, c'est qu'il est téméraire de se démarquer de ce que Jean-François Kahn appelle "la tendance au discours unique". Un danger nouveau et incommensurable nous guette. Pour la première fois, des informations, plus, des pensées, sont partagées mondialement et élevées au rang des certitudes, de vérités universelles, univoques et absolues. Né dans le Midi, depuis longtemps accoutumé à douter de ce qui se dit à Rome, à Versailles ou même à Paris, ayant appris que les savoirs consensuels peuvent cacher les ignorances les plus formidables comme celle, au présent, du génocide kurde, ou celle, du passé, de la croisade contre notre Sud, puis de l'ablation de la langue, son érotique et son âme, lesquelles renaissent pourtant comme Phonix, j'ai toujours éprouvé de la suspicion pour les idées convenues, fussent-elles animées de sentiments humanitaires. C'est pourquoi je salue avec grande sympathie la démarche de Régis Debray. Et je retiens avec grande ferveur les deux derniers mots de son article dans Marianne: "ET DOUTEZ." (*) Dernier ouvrage paru: Algérie, Algérie! (Editions Paroles d'Aube). ************************* 11 Mai 99 - TRIBUNE LIBRE Mortel engrenage ? Par Andreï Gratchev. (*) Pendant deux jours, à Quimper, nous avons été invités à réfléchir sur la perspective de l'an 2000 (1). Comment ne pas constater avec tristesse, à l'approche de cette date, qu'une chance a été gâchée ? Dix ans après la fin de la " guerre froide ", en effet, nous sommes en pleine guerre chaude. Cette guerre a lieu dans les Balkans, c'est-à-dire au cour de l'Europe ; elle est en train de se propager bien au-delà des frontières de la Yougoslavie ; elle a des conséquences sur les relations entre la Russie et l'Europe occidentale. Et elle a déjà pris des proportions qui amènent à s'interroger sur le fait de savoir si nous ne sommes pas entrés - avec une opération présentée au départ comme étant de simple " police " - dans un engrenage dont on ne sait pas du tout où il mène, mais qui a cet effet tragique d'amener beaucoup de personnes à regretter l'époque de la " guerre froide ". Immense paradoxe pour tous ceux qui avaient mis tant d'espoir, des deux côtés du " rideau de fer ", sur le fait que la " perestroïka " et la démocratisation du système soviétique engagées par Mikhaïl Gorbatchev étaient porteurs d'une perspective d'harmonisation des intérêts de sociétés différentes à l'échelle de toute la planète. · qui la faute ? Je ne m'arrêterais pas longuement aujourd'hui - j'ai déjà eu l'occasion de le faire à de multiples reprises - sur la crise des sociétés post-communistes, qui ne parviennent pas à sortir du système antérieur et qui connaissent, à des degrés divers, des situations parfois plus que douloureuses. Bien sûr, la Russie a une part de responsabilité, comme acteur ancien et actuel de la scène politique internationale. Mais je souhaite évoquer surtout ici la responsabilité qui me paraît être celle des " vainqueurs " - c'est-à-dire des pays qui ont déclenché le conflit. Les frappes de l'OTAN contre un Etat souverain constituent en effet une " première " depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elles ont été justifiées par le caractère interminable de la crise yougoslave, avec ses conséquences dramatiques, avec la tragédie bien réelle que vivent les Albanais du Kosovo, persécutés et subissant une répression féroce de la part du pouvoir de Belgrade. Leur sort est - hélas ! - typique de ce qui a fait la suite de la fin de la " guerre froide ", laquelle était marquée, comme on le sait, par une " stabilité " garantie par la domination des deux superpuissances nucléaires. Avec l'éclatement puis la fin de l'Union soviétique - qui, soit dit entre parenthèses, est l'un des éléments qui a rendu possible ce conflit, inimaginable il y a seulement dix ou quinze ans - l'un des deux pôles de la puissance mondiale d'antan a disparu. Il constituait une sorte de " balance " stratégique, certes perverse et injuste parce que fondée sur la force et sur la peur, mais il assurait une relative stabilité dans les relations internationales. Aujourd'hui, cette forme de " contre-pouvoir " face à la puissance occidentale n'existe plus, et l'on est amené à constater de manière paradoxale que - malgré les professions de sa foi démocratique - l'Occident, demeuré sans ennemi et sans menace, ne parvient pas à passer le test de sa domination retrouvée, de sa suprématie stratégique et militaire. Au contraire, à l'image de l'OTAN, il se transforme en une organisation militaire de caractère offensif, menant une politique expansionniste justifiée par le souci de la défense et de la propagation des valeurs démocratiques et de celles des droits de l'homme. Cette politique est-elle efficace ? Sans même parler de la légalité et de la moralité de l'opération en cours - les pays de l'OTAN eux-mêmes reconnaissent que, pour la déclencher, ils ont dû contourner l'ONU et court-circuiter le Conseil de sécurité, ce qui témoigne d'une curieuse conception du rôle des instances internationales dont on veut bien se servir, mais à condition qu'elles approuvent à l'avance des décisions prises ailleurs - je veux d'abord dire un mot de ce qui était sans doute l'état d'esprit de ses initiateurs. Apparemment, ceux-ci avaient misé sur une sorte de " Blitzkrieg " (2), comparable à la conquête de la Grenade par Reagan (3). Or, agir de cette façon dans les Balkans témoigne, selon moi, d'un manque total de responsabilité. Six semaines après le déclenchement de l'opération, nous sommes confrontés au spectacle d'un désastre ; avec un drame humain qui concerne à la fois les Serbes et les Kosovars qui, d'un coup, se sont transformés en un peuple exilé, pris en otage par Milosevic, victime de la vengeance des Serbes mais aussi des bombardements, et qui fuirent les deux ; avec aussi la déstabilisation de tous les Balkans ; avec encore un constat de faillite par rapport à ce qui constituait l'objectif essentiel de l'opération : la capitulation de Milosevic et la chute de son régime. Qu'observe-t-on aujourd'hui ? Tout d'abord que le régime de Milosevic s'est solidifié, en mobilisant autour de lui, non seulement le potentiel de la résistance, mais aussi celui du nationalisme serbe. Au-delà des Balkans eux-mêmes, les conséquences de cette situation sont dramatiques. Pour m'en tenir à la scène politique intérieure russe, on observe la montée en force des courants nationalistes, la réapparition d'un personnage comme Jirinovski - qu'on avait cru pouvoir oublier, mais qui occupe déjà la cinquième position et devance le général Lebed dans les sondages en vue de la prochaine élection présidentielle (4) - la certitude malheureuse que la succession du président Eltsine va être largement influencée par les réactions indignées de l'opinion publique face à l'action des pays de l'OTAN. Ayons à l'esprit que la montée en force des courants nationalistes peut faire émerger, cette fois en Russie, d'autres Milosevic, avec des capacités de nuire beaucoup plus importantes, que l'on n'ose pas imaginer. Cette opération, je l'ai déjà dit, porte atteinte au rôle de l'ONU et au droit international dans son acception la plus large. Je veux y revenir. J'entends souvent dire que l'ordre international issu de la fin de la Deuxième Guerre mondiale était obsolète, parce que fondé sur la réalité de la " guerre froide ". Ce à quoi je réponds : " D'accord, mais quelle est la suite ? " Est-ce que la porte de sortie, face à ce constat, se situe du côté de l'arbitraire, du côté d'une situation dans laquelle, finalement, personne - absolument personne - ne pourrait plus se sentir à l'abri d'une décision ou d'une pédagogie coercitive de l'Occident, justifiées par des considérations démocratiques ? Ce serait revenir au temps des Croisades, avec ce que l'histoire peut nous en apprendre. Mais l'on serait alors bien loin de l'établissement d'un nouvel ordre international légal, juste et démocratique. Car parler de démocratie, n'est-ce pas supposer le pluralisme des expressions et des positions, n'est-ce pas aussi entendre la consultation et la prise de responsabilités collectives ? Six semaines après le début d'une opération dont tout montre qu'elle mène à l'impasse, avec un coût humain et un prix politique dramatiques, il est temps, me semble-t-il, que ses initiateurs réfléchissent, tout comme l'ensemble des pays occidentaux. On est tenté de voir dans l'accord donné par les pays de l'OTAN à une réunion du G8, une sorte de prise de conscience de la réalité des choses, et l'acceptation de la nécessité de faire marche arrière dans deux directions : le retour dans la légalité internationale - on évoque désormais la nécessité de disposer d'un mandat de l'ONU pour quelque suite que ce soit à donner à cette opération - et le souci de trouver une solution politique au conflit, autrement dit le renoncement à l'illusion selon laquelle on pourrait parvenir à une issue par la coercition et par l'usage de la force. Car, à poursuivre dans la voie actuelle, les pays de l'OTAN semblent, curieusement, se comporter en adeptes de la " doctrine Brejnev ", c'est-à-dire en partisans de la doctrine de la " souveraineté limitée ", dans la mesure où eux-mêmes décideraient de la souveraineté à accorder aux autres pays et de la manière dont celle-ci devrait, le cas échéant, être limitée. Enfin, je pense, il est urgent d'associer à nouveau la Russie à toute recherche de solution, mon sentiment étant qu'au moment où la décision des frappes a été prise, on a cru pouvoir se passer, et de l'ONU, et de la Russie. Si l'idée que " mieux vaut tard que jamais ", tendait à prévaloir, au moins nous éviterait-elle la perspective d'une catastrophe encore plus grande, aux conséquences imprévisibles. Mais cet espoir n'est fondé que sur ce que les Anglais appellent le " Wishful Thinking " (5). Quand j'observe la façon dont s'expriment le président américain, mais aussi les dirigeants français et ceux des autres pays de l'Alliance, je suis à amener à constater que l'illusion de pouvoir aboutir à prouver à tout prix " la crédibilité de l'OTAN " demeure toujours présente. Et qu'elle tend à devenir en quelque sorte le dernier, j'allais dire le seul, objectif de toute l'opération. (*) Ancien porte-parole et conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, du temps où celui-ci dirigeait l'Union soviétique, Andreï Gratchev est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont l'Exception russe - Staline est-il mort ? paru en 1997 aux éditions du Rocher. (1) Andreï Gratchev fait ici référence aux débats organisés par " la Mission de l'an 2000 " (NDLR). (2) Mot allemand, désignant une opération éclair (NDLR). (3) En octobre 1983, près de 2 000 soldats américains avaient débarqué dans cette île des Antilles, afin de renverser (ce qui fut fait en cinq jours) le pouvoir en place (NDLR). (4) Prévue, en principe, en juin 2000 (NDLR). (5) Littéralement, le fait de " prendre ses envies pour la réalité " (NDLR). ********************** 12 Mai 99 - INTERNATIONAL Robert Hue : " Que la France lance une initiative forte ! " Il y a un débat dans l'Alliance, relève le dirigeant du PCF, pour lequel la France doit prendre aujourd'hui ses responsabilités pour aider à trouver une issue politique. L'annonce par Belgrade d'un début de retrait partiel des troupes serbes du Kosovo crée une situation nouvelle. · votre avis, quelle devrait être la réaction de l'OTAN ? Robert Hue. Il faut savoir ce que l'on veut. Si on veut réellement trouver une issue à la guerre, il faut se saisir de la moindre opportunité, quelle que soit par ailleurs l'interprétation qu'on fasse du geste de Milosevic. Pour ma part, je considère - et les Français sont de plus en plus nombreux à partager cette analyse - que la stratégie américaine est en échec. Elle n'est pas adaptée à la complexité de la situation dans les Balkans. Elle n'a pas été à même d'arrêter l'horreur des massacres et de l'épuration ethnique menée par Milosevic. Il faut aujourd'hui trouver une issue diplomatique. L'annonce du retrait entrouvre une porte. Profitons de cette occasion. C'est le moment. La France devrait proposer à ses partenaires de l'OTAN d'interrompre les bombardements pour permettre d'enclencher un processus de sortie de crise. Mais peut-on faire confiance à Milosevic ? Robert Hue. Est-ce bien la question ? Bien entendu, il faut vérifier la réalité du retrait annoncé. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de dire ma condamnation sans appel de l'ultranationalisme des dirigeants de Belgrade et de Milosevic. Mais que pourrait-on attendre de bombardements supplémentaires ? Voilà un mois et demi que l'OTAN bombarde. Quel est le bilan ? Quel risque y aurait-il pour les alliés et pour la paix qu'on interrompe les bombardements ? Moins de destructions et de victimes est-ce négatif ? Cela montrerait en tout cas que les pays de l'OTAN accordent la priorité à la politique, qu'ils veulent donner une chance à la paix ! Où est le risque ? Mettons Milosevic au pied du mur. L'OTAN a exprimé ses regrets après le bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade ? Que devrait faire la France, selon vous ? Robert Hue. Personne ne nie, pas même le président Clinton, la gravité de cet acte. La France n'a pas à assumer de telles erreurs. Elle devrait s'en désolidariser très nettement. Même s'il ne s'agissait pas de l'ambassade de Chine, ce serait gravissime. On joue là avec le feu. Avec des risques très préoccupants d'internationalisation de la crise et des menaces sur le processus diplomatique, notamment à l'ONU. Dans le même temps, cette destruction, avec les dimensions qu'elle prend, doit faire réfléchir sur la gravité de l'engrenage dans lequel nous entraîne la stratégie de l'OTAN. Décidément, tout plaide pour la priorité à la recherche d'une issue politique ! Mais la France peut-elle se désolidariser de ses alliés ? Robert Hue. Evidemment, je souhaiterais que cela puisse se faire en concertation avec nos alliés européens. Et cela ne me paraît pas impossible. Il y a débat dans l'alliance. Regardez la position du président de la République italienne : il appelle lui aussi à l'arrêt des bombardements. Qu'est-ce qui empêche la France de prendre ses responsabilités ? Au nom de quoi aujourd'hui ne saisirait-elle pas cette occasion ? Pourquoi laisserait-elle à d'autres l'initiative, alors qu'elle a joué un rôle décisif pour la conférence de Rambouillet ? On ne demande à personne de perdre la face. Que la France lance une initiative forte en disant : " On vérifie le retrait, on arrête les frappes, et, avec les Nations unies, en relation avec nos partenaires, et avec la médiation de la Russie, on met toutes nos forces pour trouver une issue politique. " Ce serait une bonne chose, conforme à ce que l'on peut attendre de la France. Propos recueillis par Jean-Paul Piérot ______________________________________________________________________________ *) - Un point de vue de Cyril Le Roy à propos de l'appel de Lipietz et comte, mais surtout un eclairage sur les positions du M.A.N. et des contacts pour la solidarité. ______________________________________________________________________________ Date: Sat, 29 May 1999 02:54:27 +0200 From: Cyril Le Roy To: Alain Lipietz CC: ecologie-l at ras.eu.org Subject: [ecologie-l] Texte Kosovo F. Comte et A. Lipietz Resent-From: ecologie-l at ras.eu.org Resent-Sender: ecologie-l-request at ras.eu.org Je réponds avec un peu de retard à l'appel à signatures de Francine Comte et Alain Lipietz pour la tribune des Verts spécial Kosovo. Je trouve malhonnête l'utilisation qu'ils font d'un extrait de la position du MAN établie le 7 avril: ils la citent pour demander l'intervention armée au sol, qui n'est absolument pas la position de ce mouvement non-violent. Francine Comte et Alain Lipietz écrivent : " Il a fallu choisir, et nous avons choisi. Un choix tragique entre deux valeurs, devenues, par la faute de Milosevic, inconciliables: la non-violence, et les droits humains. Comme le dit le Mouvement pour une Alternative Non violente : " Une force d'interposition militaire s'avérera probablement nécessaire (Š) . Lorsque, pour les États, le choix, face à des violations caractérisées des droits de l'Homme, n'est qu'entre la violence et la lâcheté, mieux vaut encore qu'ils choisissent la violence, dès lors qu'elle permet effectivement de parvenir à un moindre mal ". " Or, le communiqué du MAN du 7 avril dit aussi : " Il est du devoir de la communauté internationale d'entreprendre toutes les initiatives permettant la protection des populations civiles, un arrêt des bombardements de l'OTAN et un processus de résolution du conflit préservant l'intégrité du territoire du Kosovo. " Nous sommes là dans une logique opposée à celle développée dans le texte de FC et AL. L'intervention militaire au sol entrainerait automatiquement un grave conflit entre l'OTAN et la Russie et provoquerait vraisemblablement l'extension du conflit autour du Kosovo et en tout cas la perte de son contrôle. A l'opposé, en demandant de façon pressante une intervention avec une approche de désescalade, le MAN se situe dans une logique plus concrète de résolution du conflit. La première tâche est de prévenir son extension. Le texte de FC et AL critique les errements des pacifistes (René Dumont), et des nationalistes (Régis Debray). Il dessine une opposition entre deux camps qui seraient celui demandant l'arret des bombardements (celui des laches et des dogmatiques) et le camp favorable à l'intervention militaire. Selon eux, " le choix de la non-violence reste infiniment respectable " mais ne serait donc pas réaliste dans la situation présente. Le MAN pense au contraite que la non-violence reste encore le choix juste pour le conflit du Kosovo. La non-violence critique vigoureusement le pacifisme au sens intégral, non-interventionniste, qui peut parfois aller jusqu'à nier le conflit. Les non-violents ne peuvent pas être placé aux cotés de Debray ou de certains groupes peu critiques sur le régime de Belgrade. Sur le Kosovo, le MAN est d'ailleurs " interventionniste " depuis 91 (*). La non-violence s'est placée dans la durée dans le conflit du Kosovo, de 91 à fin 97. Ensuite, nous avons assisté à l'échec de la violence sur trois plans : d'une part la lutte armée de l'UCK qui a fourni un pretexte facile a Milosevic pour sa politique de repression, et d'autre part l'échec de la dissuasion militaire avec la menace de bombardements qui devait permetre de faire signer l'accord de Rambouillet aux Serbes mais qui a échoué, et enfin les frappes qui n'atteignent ni leurs objectifs politiques (arret de la purification ethnique) ni parfois leurs objectifs physiques sur le terrain (ambassade de Chine, hopital...) Aujourd'hui, avec un conflit armé qui dure depuis deux mois et une situation difficile pour les pays accueillant les réfugiés, il est urgent de passer à une logique de désescalade qui exige l'arret des bombardements. Cela n'implique pas pour autant la signature d'un accord baclé comme on l'entend souvent. Si l'OTAN laissait véritablement la Russie agir dans le processus diplomatique, un accord devrait pouvoir etre atteint pour déployer une force internationale d'interposition et d'intervention civile. La poursuite (intensification quotidienne selon l'OTAN) des bombardements empêche qu contraire toute sortie de crise et ne fera que rendre plus difficile le travail de reconstruction et de réorganisation des Balkans. Aujourd'hui comme il y a deux mois, il est urgent que des négociations diplomatiques (qui seront facilitées une fois l'arrêt des bombardements obtenus) aboutissent pour l'envoi d'une force d'intervention dans une logique de paix et non d'intervention armée. Cette force devra certainement comporter un volet d'interposition avec des hommes armés, mais surtout une force d'intervention civile reprenant par exemple les bases de la mission de l'OSCE mais dotée de moyens importants. A l'avenir, l'Europe devrait structurer une telle force civile formée pour intervenir dans les zones de conflit avec des moyens non militaires. Avant le début de la guerre, Cohn Bendit évoquait dans ses meetings la nécessité de constituer des corps civils de paix européens. Il doit maintenant avoir du mal à être convaincant là-dessus après avoir présenté sa position sur le Kosovo. Cyril (*) voir le rapport de mission du MAN de 96 " Résistances civiles en Serbie et au Kosovo " Site MAN : http://www.multimania.com/manco Sur l'intervention civile, site IRNC (Institut de Recherche sur la résolution non-violente des conflits) : http://www.multimania.com/irnc ---------------------------------------------------------- Fiche du Carrefour d'initiative et d'action pour le Kosovo Que faire face à la guerre au Kosovo ? Cher(es) ami(e)s, l'Assemblée Européenne des Citoyens et le CEDETIM vous propose une première liste (provisoire, non exhaustive et forcément trop parisienne) d'actions ou de projets en solidarité avec les Kosovars et les forces démocratiques en ex-Yougoslavie. N'hésitez pas à la diffuser autour de vous et à nous aider à la compléter. Nous souhaitons le plus rapidement possible vous donner les contacts directs d'associations kosovares, en Macédoine, en Albanie ou ailleurs... CEDETIM ou Assemblée Européenne des Citoyens 21 ter rue Voltaire - 75011 PARIS tél : 01 43 71 62 12 ou 01 43 79 09 23 / fax : 01 49 79 32 09 e-mail projets et actions de solidarité : Plate-forme pour une paix juste au Kosovo et dans les Balkans : Initiative de plusieurs ONG françaises qui s'engagent à agir en commun pour contribuer à la sauvegarde de la capacité des Kosovars en exil à reconstruire leur société et à l'avenir démocratique de la région. Premiers signataires : AEC, CIMADE, CCFD, Enfants Réfugiés du Monde, France Libertés, MAN, MIR, SCI France. Contact c/o MAN, 21 ter rue Voltaire 75011 Paris tél 01 43 79 79 85 / fax 01 43 79 01 30 E mail Jumelage civique et institutionnel : projet ambitieux et international initié par Solidarité Est-Ouest de Lyon (entre autres les éditeurs du mensuel Diagonales Est-Ouest) pour la constitution d'un réseau de jumelage, avec les institutions et les organisations de la société civile au Kosovo, visant à permettre aux "forces vives" de se réorganiser et organiser un soutien politique juridique économique et institutionnel aux villes, villages, institutions, professions etc. : Renseignements : Association Solidarité Est-Ouest, B.P. 5054 F-69245 - LYON cédex 05. Tél : 04 72 65 94 82 / Fax : 04 72 56 06 91 - e-mail Solidarité Europe-Montenegro : soutien aux initiatives civiques et démocratiques au Montenegro, aide aux réfugiés ... Soutien financier : Solidarité Europe Montenegro, Mr Eric Starcevic,(trésorier), 21ter rue Voltaire-75011 Paris Renseignements ou Odile Dupont-Roche : tél/fax : 01 45 48 26 78 / 06 08 09 22 03 Courrier des Balkans En français, la voix des médias indépendants des Balkans. Visitez le site , renseignements et abonnement gratuit à la liste de diffusion ou au 01 47 97 55 23 (tel/fax) Souscription (200FF. ou plus) à l'ordre du "Courrier des Balkans", c/o AEC-21ter, rue Voltaire 75011 Paris) Secours Ouvrier pour la Bosnie : solidarité avec et par les milieux syndicaux : convois en préparation, soutien au syndicat des enseignants du Kosovo, etc... SOB BP 51, 75861 Paris cedex 18 - e-mail : 'SOB' Pour le convoi : : 01 44 62 12 43 Soutien financier : CCP 3848585K la source au nom de S.O.B. (mention au dos "convoi syndical Balkans) Soutien financier à la reparution du quotidien albanais Koha Ditore Est-Libertés, 7, rue du Cherche-Midi, 75006 PARIS (mention Koha Ditore) Solidarité avec les femmes albanaises Appel du centre de femmes de Tirana, relayé en France par l'Alliance des femmes pour la démocratie 5 rue de Lille 75007 Paris - tél : 01 45 48 83 30 mail : ____________________________________________________________________________ *) - Un point de vue communiqué par " Problem with New World Order? No. " ____________________________________________________________________________ From: Tarzan125 at aol.com Date: Sat, 29 May 1999 11:16:29 EDT Subject: Re: Lettre Pour une Culture de Paix No 11 (Suite KOSOVO) Problem with New World Order? No. Pakistan and India are escalating their Conflict over Kashmir. India is bombing muslim rebels, Pakistan has downed 2 indian airplanes and a helicopter and is threatening a "Nuclear Flash". Cofi Annan of the United Nations is urging both parties for a restraint! He must be joking? The recent Kosovo Conflict has shown the World that United Nations has no authority over armed conflicts. NATO and the NWO is the authority! They have the military might, and that is what counts. Clinton and Madeline Allbright have also asked India and Pakistan for a restraint! In normal situations like that, we, the United States would send and airplane carrier toward the Persian Gulf, to act as a warning to both parties to use restraint. However, this time we are kind of busy, helping other rebels (Albanians) take a part of a sovereign country of Yugoslavia and attach it to a future Greater Albania, so that suuffering of Albanian people i Kosovo can stop. It is a noble cause, helping a humanitarian disaster, about 1,000,000 Albanian people out of their homes that has happened after we started bombing that country! We did that in violation of both NATO and UN charter, and in violation of International Law. All our might is busy now, so we are asking India and Pakistan for restraint! Does anybody think these 2 parties are going to listen, looking at an example of a military action we are doing to solve a similar situation in Kosovo? The solution is clear: STOP the Bombing in Kosovo, NEGOTIATE! Let United Nations take a lead in Peace Settlement! New World Order is not the answer to the World Peace. ____________________________________________________________________________ *) - La réaction d'un citoyen américain Thomas Rhodes Hundley ____________________________________________________________________________ Date: Fri, 28 May 1999 17:24:53 -0700 (PDT) From: Thomas Rhodes Hundley Subject: Re: Lettre Pour une Culture de Paix No 11 (Suite KOSOVO) Thank you for sending me emails. I'm glad to get them. NATO should stop bombing and start putting food on tables and books into people's hands instead. It saddens me as an American to see my country's government and the military complex here leading the way. I think most Americans don't understand any of the details of the bombing because they don't have enough time to dig below the surface of the news media reports. Here in Seattle we have weekly protests downtown against the bombing. There is an activist community here that won't be intimidated by corporate attempts at takeover of the government and military. ____________________________________________________________________________ *) - Quelques reflexions personnelles, développées au cours d'échanges avec quelques personnes. _____________________________________________________________________________ " Concernant votre point de vue sur le conflit en cours au KOSOVO, je le respecte, parcequ'il n'est facile pour personne d'y voir clair dans cette affaire, qui malheureusement fait des morts, detruit un pays, et nous laissera l'addition a payer. Au-dela je reste convaincu qu'en cette fin de 20eme siecle, la CIVILISATION est plus tot du cote de la recherche de solution POLITIQUE et PACIFIQUE et la GUERRE RESTE du cote de la BARBARIE, meme si elle peut apparaitre incontournable, en tout cas dans un seul sens la RESISTANCE, ce qui n'est pas le cas du comportement de l'OTAN. Derniere reflexion, supposons !!!!! que les pays occidentaux aient investi tout l'argent qu'ils viennent de GASPILLER dans la GUERRE, a aider économiquement la YOUGOSLAVIE, à aider POLITIQUEMENT les PARTIS DEMOCRATES, pensez-vous que nous en serions là aujourd'hui ? Mais voilà, avec la GUERRE, nous faisons beaucoup d'argent, en tout les cas certains, et aprés la GUERRE (car elle s'arretera forcement), certains vont encore faire BEAUCOUP d'ARGENT POUR RECONSTRUIRE CE QU'ILS ONT DETRUIT. Et DEVINEZ QUI PAIERA LA FACTURE ? (MILOSEVIC ? CLINTON ? SOLANA ? CHIRAC ? JOSPIN ? BLAIR ? .....) " Dominique BELOUGNE ______________________________________________________________________________ *) - Le MANIFESTE 2000 adopté par un groupe de prix Nobel de la Paix ______________________________________________________________________________ Pour un nouveau départ L'an 2000 doit être un nouveau départ, l'occasion de transformer - ensemble - la culture de la guerre et de la violence en une culture de la paix et de la non-violence. Pareille transformation exige la participation de chacune et de chacun, et doit offrir aux jeunes et aux générations futures des valeurs qui les aident à façonner un monde plus juste, plus solidaire, plus libre, digne et harmonieux et plus prospère pour tous. La culture de la paix rend possible le développement durable, la protection de l'environnement et l'épanouissement de chacun. L'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé en novembre 1997 l'an 2000, Année internationale de la culture de la paix. L'UNESCO assure la coordination des activités de l'Année internationale de la culture de la paix dans le monde entier. Un groupe de Prix Nobel de la paix, réuni à Paris à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a créé le Manifeste 2000 pour une culture de la paix et de la non-violence. Norman Borlaug - Adolfo Perez Esquivel - Dalaï Lama - Mikhail Sergeyevich Gorbachev - Mairead Maguire - Nelson Mandela - Rigoberta Menchu Tum - Shimon Peres - Jose Ramos Horta - Joseph Roblat - Desmond Mpilo Tutu - David Trimble - Elie Wiesel - Carlos Felipo Ximenes Belo ont été parmi les premiers signataires du Manifeste 2000. Manifeste 2000 ____________________________________________________________________________