L'argent et l'amour

Ressemblances

L'existence de l'argent est nécessaire à la subsistance d'une société civilisée: si on pouvait supprimer l'argent dans une population, elle ne pourrait guère subsister longtemps.
Chacun a besoin d'argent pour vivre, qui n'a pas d'argent survit dans la misère.
L'argent détermine la condition d'un individu: où qu'il aille, quoi qu'il fasse, s'il a de l'argent il peut l'amener partout avec lui et ainsi trouver son bonheur dans toutes sortes d'activités, loisirs et divertissements organisés qu'il rencontre. Qui n'a pas d'argent, où qu'il aille, quoi qu'il fasse, il pourra souvent constater le bonheur des autres mais ne pourra lui-même profiter de rien.
Son usage est normalement approuvé par la société, du moins toléré par absence d'opposition pratique. L'idéal serait que tous les hommes en soient également pourvus de manière satisfaisante. Cependant, ce n'est pas le cas: l'inégalité de sa répartition est criante, une minorité significative en est privée, une majorité se trouve dans une situation moyenne tandis qu'une petite minorité a le privilège d'en être très fortement pourvue, d'une manière leur permettant d'en profiter beaucoup plus intensément que le commun des mortels, totalisant à eux seuls une valeur plus importante que celle de tous les autres réunis. L'existence de fortunes aussi outrancières entretient nombre de pauvres dans le rêve d'en bénéficier subitement, les amenant par exemple à tenter régulièrement leur chance au Loto, encore et encore pendant des années, d'une manière qui en pratique ne construit rien car à chaque instant redémarre tout à zéro, ne permettant pas d'accroître leurs chances à force de tentatives, ce qui finalement risque plus de contribuer toute leur vie à les maintenir dans la misère, les appauvrissant à petit feu.
Faute de quoi, on peut aussi se satisfaire d'un idéal secondaire, suivant lequel sa répartition et son éventuelle absence porterait une valeur morale, se produirait d'une manière juste. Certains croient à une telle justice du destin. Cependant, il est déjà relativement clair que ceux qui en sont le plus pourvus ne sont pas toujours ceux qui en auraient le plus besoin. Alors, faute d'une répartition suivant le besoin, on peut encore espérer en une répartition suivant le mérite et la valeur morale des bénéficiaires. Là malheureusement, il serait bien difficile de faire des statistiques objectives, en sorte que chacun reste finalement libre de se faire son opinion sur l'état du monde actuel vis-à-vis de cette question, sans que d'autres ayant un avis différent puissent facilement argumenter.

Différences

La plupart des fortunes n'ont pas été gagnées au Loto. Cependant, parmi celles gagnées là, 100% des gagnants ont tenté leur chance.

L'argent s'acquiert par l'effort du travail, et le confort qu'il procure est la contrepartie quantitativement plus ou moins rigoureuse bien que subjectivement non équivalente, d'un inconfort assumé par ailleurs (ou du moins d'une utilité a autrui), en sorte de modérer l'inégalité des sorts entre ceux qui ont eu la chance de pouvoir travailler beaucoup pour gagner beaucoup et ceux qui étant restés chômeurs involontaires ont eu au moins, faute de confort, le soulagement d'une vie tranquille et oisive. Un avantage de l'argent reste la relative marge de liberté de chacun à gérer son budget, pouvant se restreindre par-ci pour mieux se libérer par-là en sorte que tout bénéfice ou toute perte demeure la contrepartie d'un élément contraire préservant une relative justice d'ensemble.

S'il vient à un riche de prendre connaissance de la misère d'un pauvre et d'en avoir pitié, rien ne l'empêche d'exercer sa générosité envers lui, abandonnant sans douleur une partie de son surplus dont il n'a que faire, pour en faire directement profiter le pauvre qui en a le plus besoin. Un tel acte de charité est réalisable de façon facile, voire triviale et automatique, par la vertu du caractère universellement interchangeable de l'argent sur les différents marchés, indépendamment des identités du donneur et du receveur, de leurs éventuels talents ou compétences, et de leurs différences de goûts et de besoins particuliers. Un tel acte est unanimement honoré par toutes les religions comme étant la vertu par excellence. Il est de plus institutionalisé au nom du bien commun comme une pratique courante parfois même rendue obligatoire par l'Etat-providence comme étant un droit humain fondamental par souci d'égalitarisme, ainsi que facultativement mais de façon assez répandue par les oeuvres de toutes les organisations humanitaires. Tous les partis politiques inscrivent encore régulièrement dans leurs priorités électorales la lutte contre le chômage, malgré l'inefficacité fondamentale sans cesse constatée des tentatives gouvernementales d'action en ce domaine.

Néanmoins, les défauts de son fonctionnement social que sont la cruauté de son absence et l'injustice de sa répartition continuant toujours à nous interpeller, nombre d'artistes et de romanciers continuent à les dénoncer sans relâche, au risque inconsidéré de confondre ces insuffisances du fonctionnement de l'argent avec l'argent lui-même malgré l'étrangeté manifeste que présente une telle confusion des contraires. Et même quelques idéologues, ayant jugé ses tares comme irrémédiables et inhérentes au concept même d'argent, en sont venus à condamner l'argent comme un mal social du monde qu'il faudrait bannir ; sans bien sûr prétendre que d'un point de vue individuel le confort de vie qu'il procure à ceux qui ont la chance de le posséder soit de quelque manière mauvais en soi; seulement on considère comme futile et insignifiant, voire révélateur d'un désir intrinsèquement pervers par son excessivité, le fait d'en désirer ou d'en profiter au-delà d'une certaine mesure.

Une pauvreté excessive engendre mécaniquement disette et malnutrition qui manifestent des signes physiques d'alerte visibles par tous, indépendamment de la volonté de celui qui la subit qu'on ne pourra jamais accuser de jouer la comédie ou de manifester un simple caprice. Ce signe objectif d'une souffrance évidemment involontaire et expression d'une nécessité biologique indéniable dans le contexte d'une société qui dispose pourtant des moyens évidents (ci-dessus évoqués et qui rappelons-le ont l'avantage de ne nécessiter ni organisation démesurée ni compétence ni effort, ni dévotion particulière ou entraînement particulier de quiconque, ce qui prive définitivement cette société de tout prétexte d'impossibilité dans cette direction) de répondre à ce besoin, fait ouvertement éclater le scandale jetant sur cette société une culpabilité indéniable ayant la vertu de hisser le miséreux au rang de victime d'un monde cruel, et lui donner le droit de crier à Dieu justice.
Et si malgré ce scandale le monde ne se resaisissait pas pour rendre promptement satisfaction à cet urgent besoin, le miséreux serait de toute manière assuré du fait que l'aggravation de sa disette sera aussi mécaniquement limitée par une mort involontaire et libératrice qui d'elle-même achèvera également d'en rejeter toute faute sur ce monde qui a laissé survenir un tel malheur.

Et que dire de ceci ?

L'argent étant à la base une création humaine, matérielle et sociale, son support matériel et ses caractéristiques fondamentales sont susceptibles d'évoluer avec la société et les technologies. Il a ainsi une histoire, même si elle semble encore assez monotone, mais sa conversion progressive dans les nouvelles technologies en évolution permanente apporte la perspective de changements plus fondamentaux. Mais surtout déjà, alors que les inégalités existent encore, son volume quantitatif a considérablement augmenté dans nos pays comme reflet de la hausse de la productivité, suivant un mouvement général : ainsi, les basses conditions elles-mêmes qui étaient très misérables et assez couramment répandues autrefois se sont relativement bien améliorées en moyenne dans les pays développés.
Tout cela laisse envisager l'espoir que les misères soient également diminuées ailleurs à l'avenir (sauf bien sûr pour cause de surpopulation, à cause des limites physiques des ressources de la planète).

Depuis 200 ans, quasiment plus personne ne considère les privilèges matériels comme étant de droit divin.
D'après l'opinion courante, on n'emmène pas sa fortune au paradis.

L'Etat ne se contente pas de redistribuer l'argent, il considère le problème de la pauvreté à sa base qui est le chômage. Il considère de son devoir d'amener chacun à trouver un emploi, alors même qu'il ne peut pas contrôler la décision des employeurs en ce sens. Cela est tellement primordial et sa tache impérieuse, qu'il croit bon de dépenser une grande part de son budget dans l'éducation et la distribution de diplômes, informations visant au moins à rendre ces candidats plus séduisants vus de loin, aux yeux des employeurs, et à remédier aux erreurs dues au fait que, la première impression d'un employeur sur un candidat lors d'un entretien d'embauche étant certes intéressante, ne suffit pas et peut être trompeuse: les employeurs sont effectivement intéressés d'en savoir plus sur ce qui se cache derrière. Peu importe pour l'Etat que cela corresponde ou non à un avantage réel que l'employeur en tirera, et encore moins que différents employeurs ne recherchent pas les mêmes qualités chez les candidats, à cause de quoi le problème devrait être de savoir qui acceptera qui pour arriver à caser à peu près tout le monde. Non: l'important est de relever uniformement l'opinion superficielle que l'ensemble des employeurs aura uniformement sur l'ensemble des candidats qui auront passé les tests avec succès, de sorte d'augmenter les chances des candidats diplômés de se faire accepter par tous les employeurs (et les non-diplômés par aucun mais tant pis pour eux, ils n'avaient qu'a bien se tenir). L'objet de cette attestation, est de certifier que les candidats ont fait preuve de leurs bonnes vertus et de leurs bons efforts en épuisant leur prime jeunesse à subir le poids d'un travail scolaire obligatoire (pour être sûr que tous en aient bénéficié même si ça ne leur plaît pas) d'une lourdeur extrême, à l'image du travail qui est la contrepartie négative normale de l'argent, mais ici non pas un travail réellement utile à quelqu'un qui le rende par de l'argent, mais une simulation de travail, un travail gratuit, inutile aux autres, non librement choisi dans ses options (dont la diversité et la proportion des matières choisies sont bien misérables en comparaison avec la grande diversité des métiers possibles qui eux par contre seront bien plus librement consentis suivant les goûts et capacités de chacun), mentalement et moralement exténuant, un exercice de travail pour faire semblant, au service fictif de professeurs qui ne s'y intéressent pas réellement, mais qui ne sont là que pour contrôler la bonne existence de ce travail, de cette peine fournie gratuitement.
Mais, si de si grosses fortunes de l'argent public sont ainsi dépensées dans le seul but d'organiser ces exercices et de fournir les certificats, ce n'est pourtant pas tant parce que l'efficacité de cette méthode, ni même l'existence de quelque authentique similarité de nature que ce soit entre le travail scolaire (et ce qu'il apporte réellement aux élèves) et le véritable travail à venir auquel il est censé preparer, utile à autrui et qui sera recompensé par de l'argent, soit claire et prouvée (de toute façon, il serait bien difficile de mesurer son efficacité faute d'échantillons d'orientations différentes observables pour comparaison), que pour faire taire puissamment quiconque oserait insinuer que l'Etat n'aurait pas fait tout son possible pour s'attaquer au problème. Car, peu importe si cela sert réellement a quelque chose, tout ce qui nous intéresse c'est d'y croire, au nom du fait qu'il serait de toute manière absolument inexcusable de ne rien faire. De fait, les diplômes ainsi durement acquis contribuent à permettre de trouver du travail; mais (d'après certains travaux d'économistes) il arrive souvent que, contrairement à ce qu'on suppose, c'est moins du fait que tout ce labeur menant au diplôme a amélioré les capacités du candidat, le rendant plus productif, que le fait de s'y être investi avec succès est le révélateur de qualités productives innées qui ne seraient pas aussi facilement repérables par les employeurs autrement.

Il est facile de parler de l'argent, au point qu'il soit le seul terme de cette comparaison qui ait été explicitement évoqué.


Une réfexion intéressante d'un participant au forum doctissimo : "Pourquoi je suis pour l'hyperultralibéralisme économique"


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